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Mondiaux de hockey : quand les bagarres font souffler le show et le froid

Si vous découvrez la discipline à l'occasion des championnats du monde organisés en France et en Allemagne, franceinfo vous livre un petit guide de survie pour ne pas être choqué par la violence de ce sport.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Mêlée dans le but slovaque lors du match Slovaquie-Danemark, au Mondial de hockey 2017, à Cologne (Allemagne), le 9 mai 2017. (WOLFGANG RATTAY / AFP)

"Le sang sur la glace, ça fait vendre." Voilà comment l'ex-joueur canadien Bob Stewart résume, crûment, la philosophie de certains amoureux du hockey. Alors que la France co-organise les championnats du monde de la discipline (jusqu'au 21 mai) avec l'Allemagne, démêlons le vrai du faux : hockey rime-t-il obligatoirement avec boucher ?

Les rares images de hockey qui sont médiatisées en France montrent souvent des bagarres générales. Affrontements immortalisés par le film parodique Slapshot, où la spécialité de l'équipe des Chiefs pour déstabiliser l'adversaire consiste à commencer la bagarre dès l'échauffement pendant que les arbitres sont aux vestiaires.

Exagéré ? Pas tant que ça. Un vrai match, opposant les New York Rangers et les New Jersey Devils a dégénéré en bagarre générale... au bout de trois secondes de jeu. Les bagarres (autorisées après le coup d'envoi) font l'objet de huit pages dans le règlement de la Ligue nord-américaine (NHL), la seule qui les tolère. Ces empoignades sont réglementées : les pugilistes doivent enlever leurs gants, conserver leur casque et ne se servir que de leurs poings. Et les combattants ne sont sanctionnés que de cinq minutes au "frigo", avant un possible retour sur la glace. Ces échanges de marrons font partie intégrante du folklore.

Longtemps, toutes les équipes ont veillé à disposer d'un "enforcer" dans leur effectif. Un guerrier à la technique rudimentaire, surtout là pour distribuer les mandales plutôt que les passes. "Je ne pense pas que les gens comprennent les émotions par lesquelles passent les 'policemen' [leur autre surnom], raconte John Scott, l'un des représentants de la corporation dans le Chicago Tribune. J'ai passé des nuits sans fermer l'œil en sachant que j'allais démolir un gars le lendemain."

Les guerriers bientôt au chômage technique

Le cercle de ses poètes de la glace tend à disparaître. Lors de son passage chez les Blackhawks, John Scott se plaignait de ne plus trouver d'adversaire. Et pour cause : beaucoup d'équipes ont renoncé à engager des gros bras, qui coûtent beaucoup d'argent pour un temps passé sur la glace minimal. Derek Boogaard, un "enforcer", devenu alcoolique, toxicomane et dépressif, avait cumulé 70 combats en 270 matchs, et passé 600 minutes au "frigo" avant son suicide, en 2011. Il n'avait que 29 ans.

Plafond des salaires oblige, les équipes recrutent avant tout des bons joueurs. Fatalement, le nombre de bagarres est en chute libre, relève le site spécialisé Dropyourgloves (en anglais), et il n'y a plus qu'une bagarre tous les trois matchs. Il y a dix ans, on en comptait trois fois plus. "On a probablement atteint un niveau optimal de bagarres", estime l'universitaire Duane Rockerbie, qui a particulièrement étudié la question, sur le site économique Quartz.

Plus significatif, les chiffres montrent qu'une fois entré dans le vif du sujet, en play-offs, le nombre de bagarres fond comme glace au soleil. Une bonne nouvelle pour les dents de bon nombre de joueurs, à l'image de Bobby Clarke.

Pas question d'interdire les mandales pour autant. Si une étude tend à montrer que les violences font fuir une partie du public (surtout les familles), une autre tend à montrer qu'un joueur qui se sacrifie en envoyant au tapis l'adversaire galvanise son équipe. Les bagarres sont aussi un formidable argument de vente pour l'éditeur de jeux vidéo EA Sports, qui a repris, à partir de son édition 2014, une partie... du moteur de son jeu de boxe pour les bagarres dans son titre annuel NHL.

