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Saucisses géantes, cygne agressif ou singe politicien... Cinq fois où les mascottes sportives sont allées beaucoup trop loin

Coups de pub, design hasardeux, symbole dégradant, concepts foireux, la longue histoire des mascottes est émaillée d'anecdotes incroyables. Oui, vraiment incroyables.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8 min
Montage de mascottes de différentes équipes sportives, et des Jeux olympiques d'Athènes de 2004. (DR / SIPA)

Ours, lapin, chien, personnage inspiré des cartoons ou plus traditionnel... Vous pensiez avoir tout vu en matière de mascotte ? Les Chiba Lotte Marines, une équipe japonaise de baseball, a récemment opté pour un poisson-lanterne. Oui, ce poisson abyssal déjà pas gâté par la nature, stylisé en bleu fluo avec des lèvres fuchsia, capable de régurgiter des arêtes de poisson. La trouvaille a fait le tour du monde, début juin, mettant (un peu) en lumière le baseball japonais, sport national au pays du Soleil Levant. Peu importe que les Marines aient déjà trois canards (lien en anglais) dans leur bestiaire... 

Une preuve de plus que l'imagination des créateurs de mascotte est sans limite... Franceinfo revient sur cinq autres exemples.

L'antimascotte : personne n'en pince pour le Crazy Crab des San Francisco Giants

1984. Les mascottes ont fleuri dans tous les Etats-Unis, mais l'équipe de baseball de San Francisco a loupé le train. Le club se creuse la tête pour remplir l'antique Candlestick Park. "Mon job, c'était d'avoir des culs assis sur les sièges, résume sans ambages Pat Gallagher, directeur du marketing des Giants pendant trente ans, à ESPN (à 1'56'', lien en anglais)Je ne voulais pas d'un truc banal. Les gens d'ici n'auraient pas apprécié une mascotte façon Muppets qu'il y avait partout ailleurs."

La direction du club réalise discrètement un sondage : 75% des personnes interrogées affirment qu'ils siffleront une mascotte, peu importe laquelle. L'idée d'une antimascotte, pour faire réagir un public apathique, émerge. Ce sera un crabe orange, un des symboles touristiques de San Francisco. Un peu comme si le PSG choisissait une baguette géante pour mascotte. Le comédien Wayne Doba, qui vient de tourner dans Scarface, est casté pour le rôle. 

Pour sa première apparition publique, la foule devient haineuse "en six secondes", se souvient un dirigeant. Les gens lui jettent tout ce qui leur tombe sous la main : chiques de tabac, chewing-gums... Et les joueurs ne sont pas en reste. "On adorait ce crabe, se souvient Mike Krukow, membre de cette équipe de bras cassés, à SFgate (lien en anglais). On lui tapait dans les protège-tibias avec une fausse batte en mousse dès qu'il approchait. C'était thérapeutique." Un dirigeant renchérit : "Ça détournait une partie de la haine destinée aux joueurs." La saison du Crazy Crab s'achèvera en queue de poisson, quand deux joueurs des San Diego Padres passeront à tabac l'infortuné crustacé (lien en anglais). Une vertèbre fissurée et un procès clôtureront la carrière de la mascotte. Les Giants attendront treize ans (lien en anglais) avant de s'en doter d'une autre.

La mascotte trash : à Swansea, il suffira d'un cygne nommé Cyril

1998. L'année où Mike Lewis, ex-directeur marketing de Tottenham débarque à Swansea pour relancer ce modeste club de football, qui végète dans les divisions inférieures du championnat anglais. Habitué aux happenings – il faisait régulièrement venir des cracheurs de feu ou l'homme le plus grand du monde à White Hart Lane –, il préconise la création d'une mascotte. Ce sera un cygne (swan en anglais).

Le costume n'est pas donné – 4 000 livres (environ 4 500 euros), l'équivalent du budget transferts du club –, mais l'investissement est vite rentabilisé. Rapidement, Cyril devient une célébrité locale. Son livre pour enfants et son (horrible) single font un carton. Pas un week-end sans qu'il soit accaparé par un anniversaire ou un mariage. Le standard du club croule sous les appels. Il est rapidement désigné personnalité de l'année par les lecteurs du South Wales Evening Post

Mais le cygne se fait surtout remarquer pour son attitude agressive, décrit le livre Pulp Football (lien en anglais). Il arrache la tête de Zampa le lion, une autre mascotte, jette des tourtes sur des supporters adverses... Et, un soir de FA Cup face à Millwall, dans un stade chauffé à blanc, Cyril se joint à la célébration des joueurs de Swansea et expédie un ballon dans la tête d'un joueur adverse. Submergé par l'euphorie, il caresse de son aile le crâne chauve de l'arbitre assistant.

C'en est trop pour la fédération britannique, qui décide de sévir et convoque la mascotte. Il est condamné à 1 000 livres d'amende, payées finalement par le club. Après tout, les recettes avaient décuplé grâce à sa seule présence.

La mascotte boulimique : chez les Sausages des Milwaukee Brewers, c'est la foire à la saucisse 

Pour les Américains, Wisconsin rime avec saucisse, tant cet Etat s'en est fait une spécialité. Le clin d'œil existait depuis longtemps dans le stade des Brewers : sur le tableau d'affichage du club, un dessin animé montraient des saucisses faire la course devant les monuments de l'Etat avant d'arriver. En 1994, un membre du comité directeur s'interroge, innocemment : "Pourquoi on ne louerait pas des costumes pour organiser une course en vrai, pour faire une surprise ?" "Nous ne pensions le faire qu'une fois", raconte Laurel Prieb, alors vice-président du club, au New York Times (lien en anglais).

