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MMA : Ciryl Gane, un "Bon Gamin" au milieu des gros garçons

Dans un MMA en pleine explosion en France, le nom de Ciryl Gane ne peut plus passer inaperçu. Le combattant de 30 ans est à l'affiche de l'UFC 256 samedi à Las Vegas, les réunions les plus prestigieuses de ce sport. Style, parcours, personnalité : celui qu'on surnomme "Bon Gamin" détonne à bien des égards. Au point de pouvoir prétendre à devenir un des visages de la discipline.
Article rédigé par Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7 min
Le combattant français de MMA Ciryl Gane à l'entraînement à la MMA Factory

Un bon gamin lâché dans la ville du pêché pour mettre un vétéran brésilien K.-O. Samedi soir à Las Vegas, Ciryl Gane renoue avec son histoire digne d'un scénario hollywoodien, après un an à ronger son frein. Le combattant français de MMA doit affronter le Brésilien Junior Dos Santos, une pointure dans le milieu, alors que le Vendéen n'est encore qu'un potentiel champion en attente de confirmation. Celle-ci devait intervenir un peu plus tôt en 2020, alors que son début de carrière fulgurant dans cette discipline devait laisser place à l'année de l'explosion. Mais entre la Covid-19 et les forfaits de ses adversaires, Gane a dû bousculer ses plans. Cela tombe bien, ne rien faire comme les autres, ça le connaît.

Car si l'homme de 30 ans est aujourd'hui lancé pour devenir l'une des égéries de son sport dans l'Hexagone, rien ne le prédestinait à devenir une tête d'affiche, en particulier en MMA. En 2018, Gane n'a jamais mis les pieds dans une cage. A peine trois ans plus tôt, il travaillait encore dans un magasin d'ameublement en région parisienne. A 24 ans, le colosse ne va à la salle de combat qu'occasionnellement. L'antithèse parfaite du parcours d'un champion de haut niveau. Football, basket, athlétisme, handball, rugby… Partout dans sa jeunesse, Gane se distingue et les occasions d'en faire sa vie ne manquent pas. Mais il ne prend pas le train en marche.
"A chaque fois que je commençais un nouveau sport, j'avais des facilités, glisse-t-il dans un sourire. A 16 ans, on m'appelle dès ma première année de basket pour intégrer des centres de formation, mais je n'étais pas prêt. On me dit tu quittes ta famille, tu quittes tes potes alors que je jouais pour le plaisir… Je ne me sentais pas encore bon, pas mature. J'ai aussi été appelé pour des détections en foot pour des équipes départementales, régionales… Et je n'y suis pas allé parce que je n'en avais rien à faire (rires)."

De la boxe-thaï à l'UFC vitesse grand V

Le déclic a lieu en 2015. Gane lâche son emploi et se lance, enfin. "Dans ma tête, j'ai toujours su que je pouvais vivre du sport", nous assure l'homme de la Roche-sur-Yon. "Mais cela n'a pas été facile, cela demande des sacrifices. Ce sont des choix de vie. Et quand j'ai fait ces choix, j'ai acquis une maturité personnelle en même temps que mon indépendance. J'ai testé les sports de combat, et mon coach m'a dit 'arrête de venir une fois tous les deux mois, je vais essayer de faire quelque chose de toi'. J'étais prêt mentalement à ne me dédier qu'à ça et j'avais quelqu'un derrière moi qui allait suer pour que je performe."

Les résultats ne tardent pas à tomber. Après quelques mois de pratique seulement, Gane monte sur le ring pour ses premiers combats, et des petits cachets financiers. Sa technique est déjà affûtée. Son aisance est évidente. Il s'offre les références de la discipline dans l'Hexagone et devient champion de France dès 2017. Mais la boxe thaï n'offre que peu de garanties financières, même aux meilleurs. Une nouvelle rencontre va changer une deuxième fois sa carrière : Fernand Lopez, précurseur du MMA en France et créateur de la MMA Factory à Paris, l'un des berceaux de ce sport sur nos terres. "J'ai croisé Fernand Lopez à la MMA Factory parce que j'étais à la recherche de sparring. J'ai toqué à la porte, on avait des connaissances en commun. Il a su capter mes aptitudes après deux entraînements. Il m'a dit en deux ans, je te vois en UFC."

