À Limoges, le hand grandit à l'ombre du basket
Jusqu’ici, quand on parlait de sport à Limoges, il était plus souvent question de "dunk" et de "alley-oop" que de "chabala" et de "roucoulette". Le mythique Limoges CSP (champion d’Europe en 1993, onze fois champion de France, entre autres titres) régnait en maître sur le sport en Limousin. À se demander d’ailleurs si CSP (initiales du Cercle Saint-Pierre) n’avait pas fini par signifier: Club Sans Partage.
Une montée en puissance
Mais depuis plusieurs années, le géant CSP assiste aux premières loges à l’éclosion d’un rookie qui commence à prendre de plus en plus de place dans la raquette limousine et dont la croissance semble loin d’être terminée: le Limoges hand 87, passé en moins de quinze ans de la Nationale 2 (4e division) à la Starligue.
"Sincèrement, j’applaudis des deux mains. C’est le fruit d’un gros travail réalisé par les joueurs et les dirigeants. Je leur souhaite le même parcours que nous", confie Richard Dacoury légende limougeaude et vice-président du CSP avant d’ajouter: "Maintenant, il leur faut s’imposer au plus niveau. La montée en Starligue, c’est une étape. Je ne dirais pas que le plus dur reste à faire mais je me souviens être passé par là avec le CSP il y a plus de quarante ans maintenant. Les deux-trois premières saisons parmi l’élite avaient été laborieuses. Et sans vouloir jouer les grands frères, comparer basket et hand à Limoges, c’est aller un peu vite en besogne. En termes de palmarès et de notoriété, on a quand même encore un petit peu d’avance!", sourit le capitaine des grandes années du CSP.
Avec un budget prévisionnel de 3,5 millions d’euros et un recrutement prometteur (cinq joueurs parmi lesquels l’ex-Montpelliérain Dragan Gajic et le Nantais Julian Emonet), le Limoges Hand 87 semble pourtant bien décidé à s’installer durablement dans le Paysage handballistique français et à devenir un fleuron du sport en Limousin.
"C’est incroyable l’engouement que l’on vit", s’enthousiasme Alain Aubard, président du LH87. "Ces cinq dernières années, on est passé de matches joués dans notre ancien gymnase de Buxerolles devant 200 spectateurs à remplir des salles de 4.500 personnes avec le soutien de 350 partenaires privés." Le promu en Starligue se heurte désormais à un problème de taille: celle de la salle Henri-Normand qui accueille les matches à domicile, inaugurée en 2016 mais déjà trop petite avec seulement 1200 places. "Cette salle a été mal pensée, mal structurée, mal conçue, mal située" se lamente le maire sortant (les Républicains) Émile Roger Lombertie, candidat à un deuxième mandat et largement en tête à l’issue du premier tour, qui a récupéré le bébé, initié par la précédente équipe municipale.
Du rififi chez les "handsketteurs" ?
La saison dernière déjà en Proligue, le LH87 avait dû délocaliser certains matches pour satisfaire la demande grandissante de ses supporters: un au Zénith de Limoges et trois au Palais des sports de Beaublanc (4500 spectateurs en configuration hand), l’antre du CSP. Et le club entend bien remettre ça la saison prochaine, à minima. "On aimerait évidemment pouvoir disputer le plus de matches possibles à Beaublanc" avoue Alain Aubard. "C’est un vrai enjeu économique pour nous. On ne peut d’ailleurs pas lancer une campagne d’abonnements digne de ce nom sans savoir combien de matches on va pouvoir jouer là-bas. Sincèrement si l’on ne peut pas accueillir des clubs comme le PSG, Montpellier et Nantes à Beaublanc, ce sera un vrai manque à gagner pour nous. Déjà, il y a deux ans, pour la réception de Montpellier en Coupe de France, nous avions perdu 50.000€ car le Palais des sports n’était pas disponible."
Mais Richard Dacoury tempère déjà les ardeurs de son voisin, devenu de plus en plus envahissant ces dernières années . "Il ne faut pas oublier que Beaublanc a été construit pour le basket, à la base. C’est une contrainte au quotidien pour le CSP, qui a ses bureaux sur place, s’entraîne et joue dans cette salle, d’être délogé au profit d’autres. Quand c’est exceptionnel, pour une, deux ou trois dates dans la saison, pourquoi pas. Mais sur la durée ça ne me semble pas possible. Il va vraiment falloir trouver des solutions avec la mairie."
Alain Aubard est conscient des difficultés posées par une cohabitation plus poussée entre les deux clubs. "Bien évidemment que l’on n’est pas là pour dire "poussez-vous de là qu’on prenne votre place!". Le CSP a toute sa légitimité pour occuper Beaublanc et on y entre vraiment par la petite porte. Maintenant, la saison prochaine, on devrait quand même arriver à trouver plus facilement des compromis: les matches de Starligue ont lieu le mercredi, ceux de basket plutôt le week-end. Le vrai problème actuellement, c’est qu’il faut trois jours pour démonter le parquet du CSP, mettre notre sol synthétique pour le hand, l’enlever, remettre le parquet du CSP... Si avec l’aide des services municipaux, on arrivait à réduire ce délai à 24h, sans avoir à démonter le parquet, il y aurait sans doute plus de commodités pour tout le monde. Et on devrait pouvoir y arriver."
En attendant le réaménagement de Beaublanc qui prévoit notamment la construction d’une salle attenante d’environ 3000 places pouvant accueillir le handball à l’horizon 2024, le maire de Limoges s’apprête donc à jouer les arbitres la saison prochaine. Et peut-être les suivantes. "Je suis bien conscient de la rivalité naissante entre les deux clubs" soupire le maire Émile Roger Lombertie. "Vous savez, la vanité a la vie dure et je pense qu’il y aura des excès à surmonter. Le CSP vit beaucoup sur son image du passé, quand le basket était le seul sport d’envergure ici, mais je pense que les deux clubs doivent pouvoir cohabiter, s’entendre sur les plus grosses affiches et offrir une grande fête du sport à Limoges. Et faire en sorte que ça rapporte!"
Deux clubs dans la ville
Sur le terrain du sponsoring, le CSP et LH87 se retrouvent aussi parfois en compétition dans une région au tissu économique guère extensible, surtout depuis le début de la crise du Covid-19. "Évidemment que l’on chasse sur les mêmes terres" concède Richard Dacoury. "Mais on doit pouvoir le faire sans inimitié. À mon sens, Limoges et son bassin de près de 300 000 habitants doivent être capables d’héberger deux clubs de haut niveau. On ne doit pas chercher à nous opposer." Alain Aubard abonde en ce sens. "Le basket et le hand sont deux sports où il est possible d’exister à un haut niveau avec des budgets modérés (7 millions pour le CSP; moitié moins pour le LH87), ce qui n’est pas le cas avec le foot et le rugby. Je pense que l’on a tout intérêt à travailler en bonne intelligence et à mutualiser nos moyens. On le fait déjà pour les buvettes par exemple que l’on sous-traite au CSP." Ne reste plus qu’à trinquer à la santé des deux clubs. En espérant une paix durable.
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