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Le foot à 5 subit la crise, dans l'attente d'une reprise

Fermés depuis la mi-mars en raison de l’épidémie de Covid-19, les complexes de foot à 5 n’ont pas pu rouvrir lundi malgré le déconfinement, avec des restrictions encore en vigueur concernant les sports collectifs. Pour ce secteur en croissance constante depuis de longues années, cette interruption prolongée est un énorme coup dur et les différents centres dispersés sur le territoire se battent pour survivre à la crise actuelle. Tout en espérant une réouverture rapide après avoir présenté un guide sanitaire aux différents ministères concernés.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
  (??? / MAXPPP)

Alors que des centaines de milliers de sportifs ont pu reprendre leur activité individuelle lundi avec le début du déconfinement, les adeptes du foot à 5 devront encore patienter plusieurs semaines avant de pouvoir retrouver les terrains du centre qu’ils fréquentent habituellement. À l’année, ce sont entre deux et trois millions de personnes qui se rendent dans les 350 complexes de foot à 5 disséminés sur le territoire. Et avec la crise liée à l’épidémie du Covid-19, le secteur devrait connaître son premier ralentissement après son introduction en France au milieu des années 2000.

"Avant la crise, le marché continuait à croître et il y avait de bonnes perspectives d’avenir. L’offre augmentait et on était dans un cercle vertueux", analyse Olivier Lemesle, membre du cabinet Xerfi qui a publié en août dernier une étude sur Les sports et loisirs indoor à l’horizon 2021. Signe de cette croissance importante : le marché français du foot à 5, qui représentait 50 millions d’euros en 2014, tourne autour des 130 millions d’euros aujourd’hui selon l’étude publiée par Xerfi.

Plusieurs mois de chiffres d'affaire partis en fumée

Mais avec la crise sanitaire, les complexes sportifs ont dû fermer leurs portes à la mi-mars. Au pire moment pour les franchises de foot à 5, car si les terrains sont majoritairement en indoor, le nombre de pratiquants augmente à cette période de l'année. "Les mois de mars-avril-mai-juin sont des gros mois, avec une activité événementielle très forte", indique Nicolas Warter, co-directeur du groupe Urban Soccer, l’un des deux gros noms du secteur dont le chiffre d'affaires annuel avoisine les 40 millions d'euros par an. Friands d’événements en lien notamment avec l’activité sportive, les différents centres de foot à 5 ont dû annuler les championnats, les tournois en lien avec l’Euro 2020 ou les stages pour enfants prévus dans les semaines à venir.

"Les séminaires d’entreprises, les événements, les compétitions, tout ce qui représente une grosse partie de l’activité et des revenus, on va devoir faire une croix dessus. Les entreprises vont devoir se réajuster et elles risquent de couper dans ces budgets", déplore Joseph Viéville, l’un des co-fondateurs de la franchise Le Five, l'autre cador du secteur dont le chiffre d'affaires est de 20 millions d'euros par an. Pour faire face à la crise, et alors qu'Urban Soccer et Le Five estiment à plus de 30% les pertes de revenus sur l'année, les différents complexes ont dû s’adapter afin de réduire leurs charges. Les deux grands noms du secteur ont ainsi placé l’ensemble de leur staff en chômage partiel et négocient actuellement pour décaler le paiement des loyers, qui représentent leur dépense la plus conséquente.

Un report de charge essentiel à la survie des centres de foot à 5, surtout chez les indépendants. "On est toujours inquiets, tout peut toujours basculer, même sans crise", explique Jean-Pierre Broussard, directeur du centre Energy Sport, qui abrite un terrain dans la Marne. "On est ouvert depuis cinq ans, on commençait à bien tourner, mais du jour au lendemain, tout peut s’arrêter." Car dans le business du foot à 5, les débuts sont compliqués, comme le souligne Olivier Lemesle du cabinet Xerfi : "Les deux-trois premières années sont difficiles car certaines charges sont sous-évaluées et certains coûts peuvent grimper très rapidement". Le risque de fermeture est donc élevé et la crise actuelle n’aide pas.

Un guide sanitaire de reprise transmis à plusieurs ministères

Directeur du Stadium City de Nancy qui a ouvert ses portes en octobre dernier et qui abrite cinq terrains, Kévin Dumont se veut rassurant : "On a la chance d’avoir un partenaire bancaire qui nous soutient bien. Mais c’est vrai que c’est le parcours du combattant". Le jeune dirigeant admet que cette crise tombe au pire moment possible : "On commençait à se faire connaître, à exploser au niveau des réservations, au niveau de l’influence et des événements." Même pour les grosses franchises du secteur, le risque d’une fermeture est présent. "Je mentirais aujourd’hui si je disais que tous les complexes vont rester ouverts, parce qu’il n’y a aucune certitude", admet Joseph Viéville, avant de poursuivre : "Il faut résister un maximum cette année pour que tous les centres voient 2021."

Pour cela, une réouverture rapide est nécessaire, et les deux franchises dominantes du secteur, Urban Soccer et Le Five, ont travaillé conjointement pour élaborer un guide sanitaire. Ce dernier, qui détaille un ensemble de mesures allant dans le sens d’une réouverture, a été transmis par le syndicat représentatif de l’Union Sport & Cycle aux différents ministères concernés (Économie, Santé, Sport, Travail). "On ne peut pas garantir la distanciation sociale parce que le football est un sport où on se rapproche. Mais on a travaillé sur ce guide sanitaire pour permettre un retour rapide", témoigne Nicolas Warter. Les consignes seraient claires : pas de chasubles distribuées aux joueurs, les ballons désinfectés, décalage des horaires de matches pour alléger le flux des pratiquants, fermeture des vestiaires, mais également des bars et restaurants qui existent généralement dans les complexes et qui peuvent représenter jusqu’à 30% du chiffre d’affaires de ces centres.

L'état d'esprit des pratiquants, autre source d'inquiétude

Mais l’incertitude règne également concernant l’état d’esprit des pratiquants. "Pendant combien de temps les Français vont-ils avoir peur avant de revenir jouer ? C’est ça le sujet", souligne Joseph Viéville. "Ce qui nous fait peur, c’est les conditions dans lesquelles on va pouvoir rouvrir. Si l’expérience est vraiment dégradée pour les joueurs, seront-ils au rendez-vous ?", questionne Nicolas Warter, avant d'admettre : "On est assez inquiet concernant la reprise". Pour faire valoir un retour rapide sur les terrains, le directeur d’Urban Soccer soutient notamment que "99% des pratiquants ont moins de 50 ans, donc ils sont moins à risque."

Mais aucune date de reprise n’a encore été divulgée. Nicolas Warter veut y croire : "On se donne rendez-vous début juin". Un sentiment que ne partage pas Kévin Dumont, directeur du Stadium City de Nancy, qui résume la situation : "Je pensais qu’on pourrait reprendre fin juin mais maintenant je table sur la fin août." Une réouverture que beaucoup attendent avec des fourmis dans les jambes : "Nos clients nous ont fait part de leur volonté de reprendre dès que ce sera ouvert", explique Jean-Pierre Broussard d’Energy Sport. "Certains ont même proposé de nous aider à nettoyer le local (rires)." Un investissement qui témoigne de la volonté de voir les terrains de foot à 5 être à nouveau fréquentés par les pratiquants réguliers.

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