Loïck Peyron et la "petite mésange noire", pour continuer l'histoire
Peyron, 56 ans, ne courra pas pour la victoire avec ce voilier lancé en 1964 et donc à peine plus jeune que lui. Il sera même sans doute le plus lent de la trentaine de concurrents, répartis en trois classes: trimarans Ultimes (30 m environ) et Multi50 (15,24 m), monocoques Imoca (18,28 m) et Class40 (12,18 m). Mais qu'importe: Peyron a d'ores et déjà réussi l'un de ces hold-ups médiatiques dont il a le secret et il est à parier qu'on parlera autant de lui (sinon plus) que de ses adversaires plus véloces. Avant la dernière Route du Rhum, le Baulois avait annoncé son intention de participer avec un petit trimaran, Happy, copie conforme de celui que le Canadien Mike Birch avait mené à la victoire dans la première édition de la course, en 1978. Peyron avait finalement pris le départ du "Rhum" avec le maxi-trimaran Banque Populaire VII (31,50 m), son skipper attitré, Armel Le Cléac'h, s'étant blessé à une main. Et il avait évidemment gagné...
Un Zébulon médiatique
Peyron est un spécialiste du multicoque, aussi à l'aise sur un dragster de la Coupe de l'America qu'aux commandes d'un maxi océanique. Son curriculum vitae donne le tournis: trois victoires dans la Transat anglaise (1992/1996/2008), deux dans la Transat (en double) Jacques-Vabre (1999-2005), une dans la Barcelona World Race (en double/2011), une dans la Route du Rhum (2014)... Sans oublier le Trophée Jules-Verne (en équipage/2012) et cinq titres de champion du monde Orma (trimarans de 18,28 m). Peyron a également été co-barreur du maxi catamaran suisse Alinghi dans la Coupe de l'America 2010 à Valence (Espagne) et de l'AC72 suédois Artemis dans la 34e "Cup" en 2013 à San Francisco.
Marin de l'année 2014, Peyron est un Zébulon à la langue bien pendue, doté d'un solide sens de l'humour et capable de défendre avec brio des points de vue contradictoires à cinq minutes d'intervalle. Bref, la coqueluche des médias. "L'idée (de courir à nouveau la Transat anglaise) m'est venue il y a 5 ou 6 ans", explique-t-il à l'occasion de la remise à l'eau de Pen Duick II, après un petit lifting à l'Ecole nationale de voile et des sports nautiques (ENVSN) de Beg Rohu (Morbihan).
Avec une selle de Harley Davidson
"J'ai gagné trois fois cette course, dont la dernière édition, et j'avais envie de refaire une transat à l'ancienne", sans GPS, radar ou pilote automatique. "Mon unique frustration, ça va être de ne pas avoir de concurrents, ajoute Peyron. La seule pression que j'ai sur les épaules, c'est de ramener intact à la maison ce chef d'oeuvre du patrimoine national. Mais j'ai toujours ramené mes bateaux, il n'y a pas de raison que ça ne continue pas". Le bateau est "dans son jus" d'origine, avec la selle de Harley Davidson pour travailler à la table à cartes et la bulle de bombardier pour observer ce qui se passe sur le pont.
"La seule chose que j'ai faite, c'est enlever tous les instruments électroniques car je ne veux pas en avoir, précise-t-il. J'ai ajouté le régulateur d'allure et on a fait un jeu de voiles neuves qui ressemblent exactement à celles de l'époque". Peyron voudrait boucler cette course Plymouth - New York en 27 jours, comme Tabarly l'avait fait en 1964 jusqu'à Newport (Rhode Island), et "passer sous le (pont de) Verazzano le 29 mai". Le 2 mai, la "petite mésange noire" (Pen Duick en breton) sortira à nouveau du "Sound" de Plymouth, 52 ans après avoir écrit l'une des plus belles pages de la voile française et remporté une victoire fondatrice.
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