Maradona, un Dieu au sens propre pour les fidèles de l'Eglise Maradonienne
Ils vivent en l’an 60 après Diego Maradona. Depuis l’annonce de son décès mercredi après-midi, les milliers de fidèles de l’Eglise Maradonienne pleurent leur "D10S", contraction du mot "Dios" (Dieu) et du célèbre numéro 10 porté par le joueur. "Je n’y crois pas", "Dites moi que ce n’est pas vrai", peut-on lire sur le groupe Facebook de l’Iglesia Maradoniana. Un autre fidèle publie un hommage au joueur argentin: "Je t’aime D10S. On m’a toujours dit que Dieu existait, mais je n’y croyais pas. Maintenant je sais que Dieu est au paradis".
Fondée en 1998, l’Eglise Maradonienne se donne pour mission de "maintenir vivante la passion et la magie avec laquelle notre Dieu joue au football". "Notre religion est le football, et comme toutes les religions, elle doit avoir un Dieu", expliquent ses fondateurs. Alors que son site officiel revendique 40 000 fidèles, ils sont près de 100 000 sur son groupe Facebook, venant des quatre coins du monde, comme Anthony Bale, un Ecossais cité par Mickaël Correia dans son livre "Une Histoire populaire du football": "Qu’est-ce que Jésus a fait que Maradona n’a pas fait ? Ils ont tous les deux fait des miracles, c’est juste que ceux de Maradona sont homologués".
Des prières et des fêtes religieuses à la gloire de « D10S »
Chaque 29 octobre, les membres de l’Eglise Maradonienne fêtent le Noël Maradonien, la veille du jour de sa naissance. Ils célèbrent aussi les Pâques Maradoniennes, le 22 juin, en commémoration de ses deux buts contre l’Angleterre, à cette date, en 1986. Fréquemment, leur Dieu lui-même leur envoyait des vidéos pour leur souhaiter de bonnes festivités. Pour devenir un fidèle de l’Eglise, il faut passer par l’étape du baptême, qui consiste à marquer un but avec le poing gauche, comme le "Pibe de Oro" l’avait fait lors de ce match. Des mariages sont aussi célébrés, durant lesquels les deux mariés, vêtus de tenues floquées du numéro 10, se jurent de partager des vidéos des buts de leur Dieu, et de donner "Diego" comme deuxième prénom à leurs fils.
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Ces cérémonies sont l’occasion de réciter des cantiques à la gloire de "D10S". Les prières catholiques du "Je crois en Dieu" et du "Notre Père" sont ainsi adaptées: "Notre Diego- Qui est sur les terrains - Que ton pied gauche soit béni - Que ta magie ouvre nos yeux - Fais-nous souvenir de tes buts - Sur la terre comme au ciel - Donne nous aujourd’hui notre bonheur quotidien - Pardonne aux Anglais - Comme nous pardonnons à la mafia napolitaine - Ne nous laisse pas abîmer le ballon - Et délivre nous de Havelange (ancien président de la FIFA, ndlr.) - Diego". Pour Tato Arizaga, fidèle dont le corps est recouvert de neuf tatouages à l’effigie de son idole et dont le fils s’appelle Diego Armando, l’Eglise Maradonienne est le fruit d’une "forme de fanatisme pour celui qui est le dieu du football". "Mais nous respectons toutes les religions, sans les dénigrer", tient-il à souligner.
Sa mort laisse les fidèles inconsolables
Si leur dieu vivant s'est éteint, il restera éternel pour les membres de l'Eglise Maradonienne, comme Martin Dameno, effondré depuis l'annonce de son décès: "Je pleure depuis mercredi. Mes enfants de 12 et 8 ans, qui ne l’ont pas connu en tant que joueur, comprennent l’importance qu’il avait en voyant ma douleur". Tato Arizaga explique cette adoration pour le footballeur par la culture argentine: "Maradona était et restera la plus grande idole du pays. Il a défendu notre drapeau simplement en jouant au foot. Nous sommes un peuple dégoûté par la corruption politique, et pour nous réjouir, il ne nous reste que les choses simples comme le sport. L’Argentine respire football, vit football, mange football".
Son décès laisse ses fans inconsolables: "Aujourd’hui, c’est un rêve, qui dure depuis trente ans, qui s’échappe. J’aurais juste voulu l’étreindre et lui dire merci pour toutes les joies qu’il m’a apportées. Je me souviendrai de lui toute ma vie", témoigne Tato Arizaga. Un sentiment partagé par Martin Dameno: "Je le garderai toujours dans mon cœur, et sur mon corps avec mes tatouages qui le représentent. Je lui serai reconnaissant éternellement pour toute la force qu’il ma donnée dans les pires moments, et la joie dans les bons moments". L'Eglise Maradonienne n'a pas encore communiqué sur d'éventuels hommages, mais n'encourage pas les rassemblements collectifs en période de crise sanitaire.
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