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Lenaïg Corson, confinée en Bretagne avec sa famille, prépare malgré tout son retour à la compétition

Après une année 2019 très compliquée, avec 8 blessures au total, Lénaïg Corson revient dans le groupe de l’Equipe de France pour sa sortie au pays de Galles lors, du troisième match du Tournoi des Six Nations. Bien que motivée et en forme physiquement, la Bretonne ne jouera pas d’autres matchs à cause de la pandémie du Covid-19 paralysant toutes les autres rencontres du tournoi. Aujourd’hui, la joueuse du Stade Français Paris est confinée dans sa Bretagne natale auprès de sa famille, un contexte essentiel pour mieux vivre la situation.
Article rédigé par Inès Hirigoyen
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8 min
  (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP)

Comment allez-vous ? 
Lenaïg Corson : "Je suis en plein forme ! (rires) Je répète que je vais très bien, mais à chaque fois j’ai l’impression que ce n’est pas bien de dire qu’on va bien en période de confinement. Pour le coup, moi je suis revenue là où je suis née, là où j’ai vécu, en pleine campagne dans un village breton de mille habitants, le village d’Astérix un peu. On y vit très bien et je me rends compte que ma Bretagne me manquait énormément tout comme le fait de vivre à la campagne. Depuis six ans, je suis professionnelle avec le rugby à Paris, du coté de Marcoussis et je vis dans un appartement, donc forcément, retrouver un peu de liberté, de grands espaces, des animaux à la maison et être avec mes parents et mon frère ça fait du bien."

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Pourquoi avoir décidé de rejoindre votre Bretagne pour aller chez vos parents ? 
L.C. :
"En fait, ce qui s’est passé c’est que nous sommes parties en Ecosse [avec le XV de France féminin pour disputer la quatrième rencontre du Tournoi des Six Nations, ndlr], là-bas on nous délivre nos maillots et finalement on nous dit 'vous ne jouez pas'. Après ça, nous sommes de retour à Marcoussis pour jouer contre l’Irlande et là, on nous apprend que finalement l’Irlande refuse de jouer. A ce moment-là, on se retrouve toutes un peu livrées à nous-mêmes, sans savoir ce qui va se passer et je me dis dimanche [le 15 mars], c’est mon anniversaire et ça doit au moins faire 10 ans que je ne l’ai pas fêté avec mes parents. Alors d’accord, normalement, le dimanche, on jouait mais là il n’y avait plus match et je me dis 'je vais aller préparer ma valise et rentrer chez moi pour quatre jours et je fêterai mon anniversaire en famille'. Donc j’arrive chez moi, avec ma valise pour quatre jours et au final il y a l’intervention du Président, le lendemain, celle du Premier ministre donc en fait tout change de dimension et je me retrouve là à me dire 'est-ce que je repars à Paris pour un confinement, dont je ne connais pas la durée ou est-ce je reste en Bretagne dans ma famille à la campagne et où je ne manquerai pas d’espace et d’occupation ?' Forcément le choix a été vite fait et je suis restée chez mes parents."

A quoi ressemble votre quotidien ? Il est plutôt très organisé ou au contraire différent chaque jour ?
L.C. :
(Rires) "Je suis quelqu’un de plutôt organisé dans la vie, je fais partie des personnes qui ont toujours des « to do list ». Ma journée commence vers 9h-9h30, la première chose que je fais c’est aller me peser sur ma balance (rires). J’ai très peur de prendre du poids, ne sachant pas combien de temps tout ça va durer et ayant un profil qui prend plutôt facilement, du coup je fais très attention. C’est le rituel du matin.

Ensuite je vais sur mon ordinateur (rires), j’ai un tableau Excel sur lequel je note tout ! Je note ce que j’ai mangé la veille (midi et soir), je note aussi l’activité sportive que j’ai faite (course, renforcement et zone du corps, le temps) et ensuite j’ai une autre colonne dédiée aux travaux manuels de la journée. En gros c’est ma façon de fonctionner quand je fais du rugby, je l’ai juste adaptée au confinement. J’ai décidé de mettre ça en place pour vraiment faire un journal de bord et suivre ma forme physique. C’est une sorte de satisfaction et ça m’encourage pour les jours à venir. C’est la base tous les matins. 

Après, je vais faire les courses pour nous et pour ma grand-mère aussi, et pour les repas c’est moi qui cuisine chez mes parents. On mange à 13h tous les midis, mes parents sont très organisés aussi (rires) alors le midi et le soir il y a des heures pour manger. Ce sont leurs règles, je respecte le rituel de la maison, même si celui-ci je m’en passerai bien (rires)

L’après-midi je commence par des 'visio' avec des amis que je n’ai pas vus depuis longtemps. Récemment j’ai appelé mes copines du master [management du sport] celles qui me donnaient les cours quand je partais avec l’Equipe de France. Ça permet de prendre le temps de savoir ce qu’elles sont devenues et comment elles vont aujourd’hui. Je fais aussi des 'visio' avec les filles de l’Equipe de France de rugby à 7 et c’est marrant de voir comment chacune vit un peu son confinement. Ensuite je file aider mon père pour du bricolage : on vient de construire un hôtel à insecte pour ma mère d’ailleurs. Et sinon je fais un peu de jardinage avec ma maman, ou je coupe du bois. On s’occupe et puis il y a beaucoup de choses à faire ici. 