Le combattant français de MMA Ciryl Gane, au sol à l'entraînement avec son coach Fernand Lopez à la MMA Factory

"Bon Gamin", un vent de fraîcheur dans un sport tout neuf

L'objectif, rejoindre l'organisation la plus prestigieuse de ce sport, est élevé. Mais Gane est du genre acharné. En changeant de discipline, il doit se réinventer. Du pied-poing, il passe aux arts martiaux mixtes, les plus complets techniquement. Il part donc de zéro dans le travail de lutte au sol, comme dans les mouvements. Une terre glaise qui ne demande qu'à être façonnée. "C'était beaucoup de frustration parce qu'on est sur un style complètement différent. Quand je suis arrivé en MMA, je me suis retrouvé au sol au bout de 20 secondes parce que je ne me déplaçais pas. Je n'avais pas les capacités nécessaires pour défendre la lutte. Au sol, c'était encore pire, on me noyait complètement."

Comme en muay-thaï, l'élève est précoce. Le plan de marche établit par Lopez ne tarde pas à voler en éclat face aux progrès de son poulain. "J'avais fait mon premier combat en août 2018, un an plus tard, j'ai fait mon premier UFC. Le faire en deux ans, c'était déjà beau pour moi. Et on l'a fait en un an et des poussières." Dès ses premiers combats, le Tricolore fait l'étalage de son style totalement à part. Gane est un beau bébé à l'allure féline, qui tranche radicalement avec la majorité des poids lourds en sports de combat. Chez les gros garçons, comme on le dit au Canada, là où Gane survole ses trois premières rencontres, il est un cocktail rare de puissance et de mobilité. 

"Quand je dis que je vais arriver avec un nouveau style, que je veux apporter une nouvelle génération, c'est que je veux arriver avec quelque chose que les gens n'avaient pas vu avant, clame-t-il. Et c'est ce qui plaît aux amateurs de sports de combat, je crois. Un gars qui fait plus de 110 kilos mais avec un bon cardio, agile, intelligent, qui ne prend pas beaucoup de coups, qui se déplace beaucoup, aérien."

"Je ne connaissais pas le MMA avant 27 ans, comment je pouvais en faire mon objectif de vie ?"

Six affrontements, six victoires, Ciryl Gane ne tarde pas à se faire un nom en UFC. Et surtout un surnom, "Bon Gamin". Issu d'un groupe d'amis du même nom, cette identité sied à Gane comme un gant. "L'ADN de Bon Gamin, c'est que tu sais ce que tu as envie de faire. Reste jeune, sois bon et fais ce que tu as envie de faire." Souriant, affable, décontracté et à la fois respectueux, sa personnalité plaît autant à l'UFC que ses qualités dans la cage. L'organisation voulait capitaliser sur cette ascension retentissante, mais ses cinq combats prévus cette année sont tous tombés à l'eau. Elle est finalement parvenue à mettre en place un affrontement contre Junior Dos Santos, ancien champion du monde la catégorie, un sacré morceau pour le Français. "C'est très clairement le plus gros combat de ma carrière. Que ce soit en termes de niveau, de hype, de tout... Là, on est dans le haut du panier. Junior reste sur trois défaites, mais contre le Top 3 mondial, il n'y a pas à rougir."

Un succès lancerait un peu plus sa carrière dans l'octogone, tant à l'international qu'en France, où la discipline est en plein essor après des années de quête pour être légale. "Pouvoir être un des pionniers de ce sport en France, je le prends à cœur" confirme-t-il. Gane est notamment attendu parmi les têtes d'affiche de la première réunion UFC sur notre sol, pressentie à Bercy en 2021. 

S'il est pressé, il ne se focalise par pour autant sur son bilan jusqu'alors immaculé. "Je ne suis jamais arrivé en me disant que ça allait être facile. Pour moi, c'était toujours de la découverte, des tests à ce niveau. Si je perds, c'est que le gars en face était plus fort que moi. Aujourd'hui, on est dans le haut du panier (NDLR : il pourrait intégrer le top 10 des poids lourds en cas de succès samedi), qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Tous les champions ont perdu un jour : Ali, Wilder, Tyson, Joshua… Je m'en fous complètement de rester invaincu ! Je ne connaissais pas le MMA avant 27 ans, comment je pouvais en faire mon objectif de vie ? Je ne peux pas dire aujourd'hui que j'ai toujours rêvé de ceintures, de trophées, d'être le numéro un. Je veux juste kiffer, c'est la priorité, et mettre ma famille à l'abri, leur faire plaisir. C'est super simple en fait." Un vrai "Bon Gamin".

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