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Comment organiser les Jeux olympiques sans y laisser son short

Après la fête, c'est l'heure des comptes à Londres. Si l'addition s'annonce salée, la capitale britannique a pompé quelques bonnes idées à ses devancières.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le lutteur sud-coréen Kim Hyeonwoo médaille d'or en -66 kg aux JO de Londres, le 7 août 2012.  (MARWAN NAAMANI / AFP)

JO 2012 - Organiser les Jeux olympiques, c'est la meilleure façon d'engloutir une ville, voire un pays, sous les dettes. Demandez aux habitants de Montréal, qui ont fini de payer en 2008 les Jeux de 1976. Londres commence à faire ses comptes, deux jours après la fin de la compétition. Au regard des olympiades précédentes, la capitale britannique va sans doute avoir du mal à tirer son épingle des Jeux.

Repenser la ville : joue-la comme Barcelone 92

Quand Barcelone obtient les Jeux, en 1986, les autorités régionales ont déjà préparé un plan de revitalisation de la capitale catalane, sur le déclin économiquement. L'investissement en infrastructures est presque aussi important que celui consenti pour bâtir les stades des Jeux. Demandez à un Barcelonais le principal avantage à avoir accueilli les Jeux de 92 et il vous parlera des périphériques, dont la construction a considérablement amélioré la circulation en ville, comme le souligne une étude sur l'impact économique des Jeux (PDF, p.20).

Et pendant ce temps, à Londres : le succès de la politique urbaine des JO 2012 se mesurera à la vitalité du quartier de Stratford. Autrefois pollué, isolé et très pauvre, il a été reconstruit pour les Jeux : il accueille le parc et le village olympique, qui sera transformé en logements, mais aussi un centre commercial géant stratégiquement placé à la sortie du métro. Bondé pendant les Jeux, le quartier le sera-t-il encore une fois la flamme olympique éteinte ?

La sortie du centre commercial de Stratford, juste à l'entrée du métro, à Londres, le 27 juillet 2012.  (NEIL HALL / REUTERS)

Attirer des entreprises : joue-la comme Atlanta 96

C'est l'un des objectifs majeurs de toutes les villes qui ont obtenu les Jeux depuis les années 90 (PDF, p.18). L'exemple à suivre dans ce domaine, c'est Atlanta 96. La ville américaine, surtout connue pour héberger le siège de Coca-Cola, a vu sa position de centre économique renforcée après les Jeux de 1996. Leur impact a été durable : le nombre d'entreprises qui ont choisi Atlanta comme siège dans les dix ans qui ont suivi la quinzaine olympique a augmenté d'un tiers, faisant de la ville le 4e centre économique des Etats-Unis.

Et pendant ce temps, à Londres : le Premier ministre britannique espère beaucoup des investissements dans le pays après les Jeux pour rentabiliser l'investissement. Si quelques entreprises, comme le constructeur automobile Tata, ont effectivement ouvert des usines dans le pays en marge des JO, le boom tarde à se concrétiser. Et pour cause : attirer des entreprises est une spécialité du Royaume-Uni, 50% des sièges sociaux d'entreprises en Europe s'y trouvent déjà, note le site du ministère du Commerce britannique. Le directeur de l'organisation des Jeux d'Atlanta estime dans un article (en anglais) du site Creative Loafing Atlanta : "Nous avons dépensé 1,7 milliard de dollars. A Londres, ils ont dépensé 17 milliards, dix fois plus. Je pense qu'ils n'en profiteront pas autant qu'Atlanta, dont l'économie a été boostée de façon extraordinaire." 

Booster le tourisme : ne la joue pas comme Sydney 2000

Les Jeux olympiques de Londres ont coûté 11,5 milliards d'euros et doivent en rapporter 16 en retombées diverses, un bon tiers via le tourisme. Pari risqué. Après les Jeux de Sydney, le tourisme n'avait pas décollé. L'organisme qui chapeaute le secteur en Australie a alors commandité une étude (PDF, en anglais) afin de comprendre pourquoi.

Conclusion : l'objectif, qui était de changer l'image de l'Australie de "la patrie de Crocodile Dundee" à "une société multiculturelle harmonieuse" a échoué. Et pas uniquement parce que Crocodile Dundee a fait une apparition lors de la cérémonie de clôture, mais parce que la vision du touriste potentiel est influencée par la couverture médiatique. Qui dit Jeux olympiques dit sport et divertissement, pas opéra et cuisine moléculaire. L'image de l'Australie comme le pays peuplé de surfeurs et de kangourous est demeurée, et le tourisme n'a pas décollé.

Et pendant ce temps, à Londres : Qu'a-t-on vu de la culture britannique pendant les Jeux ? Buckingham Palace, les anneaux olympiques sur Tower Bridge, Kate et William dans les tribunes du hockey sur gazon… Bref, que du vu et revu. Londres, déjà première ville touristique de la planète, peut-elle vraiment profiter de cette exposition pour attirer encore plus de monde ?

Un supporter japonais avant le match olympique entre le Japon et le Honduras, à Conventry (Grande-Bretagne), le 1er août 2012. (HUSSEIN MALLA/AP/SIPA / AP)

Créer des emplois : joue-la (encore) comme Barcelone 92

Une étude du Parlement britannique (PDF, p.27, en anglais) note que "l'impact des JO sur la courbe du chômage est positif, surtout avant les Jeux". Le contre-exemple vient encore de Barcelone 92 : entre 1986, date de l'attribution des Jeux à la capitale catalane, et 1992, le taux de chômage a été divisé par deux (de 18 à 9%). Mais c'est surtout au décollage économique de l'Espagne qu'on doit ce spectaculaire redressement.

Et pendant ce temps, à Londres : la ville s'était fixé des objectifs ambitieux, comme subventionner les entreprises désireuses d'embaucher pour les JO, à condition qu'elles conservent ces salariés au moins un an. La BBC pointe dans un article (en anglais) que les objectifs ont été graduellement revus à la baisse, les subventions réduites et le programme de subvention lancé trop tard. S'il est trop tôt pour en tirer un bilan, le bureau national des statistiques britannique a clairement annoncé la couleur : "L'effet JO peut donner l'impression d'un redressement, mais c'est un mirage. Le nombre de chômeurs de longue durée est toujours en hausse."

Moralité : si les Jeux de Londres sont vraiment rentables, comme l'a promis David Cameron, Londres aura réussi un sacré tour de force.

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