JO 2016 : comment la boxe française a tout raflé à Rio
Avec six médailles remportées, dont deux en or, la boxe française est la grande surprise des Jeux de Rio. Sur les 10 boxeurs engagés, plus de la moitié ont été médaillés.
Seize ans que la boxe française attendait cela ! Vendredi 19 août, au pavillon 6 du Riocentro, Estelle Mossely a pris la relève de Brahim Asloum, dernier boxeur français en date à avoir remporté l'or olympique (c'était en 2000 aux Jeux de Sydney). Elle entre dans l'histoire en devenant la première femme française championne olympique de boxe, dans la catégorie des moins de 60 kg. Et deux jours après, seulement, son compagnon, Tony Yoka, décrochait l'or dans la catégorie reine des super-lourds.
Mardi, la boxe française est ainsi rentrée des Jeux olympiques de Rio avec six médailles, dont deux en or. Un succès inattendu puisqu'en 2012 les boxeurs français étaient rentrés bredouilles de Londres. Francetv info vous explique les raisons de ce succès.
Une sélection plus stricte des athlètes
A Pékin, en 2008, ils étaient neuf et sont revenus avec trois médailles. A Londres quatre ans plus tard, cinq boxeurs français ont obtenu leur qualification, mais aucun d'entre eux n'est revenu décoré. Face à ce malheureux tableau, la Fédération française de boxe (FFB) a décidé en 2013, suivant le nouveau règlement de l'International boxing association (AIBA), de modifier ses critères de sélection. Et de ne présenter aux championnats et aux JO que "les potentiels médaillables".
"Pour partir en compétition internationale, il faut désormais pouvoir prétendre au podium", résume Kévinn Rabaud, directeur technique national de la FFB à francetv info. Résultat, seuls les meilleurs boxeurs participent aux tournois internationaux et peuvent donc se confronter aux plus grands.
Ce changement a poussé les meilleurs à s'entraîner davantage, et a incité les moins bons à s'investir encore plus pour rejoindre les médaillables. Arrivés en compétition, les boxeurs étaient logiquement plus préparés.
Cette plus grande sélectivité a porté ses fruits. En septembre 2015, Mathieu Bauderlique est sacré champion du monde APB. Un mois plus tard, Tony Yoka devient champion du monde des poids lourds, à Doha au Qatar. Estelle Mossely lui emboîte le pas et devient championne du monde dans la catégorie des moins de 60 kg en mai 2016. Et, au final, dix boxeurs français se retrouvent à Rio.
Entraînements individualisés, coachs triés sur le volet
Que dire de la victoire d'un champion, sans parler de ceux qui l'entraînent ? Depuis ses 15 ans, Tony Yoka est entraîné par Luis Mariano Gonzalez. Un ancien boxeur né dans la province cubaine de Pinar del Rio, raconte Le Monde. Entraîneur à seulement 19 ans, il s'est occupé de plus de 1 000 boxeurs, dont plusieurs médaillés olympiques. Arrivé en France en 2007, il entraîne la plupart des Français de haut niveau : Souleymane Cissokho, Sofiane Oumiha, Elie Konki et, bien sûr, Tony Yoka.
"Nous faisons très attention à la qualité de nos entraîneurs nationaux et à varier leurs compétences", abonde Kévinn Rabaud. Luis Mariano Gonzalez est réputé pour être redoutable sur "les liaisons attaque-défense et défense-attaque", une technique qu'il a forgée à Cuba, l'île aux 34 boxeurs champions olympiques. Mehdi Nichane est un "excellent technicien", docteur en sciences du sport, et Anthony Veniant, qui s'est investi auprès de l'équipe féminine.
Les entraîneurs se sont investis à fond ces deux dernières années. Ils n'étaient jamais chez eux. Partout où ils pouvaient emmener les boxeurs, ils l'ont fait. On a tout fait pour qu'il y ait un meilleur échange entre les régions et le national, que toutes les compétences profitent aux boxeurs.
Pour se préparer au mieux, les Bleus ont multiplié les stages à l'étranger, à Cuba, en Irlande, aux États-Unis, au Maroc, en Allemagne, en Ukraine... "L'objectif était de souder l'équipe et de permettre aux boxeurs de se confronter à des athlètes de leur niveau, ce qui n'est pas toujours possible en France", explique Kevinn Rabaud.
