Cet article date de plus de quatre ans.

Le championnat de football sud-coréen va reprendre malgré le coronavirus avec une réglementation stricte

Le championnat sud-coréen de football est l'un des premiers à reprendre ce vendredi malgré la pandémie de coronavirus qui sévit toujours dans le monde entier. Fort d'une gestion de crise exemplaire, le pays donne le coup d'envoi d'une nouvelle saison de K-League sous haute surveillance et avec une réglementation stricte. L'issue de cette reprise pourrait redonner espoir aux pays européens.
Article rédigé par Emmanuel Rupied
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
 

Quand on parle du Covid-19, c’est le pays cité en exemple. Alors que la pandémie continue de s'étendre à travers le monde, la Corée du Sud a su maîtriser rapidement cette crise inédite. Sans confinement, à l'inverse de la majorité des pays touchés, mais avec une discipline de fer. Pourtant frappé dans les premiers après que le virus se soit répandu hors de Chine, le pays du matin calme n'a jamais aussi bien porté son nom avec moins d'une vingtaine de cas par jour depuis quelques semaines et une mortalité bien inférieure à ses homologues (238 décès contre près de 25 000 en France depuis début mars).

La K-League première de cordée

Si la vie culturelle n'a pas été impactée outre mesure, le sport a été mis au ban. Le championnat de football national, la K-League pour les intimes, devait débuter sa saison le 29 février mais a dû y renoncer. Léo Besson travaille à l'ambassade de France à Séoul, il raconte : "Il a été question à un moment d'annuler les matches à Daegu et dans la région de Gyeongsang dans son ensemble parce qu'un nombre important de cas avaient été recensés là bas, mais finalement il a été décidé de tout arrêter".

Un coup de froid seulement temporaire sur le monde du football. Hormis quelques pays "autoritaires" qui n’ont pas arrêté le sport sur leur territoire, à l’image de la Biélorussie, la Corée du Sud va être, ce vendredi, un des premiers à reprendre son championnat. Avant, peut-être celui de l'Allemagne, qui doit débuter le 15 mai après le feu vert du gouvernement ce mardi.

Dans un pays où le baseball est le sport roi, le ballon rond s'est fait une place progressive dans l'imaginaire, notamment féminin. "Le bon parcours de l'équipe nationale lors de la Coupe du monde en 2002 (la Corée du sud avait terminé 4e du Mondial, ndlr) mais aussi grâce à Park Ji-Sung qui a évolué à Manchester United, tout cela a permis de faire exploser la popularité du foot dans le pays", explique Léo Besson. Suffisant pour faire valoir ses droits. Après un retour à l'entraînement à la mi-avril, le plus vieux championnat d'Asie va donc reprendre, trois jours après le baseball et avant le retour, la semaine prochaine, du golf féminin avec le KLPGA, l'un des circuits les plus relevés de la planète.

Dépister pour mieux jouer

Pour se donner les moyens de réussir, la Corée du Sud a mené une politique sanitaire importante. Et cela commence déjà en dehors du terrain. Alors que la France connaît des tensions en interne à l'heure du déconfinement, notamment vis-à-vis du manque de tests pour dépister l'ensemble de la population, la péninsule asiatique a vu les choses en grand. Près de 630 000 personnes ont déjà été testées d'après l'agence de presse Yonhap et près de 20 000 tests ont lieu chaque semaine depuis la mi-février. "Tu peux te faire dépister comme tu veux. A Daegu, il y a eu rapidement des systèmes de drives pour se faire tester", ajoute Léo Besson.

Selon l'agence nationale Yonhap, tous les joueurs des 22 équipes de K-League (Première et deuxième division) ont ainsi été testés au coronavirus au préalable. Et à l'inverse du championnat allemand, tous ont été contrôlés négatifs. Si l'un d'eux avait été positif, l'ensemble de l'équipe aurait été en quarantaine durant deux semaines. Une mesure à double tranchant. Indispensable sur le plan sanitaire mais contraignante sportivement. Le format de la compétition a aussi évolué. Au lieu des 38 matches joués précédemment, il n'y en aura plus que 27 afin de réduire le risque d'infection pour les joueurs. Soit 22 journées et 5 matches de playoffs.

A l'instar du baseball, les tribunes seront aussi vides pour les premiers matches de la saison et pour une durée indéterminée. Un crève-cœur pour beaucoup, tant le sport se vit à la manière des Américains. "Tu vas au spectacle quand tu regardes un match en tribunes. Il y a beaucoup de chants et une ambiance assez folle. Au Séoul FC, il y a même des feux d'artifices qui sont tirés à chaque but marqué !", soupire Besson.

Tu ne cracheras point

Sur le terrain, l'ambiance risque aussi d'être toute autre. Pour éviter au maximum les contacts entre joueurs, ceux-ci ne pourront pas se serrer la main avant le match. Chaque joueur aura sa bouteille attitrée et les crachats seront sanctionnés. Mais surtout, il sera interdit de parler durant la partie à ses coéquipiers ou à ses adversaires et encore moins à l'arbitre. Une mesure qui ne plaît pas à tout le monde. "Ne pas parler à ses coéquipiers est impossible. Si nous ne pouvons pas avoir de conversations sur le terrain, nous pouvons tout aussi bien ne pas jouer au football", a ainsi pesté le capitaine d'Incheon United, Kim Do-hyeok.

Pour les coachs au bord du terrain, les mesures sanitaires seront aussi appliquées. Ceux-ci devront ainsi porter des masques pour éviter toute transmission de gouttelettes lorsqu'ils parleront à leurs joueurs. Même chose pour les remplaçants et le staff. "Tous les yeux vont être rivés sur nous afin d'assurer la sécurité des personnes concernées" admet dans une interview pour Stats Perform José Morais, le coach des Jeonbuk Motors, champions en titre et qui vont jouer en ouverture ce vendredi face aux Suwon Bluewings.

La presse n'est pas non plus en reste. Outre des contingents de journalistes fortement limités sur place, les interviews d'après-matches ne se tiendront plus en zone mixte mais directement sur le terrain. Et bien sûr, on n'oublie pas les règles de distance. Deux mètres minimum.

Le risque zéro, "il faut s'asseoir dessus"

Alors que la France vient de tirer un trait sur la saison 2019-2020 et que les autres pays européens restent toujours en suspens, seule l'Allemagne semble suivre le mouvement initié par la Corée du Sud. La réussite ou non de ces derniers pourrait ainsi servir de valeur étalon pour les autres. Pour le professeur de virologie à la Sorbonne, Vincent Maréchal, le risque est loin d'être exclu malgré les mesures barrières prises par les clubs et la fédération. "Dans un monde globalisé, le risque zéro, il faut s'asseoir dessus. On est sur un virus qui se transmet par aérosol. Quand vous courez, vous soufflez et les gouttelettes qui peuvent toucher vos coéquipiers comme vos adversaires. Le football est aussi un sport de contact, chacun peut donc être touché".

Les sportifs représentent cependant un public moins à risque pour Maréchal. "Il sont jeunes et en bonne santé. Ce sont des voitures de course qui sont gérées au quotidien. Ceux qui font des formes graves ont le plus souvent des comorbidités". Avec un retour à la compétition pas avant la fin de l'été, le championnat de France n'a désormais plus qu'une chose à faire : mesurer le chemin à parcourir. Si la K-League réussit son pari.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.