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Jonah Lomu, l'homme qui a changé le rugby

Plus jeune international néo-zélandais de l'Histoire à 19 ans et 45 jours, Jonah Lomu, décédé mardi à l'âge de 40 ans, est arrivé dans le rugby mondial juste avant le passage au professionnalisme. Avec son mètre quatre-vingt-seize et ses 120kg, il était alors un ovni sur le terrain. Depuis, tous les joueurs de rugby, à tous les postes, ont pris du poids, de la taille, produisant un jeu de plus en plus physique, de moins en moins d'évitement.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Le Néo-Zélandais Jonah Lomu, légende du rugby décédée à 40 ans (? DYLAN MARTINEZ / REUTERS / X00177)

Un physique jamais vu

1.96m, 119kg, et le 100m couru en 10"80. Jonah Lomu a fait exploser tous les standards du rugby mondial lorsqu'il est arrivé chez les All Blacks. Jamais un joueur n'avait évolué au poste d'ailier avec une telle taille, alliée à une telle vitesse et à un tel poids. "C'était un géant chez les Lilliputiens", remarque, dans L'Equipe, Emile Ntamack, l'entraîneur adjoint de l'UBBB qui a été le premier à l'affronter en match international, en 1994. "Pour la première fois il y avait un talentueux athlète sur l'aile,  imposant et très rapide, ce qui était du jamais vu dans le rugby", ajoute Clive Woodward, l'ancien sélectionneur de l'Angleterre championne du monde en 2003. "Les ailiers étaient habituellement petits, vifs, agiles et tout d'un coup,  tu as cet énorme type qui n'était pas costaud et lent, mais costaud et rapide". Ce physique hors norme lui a valu d'évoluer dans le pack en sélections de jeunes. A ses débuts, ses capacités de franchissement sont aussi redoutées que son placement défensif est faillible. "Avant le match, on avait décidé de jouer autant que possible sur l'aile de Lomu, parce que ses placements défensifs sont suspects", racontera Christophe Deylaud, après la deuxième victoire des Français sur la terre des All Blacks à l'issue de "l'essai du bout du monde". C'est la seule tournée invaincue des Bleus en Nouvelle-Zélande, lors des deux premières sélections de Lomu avec le maillot à la Fougère.

Jonah Lomu avec deux Français sur le dos

Un jeu qui se transforme avec lui

Avec son physique, Jonah Lomu a créé une nouvelle façon de jouer au rugby. Ses qualités naturelles sont exploitées par ses entraîneurs. A l'image de sa percussion contre l'Anglais Mike Catt lors du Mondial-1995, sur lequel il marche littéralement, le Néo-Zélandais ne s'embarrasse plus forcément de détours pour avancer. Avec lui, le rugby prend parfois des apparences d'un jeu de quilles. Avant lui, le demi d'ouverture adverse était la cible des défenseurs, car le maître à jouer. Avec lui, les défenses tentent de s'organiser à plusieurs pour lui barrer le chemin de l'essai, comme les Français avaient essayé de le faire, en vain, lors de la demi-finale du Mondial-1999: "Les Français avaient peur de lui. Ils pensaient pouvoir gérer les autres, mais pas lui", se souvient dans L'Equipe John Hart, alors sélectionneur des Blacks. C'est avec lui que les ailiers ont commencé à quitter leur ligne de touche pour intervenir dans le coeur du jeu. C'est avec lui que les "leurres" ont commencé à fleurir, conduisant ensuite la Fédération internationale à interdire les "passages à vide". Emile NTamack, devenu son ami très rapidement malgré leur rivalité sur le terrain, estime au micro de Sud Radio qu'il "a contribué au passage à un rugby professionnel. Il a été un accélérateur du professionnalisme." Son compatriote Tana Umaga estime qu'il "a porté à lui seul le rugby dans l'ère professionnelle".

En 1995, Jonah Lomu marche littéralement sur le dernier défenseur anglais, Mike Catt

Une notoriété jamais égalée

Avec l'arrivée du professionnalisme, la couverture de plus en plus importante (notamment télévisuelle) des matches, et la montée en puissance de l'économie de ce sport, le rugby a changé de dimension. Les stars sont apparues. Mais aucune n'arrive à la renommée de Jonah Lomu. Mondialement, le joueur est connu, même par des personne ne s'intéressant pas à ce sport. Même s'il n'a jamais utilisé sa reconnaissance pour empiler les contrats publicitaires, le Néo-Zélandais a souvent mis sa renommée au service des autres. C'est lui qui était l'ambassadeur du rugby à VII, lorsque les dirigeants du rugby mondial ont milité auprès du Comité international olympique pour sa réintégration. Elle sera effective à Rio de Janeiro, en 2016, mais le champion du monde 2001 de la discipline (son seul titre planétaire) ne sera plus là pour le voir. Même à la retraite, l'équipementier aux trois bandes a sans cesse renouvelle son partenariat. "C'était l'équivalent d'un Zidane et d'un Beckham", indique dans L'Equipe Jocelyn Robiot, le patron de la marque globale Adidas. Son combat contre son insuffisance rénale, sa gentillesse, son humilité, sa voix douce qui détonnait avec ce physique impressionnant, tout a contribué à faire de lui un joueur à part. Un homme à part. Pour Tana Umaga: "Il n'y en a pas deux comme  lui et, pour être honnête, il n'y en aura probablement jamais."

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