Choisir un porte-drapeau, la première des épreuves des JO
A J-100, en France, on ne s'écharpe pas sur les objectifs de médailles mais sur le nom de l'heureux sportif qui brandira l'étendard français deux heures durant, à Londres, le 27 juillet.
Etre porte-drapeau de la délégation française aux Jeux olympiques, ça ne porte pas chance ! Tony Estanguet, ultrafavori en canoë-kayak, a raté l'épreuve en 2008. Quant aux handballeurs de Jackson Richardson, choisi en 2004, ils ont loupé une médaille à leur portée. Il est loin le temps où les athlètes désignés (Douillet en 2000, Pérec en 1996) savaient garder leur concentration et ramener l'or. Pourtant, ce poste n'a jamais été aussi convoité. A 100 jours du début des Jeux olympiques de Londres, on se bouscule dans les rangs des sportifs français pour tenir le drapeau tricolore le 27 juillet, à la cérémonie d'ouverture. C'est à se demander pourquoi ?
Comment est choisi le porte-drapeau en France ?
Des critères, il n'y en a pas vraiment. C'est une commission d'anciens sportifs et de pontes de l'olympisme français qui doit les définir. Posséder un nom, détenir un palmarès conséquent et avoir des chances de gagner paraissent indispensables. D'autres facteurs, plus subjectifs, comme le charisme ou le fait de représenter les valeurs de l'olympisme, ("l'argent ? la corruption ?" s'interrogent les mauvais esprits dans Le Monde) rentrent en ligne de compte.
Enfin, le programme olympique doit pouvoir s'accorder avec cette charge. Le judoka Teddy Riner a déclaré forfait car ses épreuves commencent peu après le défilé. Or, il veut que sa concentration "soit totale" : "Je ne souhaite pas être porte-drapeau cette année. Je veux exclusivement décrocher ma première médaille d’or olympique." Tiennent la corde l'escrimeuse Laura Flessel (qui doit encore gagner son ticket pour Londres), le basketteur Tony Parker ou le nageur Alain Bernard.
Pourquoi est-ce si important ?
Devenir porte-drapeau signifie être le chef de file du sport français et avoir sa photo en une de tous les journaux au lendemain de l'ouverture des Jeux. Du coup, ça se bouscule. En janvier, Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français affirmait, sur 20Minutes.fr, que le nom de l'heureux élu serait connu à J-100. C'est-à-dire mercredi 18 avril. On est loin du compte, en raison du lobbying de plusieurs sports pour décrocher la timbale : Tony Parker fait ouvertement campagne, la Fédération française de natation pousse Alain Bernard... au grand dam de ceux qui refusent de faire leur promo, comme les handballeurs. "Porte-drapeau est un honneur qu'on reçoit, pas qu'on sollicite", déplore le handballeur Nikola Karabatic.
Comment procède le reste du monde ?
Outre-Quiévrain, on se montre assez dubitatif sur ce qui constitue presque une deuxième campagne électorale en France. "Les Belges sont plus réservés, plus modestes par rapport à ça", se justifie un dirigeant de l'olympisme belge sur le site du quotidien La Dernière Heure. Si la tenniswoman Kim Clijsters tient la corde, les internautes ont massivement plébiscité sur le site de La Libre Belgique début avril un hockeyeur sur gazon, Jérôme Truyens. Pour éviter les rancœurs, le comité olympique belge désignera le héraut deux jours avant l'événement.
Dans d'autres pays, désigner le porte-drapeau ne représente pas une affaire d'Etat : la Suisse a choisi le tennisman Roger Federer en 2004 et 2008. Pour 2012, rien n'est joué mais la cause n'est pas perdue pour le n°3 mondial. En Grande-Bretagne, ce sont les athlètes sélectionnés qui votent. Aux Etats-Unis, les capitaines des équipes de chaque sport organisent un mini-conclave. C'est tout juste si à la fin, une fumée blanche ne s'échappe pas de la pièce où ils se réunissent une fois le standard bearer élu.
La seule polémique hors de la France se déroule en Nouvelle-Zélande où l'un des seuls sportifs à pouvoir prétendre à une médaille, un rameur, a été désigné, ce qui pourrait le déconcentrer.
En France, la désignation du lauréat pour juillet aura lieu avant la finale de Roland-Garros, le 10 juin, devant une audience chauffée à blanc. Il faut donc attendre encore un mois et demi. Une certitude, cependant, à en croire le kayakiste Tony Estanguet, l'athlète désigné aura d'ores et déjà réussi ses Jeux : Porter le drapeau, "c’est un peu du même niveau qu’un titre de champion olympique. Finalement, je ne regrette pas du tout d’avoir raté mes JO de Pékin". C'est peut-être pour ça que ce bout de tissu brandi pendant deux heures attire tant de convoitises.
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