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Zidane sur le banc du Real : les grands joueurs font-ils de grands entraîneurs ?

L'ancien numéro 10 des Bleus est devenu lundi entraîneur en chef de l'un des clubs les plus prestigieux au monde. Attention : de grands joueurs s'y sont cassé les dents.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Zinédine Zidane et le président du Real Madrid Florentino Perez après la conférence de presse instituant le Français entrâineur du club, lundi 4 janvier 2016 à Madrid. (GERARD JULIEN / AFP)

"Souvent, un grand joueur ne devient pas un grand entraîneur." Toujours confraternel avec les autres légendes du football, Pelé ! Celui qui est considéré comme le plus grand joueur de tous les temps n'a pas totalement tort. Alors que Zinédine Zidane a été nommé lundi 4 janvier entraîneur du Real Madrid, l'ancien numéro 10 des Bleus serait bien inspiré de potasser les exemples de ses glorieux aînés. Dont certains ont connu des gamelles monumentales. 

Platini sélectionneur, "une blague qui a bien tourné"

Michel Platini et Footix, mascotte du Mondial 98, à Paris, le 28 février 1998.  (HOUNSFIELD/SIPA / SIPA)

Le triple Ballon d'Or a raccroché les crampons depuis à peine un an quand il se voit proposer le poste de sélectionneur, le 1er novembre 1988. L'équipe de France vient de concéder un piteux match nul à Chypre. Claude Bez, président des Girondins de Bordeaux à l'époque - qu'on surnomme "Amin Dada" (sanguinaire dictateur ougandais, au pouvoir entre 1971 et 1979) dans son club - mûrit son putsch et impose Platini à l'équipe de France. Michel Platini chez les Bleus, "c'est une blague qui a bien tourné, se rappelle dans France Football Jacques Vendroux, patron du service des sports de Radio France, soupçonné d'avoir joué un rôle dans l'éviction d'Henri Michel. Platini avait la légitimité, mais il avait arrêté le foot parce qu'il en avait marre du quotidien. Il n'aurait jamais entraîné un club, ça le gonflait. Mais on était à la rue. Il a sauvé l'image de l'équipe de France, de la Fédé et de la Ligue."

L'équipe de France ne tourne plus, et les sponsors menacent de quitter le navire. Comme Coca Cola, dont un des dirigeants confie au Nouvel Observateur : "pourquoi voulez-vous qu'on finance une équipe de canassons ?" Platini joueur était flamboyant, Platini sélectioneur est ennuyeux... et joue sans meneur de jeu. Résultat : pas d'Euro 88, pas de Mondial 90, un premier tour à l'Euro 92, et un titre non-officiel de champion d'Europe des matchs amicaux. "Pour avoir été propulsé juste après ma carrière de joueur à la tête de l'équipe de France, je peux vous dire que ce n'est pas une si bonne idée", conclut Platini dans Le Parisien

Maradona entraîneur, dur de coacher des boulets

Diego Maradona lors de son passage sur le banc du Racing Club, le 14 janvier 1995. (DANIEL LUNA / AFP)

Suspendu pour dopage après son contrôle positif lors du Mondial américain de 1994, Diego Maradona commence sa carrière de coach en cinquième division argentine, dans le petit club de Mandiyu, racheté par un milliardaire soucieux de publicité. En guarani, "mandiyu" veut dire "coton", et Diego va s'y empêtrer. "Le problème c'est qu'il donnait des consignes qui étaient irréalisables pour les avants-centres. Il pensait que tout le monde pouvait faire comme lui, mais c'est impossible !", confie Ricardo Pellerano, son adjoint de l'époque, à So Foot. Bilan de l'expérience : trois mois, douze matchs, une victoire. On a d'abord accusé les joueurs, pas au niveau.

Mais d'échec en échec, il faut se rendre à l'évidence : Maradona n'est pas un très bon entraîneur. "Il dit toujours qu'on l'a amené au sommet de la montagne, mais qu'ensuite, personne ne lui a dit quoi faire", résume son ex-femme Claudia Villafane. Pas faux. Aujourd'hui, Diego est entraîneur de luxe au Deportivo Riestra, un obscur club argentin, sans pouvoir de recrutement, sur la tactique, la composition d'équipe ou le contenu des entraînements. "Sa principale fonction sera de donner une âme", explique-t-on très sérieusement au club. 

