Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Jeux paralympiques (même les questions bêtes)
Pourquoi n'y a-t-il pas de catégorie pour les athlètes trisomiques ? Contre qui peut jouer un pongiste sans bras ? Certains athlètes trichent-ils ? Franceinfo répond aux questions que vous n'osez pas poser.
Vous n'avez jamais regardé les Jeux paralympiques, n'y connaissez rien en handisport, mais voulez tout de même profiter de l'édition brésilienne qui se déroule du 7 au 18 septembre ? Franceinfo a préparé l'article qu'il vous faut, afin d'éviter de formuler à haute voix des questions un peu exaspérantes pour quiconque s'intéresse aux athlètes handicapés et à leurs performances.
Est-ce qu'un athlète en fauteuil peut affronter un aveugle ?
L'Egyptien Ibrahim Hamato, joueur de tennis de table amputé des bras, pourra-t-il affronter un adversaire qui se déplace en fauteuil roulant ? Non. La classification en amont des Jeux veille à ce qu'il n'y ait pas de déséquilibre entre les concurrents. Ainsi, les athlètes paralympiques sont regroupés en trois grandes catégories, listées sur le site du Comité paralympique français : handicapés physiques, malvoyants et non-voyants, handicapés mentaux ou psychiques. Chacune de ces catégories a son propre système de classification, qui diffère selon le sport. Les fédérations ont créé une ribambelle de classes à la dénomination obscure (T11, S4 ou F40). La lettre correspond à l'initiale du sport en anglais – T comme "Track" pour la piste, S comme "Swimming" pour la natation et F comme "Field" pour les sauts et les lancers. Le premier chiffre indique le type de handicap, le second son degré. En général, moins le chiffre est élevé, plus le handicap est important.
Dans le cas du tennis de table, les athlètes des catégories 1 à 5 jouent en fauteuil roulant, tandis que les autres jouent debout. Dans une même catégorie, on peut par ailleurs trouver un athlète qui s'aide d'une béquille (ici, le Britannique David Wetherill) face à un adversaire qui n'en a pas (l'Allemand Thomasz Kusiak).
Certains sports collectifs, comme le basket, donnent lieu à un véritable casse-tête. Chaque joueur se voit attribuer un certain nombre de points en fonction de la gravité de son handicap, et chaque équipe ne peut aligner plus de 14 points sur le parquet. En fonction du nombre d'athlètes par catégorie et de choix politiques (mettre en avant un handicap lourd même s'il concerne peu de sportifs), les fédérations internationales arrêtent une liste des catégories pour chaque événement.
Peut-on participer à la fois aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques ?
Bien sûr, à condition d'être qualifié. Cette année, les pongistes Natalia Partyka (Pologne) et Melissa Tapper (Australie) participent aux deux événements. Aux Jeux olympiques valides, elles se sont inclinées au premier tour. L'archère iranienne Zahra Nemati, blessée à la colonne vertébrale dans un accident de la route en 2004, a été désignée porte-drapeau de son pays lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux, le 5 août.
Dans l'histoire des Jeux, une dizaine de sportifs ont réussi l'exploit d'avoir participé aux deux éditions, dont le Sud-Africain Oscar Pistorius et ses lames polémiques, accusées de lui avoir donné un avantage sur les valides.
Il y a des gens qui ont déjà fait semblant d'être handicapés pour gagner ?
Les gens sont fourbes ! Quelques scandales ont émaillé l'histoire des Jeux paralympiques. Mais, dans la plupart de ces cas, les athlètes avaient exagéré leur handicap plus qu'ils ne l'avaient inventé. Comme aux JO d'hiver de Turin, en 2006, quand une skieuse de fond russe, qui participait à une épreuve réservée aux non-voyants, s'est quelque peu grillée en sautant de joie à la vue de son temps sur le tableau d'affichage. En surjouant leur handicap, des athlètes peuvent notamment changer de catégorie, donc bénéficier d'un avantage sur leurs concurrents.
Pour le handicap mental, la triche peut se manifester différemment, voire spectaculairement, comme dans le cas de l'équipe espagnole de basket, en 2000, à Sydney. Inscrite dans la catégorie déficience mentale, elle a décroché l'or en écrasant la Russie, grâce à une équipe composée de 10 joueurs (sur 12 !) en parfaite possession de leurs capacités intellectuelles. Peu après leur victoire, l'un des joueurs, Carlos Ribagorda, en réalité un journaliste sous couverture, a vendu la mèche, détaillant comment lui et ses coéquipiers n'avaient jamais subi de test pour évaluer (notamment) leur QI. De même, il assurait avoir repéré d'autres tricheurs dans les équipes adverses et, comble du glauque, révélait que leur coach les encourageait à "avoir l'air stupide".
Donc il y a aussi des athlètes handicapés mentaux ?
Il existe bien cette année une catégorie consacrée aux athlètes souffrant de déficience mentale. Créée en 1996, elle avait été supprimée après le scandale espagnol de Sydney en 2000, avant d'être réintroduite à Londres, en 2012. Entre-temps, les méthodes de contrôle ont été renforcées : en plus d'un test de QI (il faut obtenir moins de 75 pour participer), les athlètes doivent prouver que leur condition les empêche de réaliser des tâches quotidiennes, mais aussi qu'elle les limite dans la pratique du sport dans lequel ils concourent. Soit une pléthore de tests, détaillés dans le magazine Time (en anglais). Cette fois, les critères sont établis sport par sport, par les fédérations internationales.
