Le 23 avril 1991, Björn Borg sort de sa retraite à Monte-Carlo après 8 ans d'absence et toujours avec sa raquette en bois
Six Roland-Garros, cinq Wimbledon, seul joueur à avoir enchaîné ces deux tournois du Grand Chelem trois années d'affilée (1978, 1979, 1980), cinq finales perdues à l'US Open (il n'a participé qu'à un seul Open d'Australie), plus jeune de l'histoire à l'époque à accrocher un tournoi du Grand Chelem (18 ans), Björn Borg a été le roi du circuit à la fin des années 70. A l'issue de la saison 1981, il se met en retrait, à 25 ans. Un cataclysme, avant de partir à la retraite officiellement en 1983. Il se lance dans les affaires, ce qui ne lui sourit pas.
Du sommet du tennis mondial aux Unes de la presse à scandale
"Lorsque j'étais tennisman, je m'habillais en Fila, parce que j'appréciais la coupe de leurs vêtements, slim, près du corps", racontait-il en 2011 à L'Express. "Quand j'ai arrêté ma carrière, j'ai été l'un des premiers sportifs à lancer une ligne de vêtements. Et ça a démarré très fort : nos produits se vendaient très bien. Hélas! J’avais confié la direction de l'entreprise à des copains que je croyais honnêtes et loyaux, mais qui n'ont rien trouvé de mieux à faire que de m'arnaquer. Après quelques années, la boîte a été déclarée en faillite." Sa fortune (relative par rapport à celle des meilleurs joueurs du monde aujourd'hui) disparue, les créanciers sur son dos, le fisc également, le Suédois ne fait plus partie des personnes adulées. Le jeu, les soirées, il a profité de tout, de tout ce qui lui était interdit durant sa carrière.
"Une fois retraité, j'ai découvert la vraie vie. Depuis l'âge de 14 ans, la mienne consistait à s'entraîner, manger, jouer, dormir. Je me suis lancé dans le monde avec l'envie d'apprendre et d'essayer différentes choses. J'ai commis plein d'erreurs, mais je ne regrette rien. C'était ma période d'apprentissage : j'ai échoué dans le business, j'ai connu des revers sentimentaux... La presse adorait cela. Plus je me trompais, plus elle s’en délectait." L'image de l'ancien champion est plus qu'écornée.
"Jouer avec une raquette en bois en 1991, c’était comme aller en Irak avec une carabine"
En 1991, à 34 ans, il décide de reprendre sa raquette. "Je voulais simplement jouer au tennis à nouveau car après ma retraite, je n’ai pas beaucoup couru pendant sept ou huit ans", confie-t-il au Guardian en 2007. Lui qui était comparé à une machine au plus haut de sa gloire a totalement coupé avec son passé. Alors que la technologie a fait passer les raquettes en bois lourdes et traumatisantes qu'il utilisait à des raquettes en métal, puis en fibre de verre et même en graphite, Björn Borg décide de revenir avec sa raquette en bois. La Donnay est là, le bandeau tenant ses cheveux longs aussi, son entraîneur également. C'est un saut en arrière dans le temps que le Suédois fait vivre à tout le monde. "Il transportait pour le tournoi une douzaine de veilles raquettes, pleines de poussières, tout droit sorties de son placard. Jouer avec une raquette en bois en 1991, c’était comme aller en Irak avec une carabine", se souvenait alors son coach.
Ce 23 avril 1991, Björn Borg reprend le tennis là où il l'a laissé. Malheureusement, le tennis a avancé sans lui. L'attente est énorme. Tous les médias ont fait le déplacement. Le match est retransmis en direct à la télévision, et bien évidemment, les organisateurs lui ont réservé le court Central du Country Club. Face à lui, l'Espagnol Jordi Arrese. Un terrien, comme on dit, 52e mondial. Pas vraiment le plus facile pour reprendre ses marques. A son entrée sur le court, la silhouette ne semble pas avoir pris d'âge. Il paraît le même. Mais raquette en mains, ce n'est plus l'homme qui a révolutionné le tennis à la fin des années 70.
Un précurseur en son temps
Premier, avec Guillermo Vilas, à lifter son coup droit, il avait imposé le revers à deux mains comme une mode mondiale, placé le physique dans une nouvelle dimension lui qui était grand et sec, sans oublier son allure avec ses cheveux longs, sa barbe et son bandeau dans les cheveux à une époque où le côté "bon chic-bon genre" s'imposait dans ce sport. Pour résumer, Borg avait transformé le tennis. Sa belle gueule et sa rivalité avec John McEnroe, dans une opposition entre le calme et le tempétueux mais aussi entre le joueur de fond de court et l'attaquant, avait participé à la démocratisation du tennis sur la planète.
Mais justement, tout ce qui faisait sa spécificité de l'époque n'était plus qu'une norme sur le circuit. "Je n’ai jamais vraiment compris moi-même pourquoi je suis revenu", confiera-t-il plus tard. "Je suis arrivé sans aucun entrainement, aucune condition physique. Avec le recul, c’était de la folie."
Jordi Arrese le domine de la tête et des épaules en 1h18 6-2, 6-3. Une domination sans partage, loin de l'image que le Suédois avait laissé à ses supporters au début des années 80. Il y a presque dix ans. Son lift ne fait plus trembler en coup droit, son revers à plat est insignifiant, son physique plus aussi solide. "C'est difficile de rejouer huit ans après", déclarait-il en conférence de presse. "Ce n'était pas un match difficile. Mais mon manque de match explique que j'ai raté beaucoup de points faciles. Cela va prendre du temps avant que je me sente à 100%." Il s'entêtera, sans plus de succès durant cette année là. Après 109 semaines à la place de N.1 mondial, et ce retour avorté, Björn Borg raccroche la raquette pour ne plus la sortir que sur le circuit vétéran. Et encore, il abandonnera alors celle en bois pour passer à la modernité.
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