La sensation Lucas Pouille
Il n'a que 19 ans, et il vient juste de participer à son premier match à Roland-Garros. Et de remporter sa première victoire. "C’était fabuleux, j’ai passé un moment incroyable", a confié Lucas Pouille à sa sortie du court. "Une première victoire, c'est fabuleux. Quand j'ai fini le match, j'étais vraiment heureux", déclarait-il quelques minutes après. Sur un dernier coup droit dans le filet de son adversaire, sur sa troisième balle de match, le Français a conclu 2h08 d'un match plein, d'un match serein.
"Quand bien même c'est un tournoi du Grand Chelem, il a déjà joué ce genre de matches, ce genre de joueurs. Il en a battus. Il savait qu'il pouvait gagner", glissait Emmanuel Planque, son entraîneur. Placé sur le côté du terrain, au milieu du public, il était resté stoïque, lâchant juste un "Allez grand", juste avant la 3e occasion de conclure. "On ne s’attendait pas, en ayant une wild-card, à jouer une wild-card. Cela a généré pas mal de pression et de tension. S’il avait joué quelqu’un comme Djokovic ou Nadal, il aurait été dans une situation totalement inverse. Là, lui et moi savions qu’il pouvait gagner. On ne s’est pas raconté d’histoire, on s’est préparé de cette manière, en se disant que c’était une chance. On ne s’est pas caché derrière notre petit doigt. Ce sont les derniers mots que j’ai eus pour lui dans le vestiaire : 'On y va pour gagner.' Il m’a répondu par l’affirmative. J’avais le sentiment que c’était quasiment gagné." Son élève abonde dans ce sens: "Il a su trouver les mots pour me calmer, pour pouvoir me permettre de rentrer en confiance sur le court." Et même sur le court, les deux hommes échangent, beaucoup de regards, presque à chaque point: "Le regarder tout le temps pendant le match m'amène beaucoup de confiance et beaucoup de tranquillité parce qu’il trouve toujours les bons mots au bon moment", explique Pouille.
Le bonus de l'interruption du 2e set
Après avoir empoché la première manche 6-1, il était parvenu à revenir de l'enfer, puisqu'il était mené 5-2 par l'Américain. "Quand je retourne à ma chaise, je me dis qu’il faut remettre beaucoup d'intensité, repartir en avant et diriger l'échange. Dès que j'ai fait ça, j’avais gagné la plupart des points", analysait le joueur après son match. Mais à force de coups droits surpuissants (sa principale force), de bons services et d'une belle combativité, le 310e mondial a refait son retard, pour égaliser à (5-5), et s'offrir même deux balles de break pour enchaîner un quatrième jeu consécutif. Mais Kuznetsov venait au filet pour conclure deux smashes, effacer ces occasions, et se relancer (6-5). Pas vraiment effrayé, Pouille égalisait sur un ace à (6-6), et réalisait un cavalier seul dans le jeu décisif, profitant de nombreuses fautes adverses. Sous la pluie, il concluait (7/2) et menait ainsi deux manches à zéro, au moment où l'arbitre interrompait le match pour laisser place aux bâches.
"Ca a été un double bonus pour lui", expliquait son entraîneur au sujet de cette interruption. "Il avait besoin de cette pause à la fin du 2e set, car il avait l'impression d'avoir fourni un gros effort physique et mental. On a beaucoup parlé, beaucoup échangé, cela a été très riche et très intéressant. Il avait emmagasiné beaucoup de choses, et cela avait besoin de sortir. Il a pu récupérer, souffler un peu, verbaliser les choses. On a pu recadrer la stratégie. Il a pu aussi parler de ce qu’il avait vécu sur le plan des émotions."
Le prodige Dimitrov au prochain tour
A 19 ans, Lucas Pouille écrit les premières pages de son histoire sur le circuit principal. Cette année, il avait déjà donné du fil à retordre au Serbe Troicki (6-4, 7-5 à Montpellier) comme à son compatriote Benneteau (7-6, 6-3, à Marseille), lors de ses deux premiers matches sur le circuit principal. Mais en gagnant son ticket pour le 2e tour à Paris, il franchit un sacré cap. Et c'est désormais Grigor Dimitrov, tête de série N.26 du tournoi, qui se présente face à lui. "On n’a pas regardé le tableau", confie Emmanuel Planque, ancien entraîneur de Llodra, Santoro et Ruffin. "Dimitrov ? C’est le joueur en forme du moment. Il a battu 'Djoko' à Madrid, il a passé un cap cette année. Lucas va l’aborder avec beaucoup d’humilité, beaucoup de modestie, mais aussi de l’ambition. Il va tout donner. Il n’ira pas en victime. Si Dimitrov est meilleur, ce qui est le cas sur le papier, il va falloir qu’il le montre sur le terrain."
Champion de France de la catégorie 17-18 ans en 2012 sur ces mêmes courts de Roland-Garros, vainqueur de son troisième tournoi Futur (sort de 3e division des tournois internationaux) cette année et quart de finaliste du Challengeur (2e division des tournois) de Samarkand (Ouzbekistan) voici quinze jours, Lucas Pouille est assuré de poursuivre sa progression au classement mondial. Avec sa grande gifle de coup droit, qu'il aime employer en contournant son revers moins solide, et avec un déplacement très tonique, il a des armes pour faire mal à n'importe qui. Y compris Grigor Dimitrov. "Même s'il est favori, je vais rentrer sur le terrain avec l'envie de gagner et voilà", assène Lucas Pouille, qui se décrit comme quelqu'un d'"assez calme, assez posé".
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