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Hand : foie gras, pompes et autogestion... les secrets de longévité d'Onesta à la tête des Bleus

Le sélectionneur a été nommé en mars 2001. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le sélectionneur de l'équipe de France de handball, Claude Onesta, lors d'un match contre la Pologne, le 15 janvier 2014, à Aarhus (Danemark). (JONATHAN NACKSTRAND / AFP)

Quand Claude Onesta a été nommé sélectionneur de l'équipe de France de handball, Lionel Jospin était Premier ministre, on payait encore sa baguette en francs, et la station Mir était toujours dans l'espace. C'était en mars 2001. Quatorze ans plus tard, personne ne remet en cause ce coach, qui dispute avec les Bleus la finale du Mondial au Qatar, dimanche 1er février à 17h15. Comment expliquer cette fantastique longévité ?

C'est dans les gènes du handball

Personne ne battra le record du capitaine de l'équipe russe de Coupe Davis, Shamil Tarpichev, en poste depuis 1972 (avec une petite pause entre 1992 et 1996, histoire de recharger les batteries). Mais le handball a connu son lot de sélectionneurs au long cours : le Suédois Bengt Johansson, seize ans et douze demi-finales de rang dans les compétitions internationales entre 1990 et 2002, ou Vladimir Maximov, le patron de l'équipe de Russie de 1992 à 2008, avec deux titres olympiques au tableau de chasse. "La moyenne, pour un sélectionneur de handball, c'est cinq ou six ans, ce qui est déjà long comparé au football ou au rugby", rappelle Kevin Domas, du site Handnews.

C'est dans les gènes du handball français

Le prédécesseur de Claude Onesta, Daniel Costantini, est resté seize ans en poste, transformant une équipe de troisième zone en double championne du monde. Entraîneur directif, il avait dû mettre de l'eau dans son vin en héritant de la génération des Barjots, des joueurs talentueux, mais incontrôlables. Sa lassitude était palpable sur la fin : "J'ai l'impression d'être un vampire : je me repais du sang des jeunes gens qui passent entre mes mains", disait-il à L'Humanité à la toute fin de son mandat. 

C'est grâce à la patience de la Fédération française

Quand il est nommé à la tête des Bleus, Claude Onesta a, de son propre aveu, "un palmarès en macramé" (une coupe de France, décrochée avec Toulouse). C'est un peu comme si on nommait l'entraîneur de Lorient à la tête des Bleus du foot. L'accueil est glacial. La première compétition est une catastrophe, avec une sixième place à l'Euro 2002. Le Mondial 2003 commence très mal, avec une défaite contre la modeste Grèce et un nul contre les tout aussi modestes Tunisiens. L'équipe se reprend brusquement, pour aller chercher une médaille de bronze inespérée. Onesta est prolongé, in extremis. "Claude a longtemps eu un problème de légitimité. Il a fallu gagner de nombreux titres pour que tout le monde admette qu'il était l'homme de la situation", confie Béatrice Barbusse, membre du conseil d'administration de la Fédération française de handball. Mais au sein de la FFHB, les dirigeants tiennent bon et conservent leur confiance à leur entraîneur. "Le sélectionneur précédent, Daniel Costantini, avait montré que les victoires se construisaient avec le temps", ajoute Béatrice Barbusse. 

Pour Christian Salomez, président du PAUC, l'équipe d'Aix-en-Provence, le maintien de Claude Onesta en poste était "une vraie volonté politique de la fédération. Les dirigeants savent qu'il y a et qu'il y aura forcément des périodes creuses. L'avantage, avec Claude Onesta, c'est qu'elles ne durent jamais très longtemps." 