La course de saucisses précédant les matchs des Milwaukee Brewers, ici le 28 juin 2016 avant un match face aux Dodgers de Los Angeles. (CAL SPORT MED/SHUTTERST/SIPA / REX)

Vingt ans plus tard, c'est toujours l'attraction principale du County Stadium. Aux trois saucisses de l'époque (une Bratwurst portant un lederhose, une kielbasa polonaise et une salsiccia italienne) se sont greffés un hot-dog et un chorizo, pour satisfaire la communauté hispanique. Le service communication du club coupe court à toute demande d'interview – "Les saucisses ne parlent pas." Un vétéran donne quelques détails : "Les costumes sont à peu près aérodynamiques, sauf celui du chorizo, qui doit se coltiner un énorme sombrero. Généralement, on y met le coureur le plus expérimenté pour équilibrer la course."

Les mascottes antiques : Phevos et Athéna se font mal voir chez les Grecs

Un philologue. Un historien. Un designer. Sur le papier, l'équipe chargée de donner vie aux mascottes des JO d'Athènes de 2004 ne pouvait pas se tromper. Choisis parmi 200 propositions, leurs Phevos et Athéna, deux personnages inspirés d'une statue antique vieille de 2 700 ans, avaient tout pour flatter l'ego national, et répondre aux attentes des comptables qui attendaient beaucoup des produits dérivés pour compléter le budget de l'événement. 

A l'euphorie du lancement succède une série d'avanies. Un groupe terroriste marxiste prend Phevos et Athéna comme pseudonyme pour revendiquer une série d'explosions de voitures piégées le jour d'une réunion du CIO. D'éminents universitaires s'étouffent en découvrant le verbiage du comité d'organisation sur la statue à l'origine de Phevos et Athéna, qualifiée de vulgaire "poupée". "Le CIO dévoie les valeurs spirituelles de la civilisation hellénistique en dégradant des divinités qui étaient vénérées pendant les Jeux antiques", s'étrange le docteur Pan Marinis sur la BBC (lien en anglais). Pire, une association d'amis de la Grèce antique intente une action en justice contre les organisateurs.

Phevos et Athéna, mascottes des JO d'Athènes, dans un magasin de souvenirs de la capitale grecque, le 5 août 2004. (OLIVER MULTHAUP / DPA)

L'apparence des mascottes est rejetée par 75% des Grecs, claironne une télévision sur la foi d'un sondage. En réponse, les designers citent Cobi, la mascotte des Jeux de Barcelone, mal aimée au départ avant d'entrer au panthéon des mascottes les plus rentables. "Il faudra du temps pour les aimer", défend Gianna Angelopoulos-Daskalaki, présidente du comité d'organisation. Mais Phevos et Athéna sombreront rapidement dans l'oubli, sauf chez les contribuables grecs. Comme le souligne The Independent, les produits dérivés à l'effigie des mascottes n'ont rapporté que 2% de la manne escomptée.

La mascotte élue : H'Angus, le singe de Hartlepool qui a cassé les urnes

Quand on n'a pas les moyens de frapper un grand coup au mercato, on essaie d'attirer l'attention par d'autres moyens. En 2002, quand la ville de Hartlepool (Royaume-Uni) décide d'élire son maire au suffrage universel direct, le singe H'Angus, alias Stuart Drummond, mascotte du club local, propose au club de concourir. Le programme de ce contrôleur de crédit dans un call-center tient en une ligne : "Des bananes gratuites pour les écoliers."

Son fait d'armes : avoir été suspendu plusieurs semaines pour avoir simulé, dans son costume de singe de deux mètres de haut, un acte sexuel avec une hôtesse. Sans que les supporters ne lui en tiennent rigueur : "Ce mec est fou, mais au moins, il nous fait rire quand notre équipe joue mal, ce qui arrive assez souvent", commente un supporter dans le Telegraph.

La mascotte de Hartlepool United, H'Angus, avant un match contre Doncaster, le 6 mai 2017. (STEPHENSON/JMP/SHUTTERS/SIPA / REX)

Contre toute attente, Drummond pulvérise le candidat du Labour. Commentaire – un rien embarrassé – du 10 Downing Street, alors occupé par Tony Blair, à la BBC : "On s'attendait [avec ce nouveau mode de scrutin] à ce que de nouvelles têtes arrivent sur le devant de la scène." C'est réussi. Drummond, qui rabâche à longueur d'interview qu'il n'est qu'un "gars du peuple qui écoute ce qui se dit dans la rue", doit rapidement laisser tomber son costume de singe en peluche. Le voilà à la tête d'une administration de 4 000 personnes et d'un budget de 106 millions de livres (environ 120 millions d'euros). A mettre (notamment) à son crédit, le fait que les enfants d'Hartlepool disposent de fruits gratuits chaque jour. Il est réélu deux fois, en 2005 et 2009 (lien en anglais), avant que le Labour ne reprenne la main sur la ville en faisant abandonner (lien en anglais) le suffrage universel direct. Il finit tout de même 10e d'un classement des meilleurs maires du monde (lien en anglais) en 2010.

Pour la petite histoire, H'Angus voulait au départ se présenter aux élections législatives de 2001. "Mais Peter Mandelson, le député local, est aussi président d'honneur de notre club, confie Drummond dans le livre The Rise of the Non-Aligned Politician (lien en anglais).  Je ne pouvais décemment pas lui marcher sur les pieds."

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