La victoire à l'Euro, un bol d'air financier pour le Portugal
"La marque "Portugal" a gagné en notoriété, le nom du pays a été mentionné un nombre incalculable de fois. Jamais le gouvernement n'aurait eu les moyens de se payer une telle campagne de pub!", commente à l'AFP Daniel Sa, directeur de l'Institut portugais de marketing (IPAM). Avant même la finale gagnée in extremis par l'équipe de Cristiano Ronaldo face aux Bleus, une étude de l'IPAM avait chiffré à 609 millions d'euros les retombées potentielles sur l'économie portugaise d'un tel exploit sportif, qui paraissait alors un rêve lointain. Hôtels, restaurants, cafés, agences de voyages, publicité, médias, paris sportifs, supermarchés, magasins de foot, entreprises de transports ou encore le business de la sécurité sont les grands gagnants: "On boit, on mange, on se déplace ... cette consommation n'aurait pas existé sans l'Euro", fait valoir Daniel Sa.
Au total 3,7 millions de téléspectateurs au Portugal, soit plus d'un habitant sur trois, et 20,8 millions en France ont suivi cette finale qui a mis sous les projecteurs un petit pays accueillant où le football est roi. De quoi regonfler le moral des Portugais, qui peinent à se remettre de la quasi-faillite de leur pays en 2011, suivie d'une sévère cure d'austérité mise en oeuvre en échange d'un plan d'aide international de 78 milliards d'euros. "Cette victoire va nous requinquer. C'est un tournant dans l'histoire de notre pays", se réjouit Nuno Brito, un chômeur de 39 ans venu applaudir les héros nationaux lundi à leur retour au Portugal. Mais si "cet exploit va redonner confiance aux investisseurs, banques et chefs d'entreprises, il est loin de résoudre les problèmes du pays", relève l'expert en marketing Daniel Sa.
'Pas de miracle économique'
L'investissement au Portugal est quasiment à l'arrêt, et la croissance a subi un net coup de frein dans un contexte d'incertitude entourant les élections législatives en octobre 2015, qui ont porté au pouvoir un gouvernement socialiste soutenu par la gauche radicale. Le triomphe de la Selecçao donnera des ailes à "un pays qui croule sous les problèmes financiers. Mais il n'y aura pas de miracle économique grâce au football", estime Domingos Amaral, professeur d'économie du sport. Si le Premier ministre Antonio Costa continue à s'accrocher à l'espoir de voir l'économie croître de 1,8% cette année, le Fonds monétaire international (FMI) n'en prévoit que 1%. Et le Portugal a eu beau remporter l'Euro, les ministres des Finances de la zone euro sont eux restés intraitables. Ils ont décidé mardi de maintenir leur menace d'infliger à Lisbonne, tout comme à Madrid, des sanctions pour déficits excessifs.
Primes de victoire
Pour le professeur d'économie Joao Cesar das Neves, la réussite sur le terrain de foot est loin d'être synonyme de reprise économique, même si "l'image du pays en sort renforcée". Il en veut pour preuve la finale maudite de l'Euro 2004, perdue à domicile contre l'équipe hellénique: "Dans la foulée, la Grèce a subi un des pires désastres financiers de l'histoire". En attendant, les 23 joueurs de la Selecçao sont assurés d'empocher une prime d'au moins 300.000 euros chacun, grâce au pactole de 25,5 millions d'euros que la Fédération portugaise de football recevra de l'UEFA. S'y ajoutent des gains liés aux produits dérivés, comme les maillots rouges officiels de l'équipe nationale, vendus 140 euros à Lisbonne, qui étaient en rupture de stock dès le lendemain de la finale. Au Nike Store dans le quartier historique du Chiado, les clients ressortent bredouilles. "J'étais prêt à payer bien plus pour le maillot du Portugal, mais il n'y en a plus", regrette Ali Kabli, un touriste venu du Koweït.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.