C'est grâce à son management au foie gras

La méthode Onesta consiste à faire confiance aux adjoints, et à responsabiliser au maximum les joueurs. "Il a dit que l'idéal, pour lui, serait qu'il n'ait rien à faire sur le banc", note Kevin Domas. Et il a un petit truc pour faciliter le dialogue. "Lorsque nous arrivons dans un hôtel, la plus grande chambre n'est jamais pour un joueur, ni pour moi. Elle est pour notre bon Michel, l'intendant de l'équipe, raconte Claude Onesta dans son livre Le Règne des affranchis. Et c'est là que nous déballons notre cantine : machine à expresso, pastis, whisky, vin, saucisson, foie gras. Bon, il paraît que ça sent un peu la bouffe à l'étage et que les autres délégations se pincent le nez en passant dans les couloirs. Mais c'est notre façon de vivre en compétition."

C'est parce qu'il sait remettre à leur place les jeunes qui s'y croient

Le sélectionneur de l'équipe de France de handball, Claude Onesta (D) assis à côté du joueur Nikola Karabatic, le 9 janvier 2013, à Montpellier (Hérault). (VINCENT DAMOURETTE/SIPA)

Prenez le plus doué d'entre eux, Nikola Karabatic. Il débarque en équipe de France en 2002 avec l'étiquette de petit Mozart du handball. Assis sur le banc, il ne dispute pas une minute de jeu, même quand l'équipe de France est en démonstration face à l'Arabie saoudite ou l'Argentine, des équipes de seconds couteaux. Lors d'un entraînement aux penalties, Karabatic décide d'en mettre plein la vue à son entraîneur, et multiplie les tirs aux effets variés... stoppés le plus souvent par les gardiens. "Dix pompes et tu recommences", lâche Onesta. Une fois, deux fois, trois fois. La séance s'éternise... jusqu'à ce que Karabatic effectue une série de penalties avec sobriété. "Les autres joueurs, en le réconfortant, ont la réaction que j'escomptais. Du genre : 'oh, le petit, on ne lui laisse pas mettre les pieds sur la table, ça va'", raconte Claude Onesta dans son livre. 

"Il a fait de l'équipe de France un temple sacré, même si on est un petit jeune qui se la raconte dans son club", commence Béatrice Barbusse. Pour preuve, les intégrations réussies de joueurs à fort potentiel comme Samuel Honrubia, Xavier Barachet ou plus récemment Kentin Mahé.

C'est parce qu'il n'en fait pas une histoire d'argent

Venus de grands clubs, Laurent Blanc et Didier Deschamps ont obtenu une confortable revalorisation du salaire de sélectionneur des Bleus par rapport à ce que touchait Raymond Domenech. Idem pour Philippe Saint-André, deux fois mieux payé que son prédécesseur à la tête du XV de France, Marc Lièvremont. Pour Claude Onesta, être sélectionneur n'est pas une histoire d'argent. Au début de son mandat, sa fiche de paye affiche 5 000 euros par mois, sans qu'il ait négocié son salaire. Elle indique désormais 7 000 euros, obtenus après qu'il a montré à ses dirigeants l'offre mirifique du club espagnol de Pampelune, en 2008. "Six ans et six titres olympiques, mondiaux et européens plus tard, je n'ai pas été augmenté d'un centime. Je n'ai rien demandé. Ça me va très bien comme ça. C'est le prix de ma liberté", écrit Onesta, qui ne cache pas faire de nombreuses conférences en entreprises, autrement plus lucratives.

C'est (surtout) grâce à ses résultats

Le sélectionneur de l'équipe de France de handball, Claude Onesta, fête la victoire de la France contre la Suède lors du tournoi olympique de Londres (Royaume-Uni) , le 12 août 2012.  (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

"Ne comptez pas sur moi pour faire la course au palmarès", prévenait Claude Onesta lors de son entrée en fonction, intimidé par l'armoire à trophées bien garnie de son prédécesseur. Quatorze ans plus tard, cette phrase fait sourire. Le CV du sélectionneur affiche deux titres olympiques, deux titres européens, deux titres mondiaux et quatre autres médailles qui ne sont pas faites d'or. Et ce n'est peut-être pas fini. Sa sortie est programmée après le championnat du monde organisé en France en 2017. 

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