Vers 16h30-17h, c’est l’heure du sport ! Je suis motivée à ce moment et puis c’est une technique aussi pour éviter de grignoter et de prendre un goûter. Je fais une séance de course, 5 fois par semaine du lundi au vendredi. J’ajuste aussi mes séances en fonction des travaux manuels que je fais avant dans la journée. Parfois, je suis tellement rincée de ce que j’ai fait que j’ai pas du tout envie de me mettre au sport. En plus de la course, je fais du renforcement musculaire soit sur la terrasse, soit dans le bureau. Je pousse les meubles et je mets de la musique, ma mère n'apprécie pas forcément que je fasse ça dans le salon, alors j’ai récupéré le bureau."

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Ça vous rassure de savoir que chacune de vos journées est organisée ?
L.C. :
"Je suis bien dans ma tête et je suis bien dans mon corps et ça c’est primordial. Je me dis qu’avec tout ça je serai prête pour revenir sur les terrains, parce que ce moment-là c’est un peu l’angoisse. Si tout se passe bien, on va revenir dans six mois à la compétition, mais dans six mois c’est énorme ! Je n’ai jamais passé six mois sans faire de sport ou de compétition, jamais ! Depuis que j’ai 6 ans je n’ai jamais fait ça, donc c’est un peu l’inconnu, c’est le flou. Je me dis qu’au moins en faisant ça je garde un cap."

Avec toutes ces activités, est-ce que vous vous êtes découvert une nouvelle passion ? 
L.C. :
(Rires) "Il faut savoir que j’ai grandi à la campagne et que mes parents nous interdisaient plus ou moins de regarder la télévision en journée. Selon eux, nous avions assez d’espace dehors pour jouer. On était trois frères et sœurs et c’était le même régime pour tout le monde. Alors on a toujours été habitué à bricoler avec mon père, mais pendant ce confinement, j’ai quand même appris à faire quelque chose de nouveau : j’ai fait de la mini-pelle. Je n’en avais jamais fait ! (Rire). C’est loin d’être évident, mais c’était génial."

Et vous vous en sortez ?
L.C. :
"Non pas du tout ! (rires) Mon père a l’habitude d’en faire, il a un geste fluide et rapide. Moi… c’était la première fois mais j’ai eu l’occasion d’apprendre, j’ai trouvé ça très drôle."

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Le Bureau Fédéral de la FFR a annoncé l’arrêt des championnats amateurs, ce qui veut dire que votre saison est terminée, comment avez-vous réagi à cette décision ? 
L.C. :
"Pour être honnête, quand la décision est arrivée, je me suis dit 'Oh my god, y’a plus de championnat pendant six mois' et je calculais, je réfléchissais en me disant mais six mois c’est l’équivalent de trois coupures estivales et ensuite je me suis dit 'arrête tout ça, ça ne sert à rien'. Ça a duré une soirée, le temps de l’annonce de la nouvelle et le lendemain je suis passée à autre chose. Je me suis dis, 'écoute, ce temps-là, tu ne vas pas pouvoir le passer à jouer au rugby que tu aimes, ta passion. Mais d’un autre côté, tu es chez toi en Bretagne, tu es en bonne santé et avec ta famille. Tu vas profiter de tes parents, de ta grand-mère et profiter du moment présent. Tu avais une baisse de moral en 2019 à cause de tes blessures [Lenaïg connait 8 blessures au cours de cette saison], alors maintenant tu prends du temps pour toi pour être en forme et d’attaque à ton retour.' Personnellement, je sens que cette période de confinement va m’être entièrement profitable parce que je vais être en manque de rugby, parce que je vais avoir fait une véritable cure de jouvence chez mes parents en pleine campagne et je vais revenir deux fois plus motivée et en forme. Tous les jours, j’ai vraiment envie d’aller courir, ça me motive, j’ai la chance de ne pas être blessée. Je me dis que ma situation pourrait être pire, je n’ai pas à me plaindre, parce que j’ai tout pour moi."

Nous sommes encore confinés jusqu’au 15 avril minimum, est-ce que vous avez déjà pensé à la première chose que vous ferez une fois le confinement terminé ? 
L.C. :
"J’embrasserai mes parents, ma grand-mère et mon chéri, qui est resté à Paris. Je penserai à ce qu’on a traversé, cette période qui n’était pas évidente pour tout le monde.[…] Je trouve que nous sommes sur des rythmes qui parfois nous font oublier l’essentiel. Je pense que nous étions rentrés dans une routine de vie où la famille n’était plus le principal alors qu’aujourd’hui avec le confinement ça l’est redevenu. Avec mes parents on prend le temps de discuter. Je n’aimais plus trop parler de mon quotidien avec eux et depuis deux semaines je réapprends à me livrer et à leur expliquer ce que j’ai vécu ces dernières années, notamment mes périodes de blessures. Tout comme pour mon frère, on n'a pas l’habitude d’être longtemps avec lui parce qu’il travaille dans l’armée, mais là on vit tous ensemble et ça fait du bien. […] Après le confinement, on repartira peut-être de nouveau dans notre vie d’avant, peut-être un peu folle et très rythmée mais j’espère qu’on se souviendra de toute cette période pour garder en tête qu’il faut parfois savoir prendre le temps pour s’aimer, prendre soin de son corps, de sa tête. Il ne faudra pas qu’on l’oublie."

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