Le 12 avril 1980, le Comité olympique américain cédait à la décision du président Carter de boycotter les Jeux de Moscou
Le 12 avril 1980, le Comité olympique américain (USOC, devenu USOPC en 2019) accueille dans son quartier général de Colorado Springs le vice-président du pays, Walter Mondale. Quelques semaines après la demande officielle du président Jimmy Carter, le 21 mars 1980, de boycotter les Jeux Olympiques de Moscou qui doivent débuter le 19 juillet, la prise de parole du vice-président est très attendue au sein de la sphère sportive américaine.
"Un lourd fardeau repose sur vos épaules. Nous sommes conscients des sacrifices que nous demandons à nos athlètes et aux dirigeants du sport. Mais, au nom du président des États-Unis, je vous assure que notre nation […] saura reconnaître l’héroïsme de nos athlètes qui ne se rendent pas à Moscou", déclare alors Walter Mondale. Quelques heures après ce discours fort, l’USOC vote le boycott des Jeux de Moscou.
Cette décision entérine une stratégie pensée par l’administration américaine de longue date. Officiellement, quand Jimmy Carter brandit la carte du boycott au début de l’année 1980, c’est pour condamner l’invasion, par l’URSS, de l’Afghanistan à la fin du mois de décembre 1979. Le 20 février, le président américain pose un ultimatum en demandant aux troupes soviétiques de se retirer du territoire afghan, faute de quoi les athlètes américains ne se rendraient pas à Moscou. Le 21 mars, face à l’inaction de l’URSS, Jimmy Carter annonce un boycott massif des Jeux, qui sera suivi par de nombreux pays.
Le boycott, un outil diplomatique de Guerre froide
En réalité, la décision de ne pas aller à Moscou à l’été 1980 est prise depuis longtemps, comme l’explique Patrick Clastres, professeur à l’université de Lausanne et spécialiste de l’histoire des Jeux Olympiques : "C’est Zbigniew Brzezinski (conseiller à la sécurité nationale de Carter de 1977 à 1981, ndlr) qui a identifié, dès l’été 1978, les Jeux de Moscou comme un outil diplomatique de premier ordre pour prendre au piège l’URSS". L’idée est alors de démontrer les contradictions et l’hypocrisie du pays soviétique vis-à-vis des accords d’Helsinki de 1975 qu'il a signés, et qui entérinent le respect des droits de l’homme.
En plus de cela, cette décision permet aux États-Unis de priver en partie l’URSS d’une visibilité importante : "Les deux pays sont alors dans une concurrence pour afficher la supériorité de leur modèle notamment à travers la capacité à organiser un événement mondial, explique Patrick Clastres. En n’y allant pas, les États-Unis empêchent l’URSS de claironner." Finalement, l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS est un prétexte qui permet de "rendre compréhensible, par l’opinion publique américaine et mondiale, cette décision de boycotter cette édition à Moscou", analyse le spécialiste de l’histoire des Jeux Olympiques.
L'apolitisme sportif face aux menaces
Le 12 avril 1980, la décision de Jimmy Carter est donc validée par l’USOC. Mais elle fait suite à plusieurs semaines d’intenses différends entre la sphère sportive et l’administration Carter. Car athlètes et dirigeants sportifs américains veulent absolument se rendre à Moscou. "L’USOC a freiné et s’est opposé jusqu’au bout à subir cette décision politique, au nom de l’apolitisme du sport", affirme Patrick Clastres. Très indépendant du gouvernement central, l’USOC n’a pas recours aux fonds publics pour envoyer ses athlètes aux Jeux Olympiques. Le comité olympique américain fait ainsi appel à des philanthropes qui financent ces déplacements.
Face à la réticence de l’USOC, l’administration américaine accentue la pression pour se faire plus convaincante, comme l’explique Patrick Clastres : "Il y a eu une menace de taxation fiscale sur les fédérations amateures, une demande du pouvoir central aux compagnies privées de ne pas financer le comité olympique américain, mais aussi la menace de retirer leurs passeports aux athlètes." Au contraire du Comité olympique britannique, qui ne cède pas aux demandes du gouvernement de Margaret Thatcher et enverra des athlètes à Moscou sous bannière olympique, l’USOC finit par accepter le principe d'un boycott.
Le 19 juillet 1980, 24 ans après le premier boycott olympique en Australie, et quatre ans après le second à Montréal, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Moscou se déroule en présence de 80 nations, le plus faible total pour une olympiade depuis les Jeux de Melbourne en 1956. Cette année 1980 restera celle du seul boycott américain des Jeux Olympiques, une ligne en moins au palmarès des médailles, si important en cette période de Guerre froide. Mais quatre ans plus tard, les Américains se rattraperont à Los Angeles lors du boycott, cette fois, des Soviétiques.
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