La déficience intellectuelle reste largement sous-représentée (18 des 528 médailles en jeu, selon le calcul de Buzzfeed), avec des compétitions dans seulement trois sports : l'athlétisme, la natation et le tennis de table. Dans cette discipline, vous pourrez notamment suivre le Français Lucas Créange.
Ils n'ont pas des Jeux juste pour eux ?
Non. Enfin, pas tout à fait. Les Special Olympics sont des olympiades créées en 1968 et reconnues par le CIO, mais elles n'ont pas grand-chose à voir avec les Jeux paralympiques. Si ces derniers privilégient la performance, en faisant s'affronter l'élite des disciplines, les Special Olympics s'appuient sur une philosophie radicalement différente, où les athlètes ne sont pas disqualifiés en fonction de leurs résultats et obtiennent tous une récompense, de la médaille d'or au simple ruban de participation. L'objectif est d'inciter les concurrents à se dépasser et de promouvoir l'inclusion sociale des personnes qui vivent avec un handicap mental.
Y a-t-il des handicaps "interdits" aux Jeux ?
En théorie, tous les handicaps peuvent être pris en compte. Mais, dans les faits, le système de classification pose quelques problèmes, à commencer par la place des athlètes porteurs de trisomie 21. Et pour cause : leur handicap n'entre dans aucune catégorie définie. Techniquement, ils peuvent concourir avec les déficients mentaux, mais sont alors désavantagés physiquement par rapport à leurs concurrents, explique cet article de la chaîne australienne ABC.
Pour pallier ce manque tout en gardant l'espoir de voir se créer une catégorie propre à ce syndrome, la Fédération italienne du sport adapté a organisé en juillet, à Florence, les premiers Trisome Games, dédiés aux athlètes trisomiques. Les Français y ont raflé 23 médailles.
En attendant, le Comité paralympique maintient qu'il n'est pas pertinent de créer une telle catégorie.
Par ailleurs, les athlètes sourds et malentendants disposent de leurs propres olympiades, les Deaflympics (de deaf, qui signifie "sourd" en anglais). Elles sont organisées par le Comité international des sports pour sourds. Pour participer, il faut avoir un seuil d'audition supérieur à 55 décibels et ne pas concourir avec un appareil auditif. La première édition s'est tenue à Paris en 1924 et la prochaine, les Deaflympics d'été, se tiendra en 2017, à Ankara, en Turquie. Pour participer aux Jeux paralympiques, les sourds et malentendants doivent en effet présenter un handicap supplémentaire. Des athlètes sourds et déficients auditifs ont déjà brillé aux Jeux olympiques, au milieu des valides, comme la basketteuse américaine Tamika Catchings, venue décrocher son quatrième titre olympique à Rio.
Existe-t-il des disciplines qu'on ne voit pas ailleurs ?
Cette année, les Jeux paralympiques comptent 23 disciplines. Certaines ont été spécialement conçues comme des handisports. C'est le cas du goalball, un sport collectif réservé aux non-voyants et malvoyants, qui consiste à marquer des buts avec un ballon contenant des grelots. Dans le football à cinq, autre sport réservé aux déficients visuels, les joueurs ont les yeux bandés, pour que tous soient à égalité. Le football à sept est quant à lui pratiqué par des athlètes atteints d'une paralysie cérébrale.
Du reste, on retrouve à Rio les versions handisport de sports olympiques comme le basket, le tennis, le rugby ou le volley-ball. Quant à la boccia, ce jeu de boules proche de la pétanque, il s'agit d'une discipline paralympique, mais pas olympique.
Y a-t-il beaucoup de dopage ?
Le problème du dopage touche autant les athlètes paralympiques que les valides. D'ailleurs, la liste des produits interdits est la même. A tel point que le Comité paralympique a pris la décision radicale d'exclure l'intégralité de la délégation russe de la compétition (la Russie a donc organisé ses propres Jeux paralympiques, les 7 et 8 septembre, rapporte Handicap.fr). En 2015, des sanctions ont été prises contre onze athlètes, rapporte la BBC, ajoutant que c'est dans les sports de force athlétique (comme l'haltérophilie) que l'on en trouve le plus.
Le comité tente par ailleurs de lutter contre le "boosting", une méthode assimilée au dopage que pratiqueraient un tiers des compétiteurs touchés à la colonne vertébrale, expliquait Le Monde.fr en 2012. Pour accroître leur pression sanguine, et ainsi améliorer leurs performances, ces sportifs, dont la pression artérielle est souvent basse en raison de leur handicap, peuvent aller jusqu'à se briser un orteil ou s'administrer des décharges électriques.
Est-ce qu'on peut "tricher" en s'équipant de meilleures prothèses ?
Battu par le sprinter brésilien Alan Oliveira aux Jeux paralympiques de 2012, Oscar Pistorius l'avait accusé d'avoir triché en utilisant des lames plus longues. En réalité, cette différence, quand elle est minime, joue peu sur la performance, explique une étude détaillée par la revue Scientific American. En revanche, cette étude relève des choses étonnantes, comme le fait qu'un athlète doté d'une prothèse sur la jambe gauche serait légèrement désavantagé par rapport à un autre équipé sur la jambe droite. Toutes les prothèses doivent de toute façon répondre aux critères édités par le Comité paralympique (PDF).
Quant aux vélos utilisés par les athlètes paralympiques, ils sont différents d'une équipe à l'autre, de même que chez les valides. Les cyclistes britanniques (connus pour bénéficier de vélos particulièrement performants), qu'ils soient valides ou non, concourent ainsi sur des équipements conçus par les mêmes équipes d'ingénieurs. Les athlètes américains, eux, roulent carrément en BMW.
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