Gervais Martel : "Le football français doit avoir une réflexion sur ce qu'il s'est passé depuis deux mois"
Avez vous été déçu, qu’en temps de crise sanitaire, le football français ne soit pas uni ?
Gervais Martel : "Oui et non. Ça a toujours été comme ça. Chacun prêche pour sa paroisse mais je peux le comprendre au vu des enjeux financiers très importants. Ce qui a vraiment changé, c’est qu’il y a 10 ans on arrivait quand même toujours à trouver un consensus entre présidents. On pouvait ne pas être d’accord mais j’ai l’impression qu'il y avait plus de solidarité qu’aujourd’hui. Je trouve qu’il y a moins de charisme dans les présidents actuels. Le football français doit avoir une réflexion sur ce qu’il s‘est passé depuis deux mois pour remettre les pendules à l’heure afin de pouvoir travailler tous ensemble. Il faut relativiser, ce n’est que du football."
"Il y a une décision qui a été prise au niveau du gouvernement : il faut la respecter."
A-t-on bien fait d’arrêter le championnat ?
GM : "Ce que je constate d’abord, c’est qu’il y a toujours des personnes pour parler, sans savoir ! En général ceux qui savent ils ne parlent pas. Mais dans ce cas-là, personne avait de réelles certitudes sur ce qui allait se passer. Il y a une décision qui a été prise au niveau du gouvernement : il faut la respecter. Maintenant on reproche que d'autres championnats aient repris, et pas le nôtre. Je n’aime pas les réflexions d’après-coup. C’est comme celui qui dit 'j'avais les numéros de l’EuroMillions, mais je ne les ai pas joués', cela n'a pas de valeur."
Imaginez-vous des huis clos à Lens ?
GM : "Lens a besoin de son public. J’espère qu’on va bientôt pouvoir retrouver des stades remplis. Le charme de Bollaert et sa chaleur nous aident beaucoup. Il se passe toujours quelque chose dans les tribunes. On a besoin d’un Bollaert fort. C’est essentiel pour nous. Les supporters sont là de manière indéfectible, même dans les moments difficiles."
Quel sentiment ressentez-vous, 22 ans après le titre de champion de France ?
GM : "Ça reste des souvenirs fabuleux. C’était inattendu donc c’était encore plus beau. Mais c’était logique. Malgré un début de saison compliqué, on est revenu vers les premières places très rapidement et on n'a rien lâché. On a fini en boulet de canon mais c’était une récompense incroyable. Un moment de plénitude et de joie pour le club et son environnement."
Quel est votre souvenir le plus marquant du titre ?
GM : "J’ai croisé des personnes âgées à côté du stade vers 3h du matin. Ils m’ont dit qu’ils étaient super heureux mais surtout c’était la première fois qu’ils venaient à Bollaert. C’était incroyable. Face à leur témoignage, j'avais les larmes aux yeux. Ce titre a redonné une fierté à la région, à l’environnement. Ça a apporté de la force au peuple lensois. Quand on gagne, on donne une raison d’être. Le nombre de courriers que j’ai reçu les jours, les semaines, les mois d’après, sont une grande fierté."
"Je pense que beaucoup de gens sont très contents de la montée et de nous revoir en Ligue 1."
Vous avez été 28 ans à la tête du RC Lens, que pensez-vous de la remontée du club en Ligue 1 ?
GM : "C’est une consécration après quatre années où Lens a frôlé la remontée. La première fois, à 10 minutes près on était en Ligue 1, finalement on n’a même pas terminé barragiste. L'année d’après on termine malheureusement 5e et le pire c’est quand on a été sorti au dernier match de barrages par Dijon. Cette année, c’était logique. On était devant à la trêve, et l‘arrêt des matchs. Je pense que beaucoup de gens sont très contents de la montée et de nous revoir en Ligue 1."
Est-ce que Lens peut retrouver sa gloire d’antan ?
GM : "Je l’espère du fond du cœur. Mais le football a totalement changé. Quand Nantes, Auxerre voir même lorsque le Montpellier de Louis Nicollin ont été champions, c’était encore jouable, plus maintenant. Ce sont les finances qui font le classement. Les 5 premiers, dans l’ordre ou dans le désordre, avec Paris en tête, correspondent aux 5 plus gros budgets français. De fait, c’est devenu super compliqué. Ce sport reste imprévisible. Je dis toujours que le football, c’est un film policier dont on ne connait pas la fin. C’est ce qui fait son charme. Il faut redécouvrir la Ligue 1, ce n’est pas le même championnat. Je pense que c’est plus facile de se maintenir en Ligue 1 que d’y monter. Les attentes, on en a, mais attention, il faut que l’on soit prudent."
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