La "mise en échec" ou le droit d'envoyer l'adversaire dans le décor

Pas questions, en revanche, de voir ce genre de bagarres lors de compétitions internationales. Elles sont interdites par les règles de la fédération, les mêmes qui sont appliquées lors des Jeux olympiques, où les valeurs coubertiniennes s'accommoderaient mal de tant de violence gratuite. Mais les contacts sont loin d'êtres proscrits.

"Le hockey est un sport où vous pouvez être envoyé dans le décor pour peu que vous ayez le palet", résume Brian Burke, manager général des Maple Leafs de Toronto, dans le New York Times. C'est un peu réducteur, mais globalement juste. Pratiquement tout est permis pour récupérer la "rondelle". Y compris envoyer son adversaire au sol, dans les vitres de protection, ou au-dessus de la rambarde. Ce qu'on appelle dans le jargon "la mise en échec" est aussi le prétexte à de jolies empoignades. 

Prenez le geste du joueur de Nashville Shea Weber, qui a envoyé la tête de son adversaire, Henrik Zetterberg, dans la vitre, sous le seul prétexte qu'il joue à Detroit. Un geste idiot, réalisé sous les yeux de l'arbitre qui plus est. La NHL a sanctionné cette mise en échec très virile d'une amende de 2 500 dollars. Son coach l'a félicité pour avoir remis l'adversaire à sa place. Et le service marketing en a fait une vidéo virale, baptisant son geste le "Webering".

Ronny Keller, un joueur suisse, est ainsi devenu paraplégique après une mise en échec très violente lors d'un match en 2013. Il a percuté les panneaux publicitaires tête la première, et une de ses cervicales n'a pas tenu. "Je ne sens plus mes jambes, je ne peux plus bouger", a-t-il aussitôt crié aux soigneurs. La justice a disculpé son adversaire, mortifié : "Je voulais juste toucher le puck avant lui, a expliqué Stefan Schnyder à 20 MinutenLa scène me hante et je m'en veux." Ce genre d'accident se produit hélas régulièrement. "C'est un fait de jeu, je n'en ai jamais voulu à mon agresseur, ce n'était pas volontaire que je me retrouve comme ça", confiait un autre hockeyeur paraplégique, Jann Yauss, à la RTS.

Prise de tête à venir

La mise en échec fait l'objet, comme le plaquage au rugby, d'une interdiction totale dans les catégories de jeunes. Au Québec, elle est interdite avant 14 ans. Ce qui ne veut pas dire que les coachs ne cherchent pas à développer l'agressivité de leurs poulains. Deux tiers des éducateurs en junior ont refusé de participer à des vidéos de prévention des blessures, en 2012, de peur de rendre leurs joueurs moins agressifs, raconte Hockey Archives.

Des chercheurs canadiens se sont penchés sur la dangerosité de ce sport. On dénombre une blessure nécessitant la sortie d'un joueur tous les trois matchs, ce qui peut paraître peu. Nuance : ces blessures sont souvent assez sérieuses. Oubliez les ruptures de ligaments habituelles des footballeurs ou des rugbymen, c'est sur le haut du corps que ça se passe : 36% des blessures concernent les bras et les mains, 20% la tête et 6% le tronc, selon une étude (en allemand) menée par le médecin de l'équipe d'Allemagne. "Entre 1986 et 2006, on constate un déplacement des blessures aux jambes ou aux pieds vers les blessures aux bras ou aux mains."

Le hockey demeure, en tout cas, le seul sport où un fait de jeu a été puni d'une peine de prison. Dino Ciccarelli, capitaine des Minnesota North Stars, a passé une journée derrière les barreaux pour un coup de crosse dans le visage d'un adversaire, en 1988. Malgré une carrière brillante, cet incident a sans doute retardé son admission au Hall of Fame de son sport, où il n'est entré qu'en 2010, huit ans après sa date d'éligibilité.

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