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Handisport : comment les fauteuils sont devenus des bijoux de technologie

Article rédigé par Pauline Hofmann
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Gyu Dae Kim, l'athlète sud-coréen vainqueur du 800 m T54 aux Mondiaux d'athlétisme handisport à Lyon (Rhône), le 22 juillet 2013. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Les Mondiaux d'athlétisme handisport se déroulent jusqu'au 28 juillet à Lyon. Les athlètes participent à environ 200 épreuves différentes. Pour chaque handicap, le sport s'est adapté, avec un matériel toujours plus performant.

"Des Formule 1 du handisport", c’est ainsi que Philippe Croizon, premier nageur amputé des quatre membres à avoir traversé la Manche à la nage, décrit les fauteuils des athlètes de haut niveau. Aux Mondiaux d’athlétisme handisport qui se déroulent depuis le 19 et jusqu'au 28 juillet à Lyon (Rhône), les lames de carbone rendues célèbres par l'athlète sud-africain Oscar Pistorius sont les grandes stars de la compétition. Mais les fauteuils rivalisent également de technologie. 

"Les prouesses [des athlètes] sont bien sûr liées à leurs performances physiques, mais aussi au matériel qu'ils utilisent et la manière dont ils l'utilisent", souligne auprès de francetv info le professeur François Lavaste, chercheur en biomécanique à l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers. Matériau de pointe, aérodynamisme, angle des roues... la recherche dans ce domaine progresse de manière spectaculaire depuis une quinzaine d’années. Les roues, par exemple, ne sont pas parallèles pour améliorer la stabilité du fauteuil et la poussée du sportif. "Les fauteuils de course se sont allongés, rapprochés du sol, ce qui les fait ressembler à des bolides", s'amuse Serge Robert, un des entraîneurs de l'équipe de France d'athlétisme handisport joint par francetv info.

"Gagner des dixièmes de seconde"

Avec le temps, les coureurs ont aussi amélioré leur technique pour pousser leur fauteuil. Une fois une certaine vitesse atteinte, ils tapent les mains courantes, ces cerclages de métal attenants au pneu, pour aller plus vite. Généralement, les personnes en fauteuil les agrippent et poussent dessus pour avancer. En lien avec les athlètes, les fabricants ont adapté leurs modèles aux nouvelles exigences sportives : ainsi, ils ont dû augmenter le diamètre et la solidité des mains courantes, sans alourdir le fauteuil. Le prothésiste islandais Össur a longtemps travaillé avec le multi-médaillé paralympique Oscar Pistorius. Relativement récente, cette collaboration entre les fabricants et certains sportifs profite à tous, selon Jean-Baptiste Souche, qui entraîne les athlètes amputés à la fédération handisport d’athlétisme.

"On cherche des améliorations permettant de gagner des dixièmes de seconde au chronomètre, alors qu’avant, on bidouillait son fauteuil dans son garage", se réjouit Stéphane Houdet, vainqueur de Roland-Garros en fauteuil en 2013, contacté par francetv info. Il travaille depuis trois ans et demi avec un groupe de chercheurs de l'Ecole d’arts et métiers sur l'amélioration de son fauteuil. Joseph Bascou, responsable de projets de recherche au Cerah (Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés), fait partie de cette équipe. Il modélise actuellement le comportement du fauteuil en déplacement, négligé jusqu'alors. Ses recherches permettront peut-être de développer de nouveaux systèmes de freins.

"A chaque nouvelle avancée, des voies de recherche s'ouvrent à nous", explique François Lavaste. Aérodynamisme, résistance à l'air, frottement au sol, chaque paramètre est étudié afin de déterminer son importance. "Pour gagner en rendement énergétique, nous avons étudié la largeur des roues en fonction du terrain sur lequel évolue le sportif."

Près de 750 euros la roue

Stéphane Houdet évoque une prise de conscience tardive de l’importance du matériel dans le handisport. "Il est notoire que les skis des professionnels sont améliorés par des équipes d’ingénieur. C'est moins évident pour le matériel de handisport." Depuis vingt ans, l'utilisation du carbone a considérablement changé la donne pour les athlètes. Roger Mauris, d’une société spécialisée dans les roues de vélos de course et de fauteuils de compétition, explique à francetv info : "Ce matériau nous permet de travailler la forme de la roue sans être pénalisé par le poids." Ses roues ont perdu près de 200 grammes depuis les années 90, ne pesant plus qu’un kilogramme par roue.

A terme, ces technologies profiteront à toutes les personnes en fauteuil. "Nous sommes les poissons-pilotes. Nous faisons de la recherche sur les Formule 1 du handicap pour ensuite pouvoir les appliquer à la voiture de M. Tout-le-monde", prédit Stéphane Houdet. Pour l'instant, M. Tout-le-monde ne peut pas encore se payer ces bijoux de technologie. Une roue peut coûter près de 750 euros. Le prix total du fauteuil monte aisément à 6 000 euros, ce qui est encore peu comparé aux 12 000 euros des prothèses d'Oscar Pistorius. Les athlètes mettent généralement eux-mêmes la main à la poche pour se payer l'équipement.

Les marges de progression sont encore immenses, d'après les professionnels. Reste cependant la limite des autorisations des fédérations sportives. Le Comité international paralympique, équivalent du Comité international olympique pour le handisport, homologue formes de fauteuil, tailles de roues et de prothèses.

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