Depuis les Jeux de Londres, la fédération a aussi accentué l'individualisation des entraînements. "En boxe, c'est nouveau, précise Kevinn Rabaud. Tous les entraîneurs avaient un programme précis pour chaque athlète. A Rio, ils étaient quatre en permanence autour d'eux."
La salle d'entraînement était juste en face du village olympique. Un entraîneur partait avec un boxeur puis revenait avec un autre, sans perdre de temps. On s'entraînait rarement ensemble, mais on était super bien lotis !
Depuis 2013, les budgets de la boxe féminine et masculine ont été équilibrés afin de développer la boxe féminine et envoyer le plus de boxeuses possible à Rio. "En trois ans, on est passé de 18% de licenciées à 24% cette année", se réjouit Kévinn Rabaud.
Un nouveau système de pointage plus lisible
Entamée par l'AIBA après les Jeux de Londres, la réforme du système de pointage a aussi favorisé la boxe française, explique L'Equipe (édition abonnés). "Autrefois, on comptait à la touche, décrit Philippe Denis. Aujourd'hui, on ne compte pas le nombre de coups, mais on évalue la supériorité d'un boxeur lors d'un combat." L'efficacité, l'attaque, la défense et les coups portés effectifs du boxeur, comme l'explique le règlement.
Avec ce nouveau système des "10 points", inspiré de la boxe professionnelle, les rounds sont jugés dans leur ensemble, ce qui convient plutôt bien aux Bleus. Tous gardent à l'esprit le souvenir d'Alexis Vastine, mort en 2015, qui avait décroché le bronze à Pékin, avant d'être éliminé lors des quarts à Londres, dans des circonstances très controversées. "Alexis aurait dû être médaillé à Londres, mais le pointage ne lui était pas favorable, car moins lisible", précise Philippe Denis. Un "vol" de victoire qui s'expliquerait par l'influence de l'AIBA, à même de désigner le gagnant à l'avance, explique une enquête de Stade 2, diffusée après les Jeux de Londres.
A Rio, aucun boxeur français n'a été "victime" d'un arbitrage à rebours du combat. Entre-temps, la Fédération a aussi fait peau neuve. "On ne peut pas accuser que le comptage. En 2012, on était sans doute moins organisé. La présidence change tous les quatre ans, c'est difficile de mener une politique à bout", conçoit Philippe Denis.
Une "Team solide" indéfectible
Le succès des Bleus à Rio a également beaucoup été attribué à la solidarité qui semblait unir l'équipe. "C'était la première fois qu'une équipe mixte participait aux Jeux [la boxe féminine existe aux Jeux olympiques depuis 2012, mais aucune boxeuse n'a été qualifiée à Londres]. En juillet, on est parti tous ensemble aux États-Unis faire un stage, on a alterné sérieux en séance et grands moments de détente et de rigolade, raconte Sarah Ourahmoune. On a créé un super esprit de groupe. A Rio, on était très soudé."
Dans les gradins, tous sont venus se supporter à chaque combat. "On voyait les autres gagner et ça nous motivait pour nos propres combats. Il y avait une vraie émulation", poursuit la médaillée olympique. Et que dire de Christian M'Billi-Assomo, le représentant français le plus bouillant des Jeux. "Il disait toujours qu'il n'écoutait pas son corps, que sa tête avait trop faim de victoire ! Il nous donnait tous envie de se dépasser." Peu avant les Jeux, le boxeur s'est d'ailleurs fait tatouer "Team Solide" sur le bras, une rengaine que tous gardaient en tête.
Merci beaucoup les amis je reste concentrer sur la compétition #solide #Rio2016 #boxing
— mbilli (@MbilliChristian) 12 août 2016
"Il y avait aussi l'envie de rendre hommage à Alexis Vastine, assure à francetv info Brahim Asloum, le champion olympique à Sydney en 2000, en poids mi-mouche. Avoir perdu un grand champion comme lui a été un vrai traumatisme pour la boxe française. Il fallait ramener le plus de médailles pour lui."
Plus de médailles, mais aussi l'émergence de nouveaux champions. "C'est le début d'un nouveau cycle, veut croire Philippe Denis. Il faut dix ans pour former un athlète de haut niveau. Huit, seulement, sont passés depuis Pékin." Rio n'était donc que les prémices de cette nouvelle génération.
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