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Le sport américain se rebiffe contre une loi raciste en Géorgie

La ligue nord-américaine de baseball (MLB) a annoncé vendredi que le All-Star Game 2021 n'aurait pas lieu comme prévu à Atlanta, en réaction à une loi de l'État de Géorgie, récemment votée, visant à limiter l'accès aux urnes, particulièrement aux électeurs afro-américains. Un groupe de défense des droits civiques a également demandé la délocalisation du Masters d'Augusta de golf, situé dans le même état.
Article rédigé par Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'équipe de l'American League lors du All Star Game de baseball à Cleveland en 2019 (KIRK IRWIN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

"Georgia on my mind" fredonnait Ray Charles en 1960. Dans cet état du Sud des États-Unis, on est désormais bien loin des couplets poétiques du chanteur. Depuis la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles, la Géorgie est passée dans le camp des démocrates (une première depuis Bill Clinton) mais le gouverneur de l'État, lui, est toujours républicain. 

Brian Kemp en a profité pour faire passer une loi que beaucoup juge scandaleuse et qui vise implicitement à restreindre l'accès aux urnes pour les Afro-Américains. Donald Trump, lui, n'est pas de cet avis et l'a fait savoir : "Félicitations à la Géorgie qui a su tirer les leçons de cette mascarade d'élection présidentielle" a ainsi indiqué le président sortant. Son vainqueur, Joe Biden, s'en quant à lui offusqué de ce texte "atroce" et estimant que cette loi était "une attaque flagrante contre la constitution"

Entre autres mesures, ce texte prévoit en effet l'interdiction de distribuer de la nourriture et des boissons aux électeurs qui font la queue pour voter. Il faut savoir que dans certains quartiers noirs de cet État, encore hantés par la ségrégation, les bureaux de vote sont peu nombreux et il n'est pas rare, comme lors de la dernière élection présidentielle, de devoir patienter près de huit heures sous le soleil pour voter. La suppression des distributions de nourriture et de boisson pourrait, dans ce cas, décourager certains votants noirs, généralement plus démocrates que républicains. 

Dans le même ordre d'idée, le texte républicain vise également à restreindre le nombre d'urnes installées dans la rue pour déposer les bulletins à tout moment ("drop box"), des contrôles renforcés de l'identité des électeurs votant par correspondance, et la limitation du délai autorisé pour demander ses bulletins par procuration.

LeBron James au soutien

De telles mesures ont fait réagir. Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, cette loi a d'abord suscité des protestations multiples et des menaces de boycott d'entreprises basées en Géorgie, telles que Coca-Cola et Delta Air Lines, qui se sont toutes deux prononcées contre son adoption.

Puis la Ligue de baseball a pris une décision aussi forte que symbolique ce vendredi : délocaliser le All Star Game, initialement prévu à Atlanta. "La meilleure façon de démontrer nos valeurs est de délocaliser le All-Star Game et la Draft de la MLB cette année", a déclaré le patron de l'instance, Rob Manfred, dans un communiqué. À ce titre, la MLB a précisé qu'elle était en train de finaliser les plans pour désigner une nouvelle ville-hôte pour cette rencontre de gala prévue le 13 juillet.

Cette décision a été applaudie par plusieurs personnalités sportives, parmi lesquelles la superstar de la NBA LeBron James, dont l'association "More Than A Vote" (plus qu'un vote) vise à encourager le vote des Noirs et à faciliter leur accès aux urnes. "Je suis fier de faire partie de la famille de la MLB aujourd'hui", a tweeté celui qui est récemment devenu actionnaire minoritaire des Red Sox de Boston.

Conjointement à la décision prise par la MLB, une autre action a été menée dans le monde du golf et traduit bien la prise de conscience qui est en train de s'opérer aux États-Unis. La National Black Justice Coalition, un groupe de défense des droits civiques des Noirs, a ainsi exhorté les organisateurs du Masters d'Augusta, situé en Géorgie, à délocaliser, là aussi, l'évènement. 

"La nouvelle loi restreignant l’accès au vote est conçue pour revenir en arrière sur les droits civiques et faire que les électeurs noirs et pauvres de Géorgie redeviennent des citoyens de seconde zone", a ainsi déclaré David J. Johns, directeur exécutif de la National Black Justice Coalition. "Le PGA Tour et le Masters se sont engagés à diversifier le golf et à lutter contre les inégalités raciales dans ce pays, nous attendons d’eux qu’ils dénoncent la nouvelle loi et prennent des mesures".

Un écho national 

Il est sans doute trop tard pour que le Masters, qui doit se dérouler du 5 au 11 avril prochain, accède à cette demande. Pourtant, l'USPGA, la fédération américaine de Golf, a récemment prouvé qu'elle savait elle aussi prendre des mesures fortes en annonçant, après les émeutes survenues au Capitole durant l'élection présidentielle, que le championnat PGA 2022 n'aurait pas lieu sur les terres de Donald Trump. 

Ces décisions, centrées sur une loi en Géorgie, prouvent que les lignes bougent. Elles trouvent en tout cas un écho national dans l'annonce faite il y a trois jours par le Comité olympique américain autorisant, durant les sélections pour les Jeux de Tokyo, tous les athlètes US à s'agenouiller ou à brandir le poing pendant l'hymne national pour soutenir les efforts de justice raciale. 

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