Lothar Matthaüs, un serial loser sur le banc

L'ancien joueur allemand Lothar Matthaüs avant un match Wolfsburg-Stuttgart, le 14 décembre 2013.  (RONNY HARTMANN / BONGARTS / SIPA)

C'est le joueur le plus capé en équipe d'Allemagne. Celui qui a mis Diego Maradona sous l'éteignoir en finale du Mondial 1990. Un cerveau sur le terrain... et un loser sur le banc. Quand Lothar Matthaüs raccroche les crampons, en 2000, les propositions ne se bousculent pas. Alors qu'il a l'habitude de parler de lui à la troisième personne, il fait profil bas en expliquant sa décision se rejoindre le Rapid de Vienne : "ce serait un grand honneur de se voir offrir le poste de sélectionneur de l'Allemagne un jour. Mais cette opportunité ne se présentera que si je réussis en club. Je débute au bas de l'échelle."

La marche du Rapid de Vienne est trop haute pour Matthaüs. Le club termine 8e du championnat autrichien, le pire résultat de toute son histoire. Son épitaphe est signée par le gardien Ladislav Maier, cité par le site anglais When Saturday Comes : "même la femme de ménage est contente de le voir partir." Depuis, les passages de Matthaüs sur un banc ont tourné court. A son palmarès figure surtout une note de téléphone de 2000 euros laissé à un club brésilien, qu'il a fui sans laisser d'adresse. La seule équipe allemande qu'il a coaché, c'est le Borussia Banana pour une émission de télé-réalité...

Johan Cruyff, "Pythagore en crampons"

L'entraîneur du Barça Johan Cruyff, lors de la saison 1993-1994, à Barcelone (Espagne). (MICHAEL KUNKEL / GETTY IMAGES CLASSIC)

C'est LA référence absolue. Johan Cruyff, légende de l'Ajax Amsterdam et du Barça dans les années 70 est sans conteste l'ancien joueur à avoir eu la plus grande influence sur le jeu. Avec son mentor Rinus Michels, il a inventé le football total. D'où son surnom de "Pythagore en crampons", inventé par le journaliste britannique David Miller. Quand il débute sur le banc de l'Ajax Amsterdam, en 1984, il lance une flopée de jeunes joueurs qui feront des carrières extraordinaires (Rijkaard, Gullitt, Van Basten pour ne citer que les plus connus), et deviendront bien souvent de grands entraîneurs. Sans diplôme d'entraîneur -la fédération néerlandaise lui donnera un coup de main-, il remporte la Coupe des Coupes en 1987. 

"Tout au long de ma carrière, j'ai juste essayé d'instiller ce que j'ai appris de Johan Cruyff. Personne n'a eu plus d'influence sur le football que lui, que ce soit comme joueur ou comme coach." Signé Pep Guardiola, considéré comme l'un des meilleurs entraîneurs du monde aujourd'hui, dans Marca

Beckenbauer sélectionneur, presque "un jeu d'enfant"

Franz Beckenbauer, sélectionneur de l'Allemagne, lors du match de poule du Mondial 1990 entre l'Allemagne et la Yougoslavie, à Milan, le 10 juin.  (BOGARTS / GETTY IMAGES SPORT CLASSIC)

Franz Beckenbauer, double Ballon d'Or dans les années 1970, est bombardé sélectionneur, à la fin de sa pré-retraite aux New York Cosmos, en 1984. Un article bidonné de Bild titré "Franz : 'je suis prêt", l'a bien aidé. Contrairement à la légende, Beckenbauer ne transforme pas tout de suite le plomb en or. En 1985, l'Allemagne enregistre un bilan négatif pour la première fois depuis 21 ans. "Il devait travailler avec des gens qui ne pensaient pas qu'au football, contrairement à lui, et qui avaient beaucoup moins de talent. Franz s'énervait ou sombrait dans un profond désespoir", écrit dans son livre le gardien de l'équipe Harald Schumacher, cité par le site Schwarz und Weiss

Son bilan n'en demeure pas moins exceptionnel : avec une équipe diminuée, il atteint la finale du Mondial 86. Avec une équipe en devenir, il se fait éliminer en demi-finale de l'Euro allemand, en 1988, mais par les Pays-Bas, futurs vainqueurs. En 1990, c'est la consécration : son équipe remporte le Mondial à coup de 1-0 et sur un penalty à la 85e minute en finale. "Un jeu d'enfant par rapport au Mondial 86", affirme-t-il dans une interview au Spiegel. Sur le coup, il lâche : "l'Allemagne sera imbattable plusieurs années". Il ne sera plus en poste quand la chute commencera. Plus attiré par la politique que par les joggings en survêtement, Beckenbauer devient président du Bayern en 1994. Il figure d'ailleurs toujours dans l'organigramme du club allemand. 

De quel destin s'approchera Zinedine Zidane ? Triple Ballon d'or, champion du monde 1990, Franz Beckenbauer avait confié à l'été 2014 son pronostic à France Football : "Connaissant Zidane, je le vois plus en sélectionneur qu'en entraîneur. Il y aura moins de pression et ça reflètera plus sa personnalité, car c'est quelqu'un qui ne parle pas beaucoup."

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