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Hugo Gaston : est-ce la relève du tennis français ?

Hugo Gaston a perdu avec les honneurs face à Dominic Thiem, deux jours après avoir battu le triple vainqueur de Grand Chelem Stan Wawrinka. Alors que Lucas Pouille soigne encore ses plaies, et qu'une génération entière est passée sous les radars, le tennis français a-t-il enfin trouvé un nouveau visage ?
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Hugo Gaston a réalisé un bel exploit en battant Stanislas Wawrinka, le 2 octobre 2020. 
 (MARTIN BUREAU / AFP)

Ce Roland-Garros sera quoi qu’il arrive une édition pleine de surprises. D’abord, pas grand monde ne comptait sur trois représentants français en deuxième semaine (femmes et hommes confondus). Ensuite, deux de ces trois rescapés sont des novices à ce stade. Chez les hommes, ce n’est pas Gaël Monfils, mais Hugo Gaston qui a porté le plus loin les couleurs de la France cette fois.

Pleine de panache, d’instinct, et surtout de maturité mentale, sa victoire contre Stan Wawrinka au 3e tour, puis son extraordinaire résistance face à Dominic Thiem, ont réveillé la faim de champions dans le camp français, sevré de nouveaux visages depuis Lucas Pouille. La France a-t-elle enfin un (futur) nouveau candidat crédible pour le titre en Grand Chelem ?

Mental de champion

Il est indéniable que contre le Suisse, il a été d’une maturité remarquable pour son âge."On a tous été épatés", assure Justine Hénin, englobant dans ce "on" la globalité des observateurs. A 20 ans, pour son deuxième tableau principal de Grand Chelem, le Français a d'ores et déjà coché pas mal de cases dans la gestion des matchs, dont certaines nécessitent parfois des années d'expérience. "C'était épatant de le voir si calme et concentré, poursuit l'ancienne numéro un mondiale. Surtout après l'interruption, je me suis dit qu'il allait sortir de son match...eh bien non", s'étonne Justine Hénin.

Pas d'affolement après la perte du 1er set 6-2, ni après l'interruption. Pas de main qui tremble au moment de conclure et de battre un triple vainqueur de Grand Chelem. Face à Thiem deux jours plus tard, il a affiché une sérénité étonnante lorsqu'il a été mené deux sets à zéro. Et n'a lâché que physiquement peut-être, sur les derniers jeux de la cinquième manche."J'aime bien cette attitude. Quand je vois un jeune qui semble avoir, comme lui, la tête sur les épaules. Être capable de faire ça permet de mettre certains choses en mouvement", suggère Hénin. 

Alors que début septembre, il s'inclinait face au 218e mondial en Challenger, Gaston a montré qu'il savait hausser le niveau sur les grands événements. Et le garder tout au long d'un match. Sa couverture de terrain, ainsi que sa large palette technique, lui permettent de s'adapter à l'adversaire. Wawrinka et Thiem se sont tous les deux déréglés à force de négocier différents types de balle : une bombée, une slicée, souvent suivis d'une petite amortie ici ou là. Cette créativité pourrait s'avérer précieuse à l'heure où les profils de joueur ont plutôt tendance à s'uniformiser. 

Un chemin de taille

Ce large éventail de coups nous amène à évoquer ce qui fâche : le déficit de puissance. Avec une première balle qui tourne souvent autour des 170-180 km/h, il sera difficile pour le Français de gêner les grands retourneurs tels que Novak Djokovic ou Rafael Nadal. Plus problématique encore, Hugo Gaston fait 1m73. Or, le tennis entre depuis quelques années dans l'ère des joueurs de grande taille. Depuis Juan Martin Del Potro, les grands ne sont plus seulement de très bons serveurs. Ils bougent bien, frappent bien des deux côtés. Et servent très bien aussi, bien sûr. Il y a huit joueurs de 24 ans ou moins dans le Top 20 ; cinq d'entre eux font plus d'1m93, dont deux d'1m98. Les mensurations ont changé, et certains jeunes joueurs se sont heurtés à cet état de fait. Alex De Minaur, l'un des plus grands espoirs du monde, a encore beaucoup de mal à passer le stade du Top 25, entre autres par manque de puissance. Il fait 1m83, soit 10 centimètres de plus que Gaston... 

"Il est beaucoup plus difficile chez les hommes que chez les femmes d'atteindre le très haut niveau avec une grosse différence de taille, estime Justine Hénin, elle-même numéro un mondiale et multiple vainqueur en Grand Chelem malgré ses 1m67. Sur d'autres surfaces, ça pourrait être plus compliqué face aux grosses machines au service par exemple. Après, il est vif, très rapide sur les balles... Il faut voir comment il va développer son jeu au cours des prochaines années".

Il y a une exception sur laquelle pourrait se reposer Hugo Gaston : Diego Schwartzman. L'Argentin fait 1m70, soit trois centimètres de moins que Gaston. Il est 14e mondial et fait partie des outsiders de ce Roland-Garros après avoir battu Rafael Nadal et atteint la finale à Rome il y a deux semaines. Autant dire qu'il a su travailler son tennis de façon à pouvoir rivaliser avec les plus puissants malgré sa petite taille. D'ailleurs, Hugo Gaston a déjà montré qu'il pouvait le faire : Stan Wawrinka et Dominic Thiem sont deux des joueurs les plus puissants du circuit, et il a battu le premier avant de sérieusement inquiéter le deuxième. 

La gestion de la digestion

C'est peut-être là aussi que le piège peut se situer Hugo Gaston : ne pas être capable de rapidement tourner la page Roland-Garros. Ses deux derniers matches ont été un bain de lumière inattendu pour lui. Il devra désormais retrouver l’anonymat du circuit Challenger. C’est avant tout là, contre les solides joueurs du Top 200, qu’il faudra faire ses preuves. Le grand public a découvert son potentiel. Lui-même en a peut-être été surpris, tant tout a fonctionné pour lui. Mais son niveau moyen, sur les derniers mois, reste celui d’un joueur de Challenger.  "Il faut faire attention aux attentes, prévient Justine Hénin. Il en est encore au tout début, c'est une jeune carrière. On a en a vu tellement, des joueurs avec une bonne main... Pour moi, tout dépendra de son état d'esprit et de la façon dont il arrivera à digérer ce Roland-Garros".

Quentin Halys, même s'il n'a jamais battu de vainqueur en Grand Chelem ou atteint les huitièmes de finale de Roland-Garros, a été, dès l'âge de 18 ans, l'un des premiers "successeurs désignés" des Quatre Mousquetaires. Il est aujourd’hui 202e  joueur mondial.

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