La lutte des places fait rage dans le foot amateur
Un "coup de poignard", une "injustice". Voilà ce que ressentent les clubs amateurs devant les critères retenus pour arrêter les classements. Des dizaines de litiges sur les montées et descentes mettent à l'épreuve la Fédération française de football, préfigurant ceux redoutés en Ligue 1.
Acculée par la pandémie de Covid-19, la FFF a sifflé prématurément mi-avril la fin de saison des championnats amateurs, un cas de figure absent des règlements. Son comité exécutif a alors décidé, après une "large consultation", de fixer les classements selon un quotient de points obtenus par match joué, une solution "harmonisée" conciliant "reconnaissance des efforts accomplis par les clubs et cohérence avec les règlements en vigueur", selon lui.
"On n'invente pas des règles du jeu pendant un match de foot"
Ce n'est pourtant pas l'avis d'une trentaine de clubs qui, sous la houlette de l'Association française de football amateur (AFFA), ont porté l'affaire devant le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). "On n'invente pas des règles du jeu pendant un match de foot", résume le président de l'AFFA Eric Thomas. En athlétisme, "quand il y a un 100m, on n'arrête pas le classement à 80m. Ou on le refait, ou on l'annule", poursuit Me Jean-Jacques Bertrand, l'avocat des clubs protestataires.
Souhait d'une saison blanche
Ces derniers militent pour l'option d'une saison blanche, sans relégation, une solution retenue pour le rugby amateur. "Cette histoire de quotient est sortie de nulle part dans le règlement. C'est un coup de poignard pour tous les clubs et de tous les niveaux", peste Patrick Gonzalez, président de l'AS Saint-Priest relégué en National 3. "Sportivement, j'accepte de descendre mais pas dans ces conditions où la compétition n'a pas été au bout", dit le dirigeant du club de la banlieue lyonnaise, dont les joueurs sont "dégoûtés et scandalisés".
Une descente? Cela signifie une baisse des subventions, de l'aide de la FFF (actuellement de 35 000 euros) et des recettes de billetterie, car la N2 réserve "quelques affiches" face aux réserves des clubs professionnels. Et, au final, la crainte de "licenciements".
La contestation générale
Dans le Val-d'Oise, la décision fédérale provoque aussi la "colère" du FC Parisis. "Je prends le plus crétin de mes licenciés -- on est 838 --, je le colle président de la FFF il ne me sort pas une connerie pareille!", s'emporte le président Philippe Calvé. "Pour faire un classement final, il faut des matchs aller-retour et que le championnat aille à son terme", estime-t-il. L'équipe masculine, dernière de R3, devait recevoir ses concurrents directs, avec le renfort de son fils Jean, joueur professionnel recruté pour le sprint final. Les moins de 16 ans et l'équipe féminine rêvaient eux de montée.
Avec une saison blanche, "ça n'aurait pas crié. On ne voit pas une équipe première, ou deuxième au 13 mars aller se plaindre auprès de la Fédération", dit-il. "C'aurait été plus logique", acquiesce son homologue du Racing Épernay (1er en R1), dans la Marne. "Une montée ne se refuse pas" mais "cette façon de gagner n'est pas ma vision du sport", dit Éric Dujourd'hui.
Le FC Hauts Lyonnais (Rhône), premier de son groupe, avait lui commencé à fêter son accession en N2. Mais c'est finalement Rumilly-Vallières qui montera au bénéfice du "nombre de matchs joués à l'extérieur", selon le président Bruno Lacand. "Qui a pondu ce règlement sorti de nulle part ?", s'indigne-t-il. Les joueurs "crient à l'injustice, on se fait voler une récompense justifiée" et cela pourrait laisser des traces, craint-il en citant le "découragement" de l'équipe et la difficulté pour l'entraîneur de "faire repartir la machine vers l'avant".
Un dossier examiné le 6 mai
Devant le CNOSF, les clubs déçus contesteront les règles retenues et leur établissement par le Comex de la FFF, estimant qu'une telle décision aurait dû être prise par l'Assemblée fédérale. La FFF se retranchera derrière "l'intérêt supérieur du football" pour défendre ses choix, pronostique Me Bertrand. Mais "il faudra cerner un peu mieux cette notion, qui n'est pas forcément celle à laquelle pensent cinq ou dix personnes d'un Comex".
A contrario, l'avocat vante "la prudence" de la LFP dont les décisions concernant l'arrêt et les modalités du classement final en Ligue 1, quasi similaires à celles du monde amateur, "vont être validées par une Assemblée générale". En cas de contestation, "les clubs professionnels, structurés et ayant des moyens, sauront se défendre, ce qui n'est pas le cas des clubs amateurs", soupire Eric Thomas pour l'AFFA. La trentaine de dossiers portés par l'association sera examinée le 6 mai par le CNOSF.
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