Cet article date de plus de quatre ans.

"Il faut des mesures concrètes pour sauver le sport français, un maillage essentiel de notre société" alerte Catherine Morin-Desailly

La Commission de la culture du Sénat, présidée par Catherine Morin Desailly, a rendu ses conclusions concernant l'état des lieux du sport français après le passage de la crise du Covid-19. La sénatrice UC-Seine Maritime pousse un cri d'alarme et demande à la ministre des Sports de mettre en place des mesures concrètes au plus vite. Une commission au Sénat a d'ailleurs été mise en place.
Article rédigé par Michel Goldstein
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
  (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

Vous avez alerté sur la gravité de la situation dans le monde du sport. Qu’attendez vous de cette commission ?
Catherine Morin-Desailly
: " Ce n’est pas une commission spéciale. Ma commission de la culture qui a le sport dans ses champs de compétences a mis en place autant de groupes de travail qu’il y avait de secteurs concernés. Chaque groupe était composé de plusieurs sénateurs et de rapporteurs budgétaires et ont réalisé des auditions afin de faire un état des lieux de la situation après cette crise du Covid. Le groupe sport, animé par Jean Jacques Lozach, a rendu ses conclusions cette semaine. Après beaucoup d’auditions, la conclusion est simple. Le sport est l’un des secteurs les plus impactés dû au fait de l’incapacité des personnes à se rassembler. Les manifestations sportives ont été annulées parfois reportées. Elles alimentent tout un éco-système. Il y a un gros enjeu par rapport à l’emploi mais aussi des enjeux de socialisation et d’éducation. Les conséquences économiques sont aussi très importantes. Nous avons noté en plus que ce secteur est déjà fragile en temps normal parce qu’il repose beaucoup sur des finances publiques mais aussi de recettes (billetteries) et de publicités. Et toutes ces recettes ont été stoppées avec la crise du coronavirus. Notre groupe de travail voulait donc alerter sur la situation qui est grave. Ni le président de la République ni la ministre des Sports n’a évoqué un quelconque plan concernant le redressement du sport. Le milieu amateur est tout autant touché que le professionnel. Il faut donc que des mesures concrètes soient mises en place sinon les conséquences pourraient être terribles surtout au niveau de l’emploi."

On parle beaucoup de l’assouplissement de la loi Evin, vous pensez que c’est quelque chose qui peut aider les clubs sportifs ?
CMD
: " Ce n’est pas que la loi Evin qui à elle seul va changer les choses. C’est un ensemble de mesures qui additionnées et ajustées peuvent redonner un élan, remobiliser des financements dans cette situation compliquée. Il faut donc un panier de mesures complémentaires. Il ne s’agit pas du tout de revenir sur le principe vertueux de cette loi qui est de prévenir les comportements alcooliques et d’encourager la consommation d’alcool à tout va. Les buvettes peuvent généralement ouvrir une dizaine de fois par an. Alors parfois les spectateurs achètent de l’alcool avant de venir au match. On ne veut pas réouvrir la vente d‘alcool au sein des travées des enceintes sportives mais un assouplissement des possibilités d’ouverture des buvettes. Donc il vaut mieux que les spectateurs consomment modérément de l’alcool au sein de l’enceinte sportive plutôt que laisser les choses se faire en dehors. C’est une observation qui a été faite par le rapporteur après avoir interrogé toutes les parties prenantes. Le but étant réellement d’améliorer les recettes et aussi d'installer une certaine forme de convivialité. Les différents protagonistes qui ont été interrogés estiment le bénéfice d’une telle réforme à 50 millions d’euros. Mais je tiens à insister sur le fait que ce n’est pas la mesure centrale. Il y a d’autres préconisations très importantes."

Quelles sont ces mesures importantes ?
CMD
: " Il y a notamment le crédit d’impôts qui est très important pour les clubs. C’est un crédit d’impôts pour les personnes qui font du sponsoring dans les stades donc c’est de l’argent qui revient aux clubs. Pour moi c’est infiniment plus important que l’assouplissement de la loi Evin dont tout le monde parle. J’y vois un parallèle et un équilibre entre le milieu du sport et de la culture. Et puis vous avez aussi dans des mesures plus structurantes la taxe Buffet. C’est redonner du sens quand même et rappeler l’origine de cette taxe. Elle a été crée pour financer le sport et c’est assez étrange qu’aujourd’hui 2/3 de cette dernière part dans les caisses de l’Etat. Si on veut financer notamment les petits clubs qui vont surement devoir licencier, il faut être sensible à cette cause. De plus les équipements des collectivités territoriales ont besoin de fonds pour être rénovés aussi. Elle sert à ça aussi la taxe Buffet. Je trouve qu’il y a une incongruité par rapport à cette taxe. On l'a dénoncé avec mes collègues à plusieurs reprises. Il faut lui redonner du sens, retrouver une affectation légitime. Aujourd’hui on est dans le détournement d’une fiscalité affectée."

Vous espérez que le Ministère des Sports s’empare de ces propositions concrètes ?
CMD
: " Je ne sais pas… La ministre des Sports, qu’on a eu du mal à auditionner, nous avait dit que le sport n’était pas une priorité. Ça nous a interrogé. Il n’y a eu aucun plan annoncé pour ce secteur.  Il faudrait que l’on sache comment le ministère compte rebondir pour faire un sorte qu’il n’y ait pas de désastre dans tout le sport français. La c’est des milliers d’emplois qui vont disparaitre. Il y aussi l’urgence d’une loi qui est la déclinaison territoriale de l’Agence nationale du sport qui doit fédérer l’ensemble des acteurs autour des projets sportifs. Voilà des mesures concrètes. On attend que la Ministre prenne la parole. Il ne faut pas oublier qu’on a aussi à préparer nos athlètes pour les JO de Tokyo. On appelle donc à une mobilisation autour du sport pour trouver une solution et savoir réellement comment amortir ce choc. Il faut sauver un maillage qui est essentiel."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.