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Supporters tués à Hillsborough : la vérité, 23 ans après

En avril 1989, 96 fans de Liverpool mourraient écrasés dans un stade. La police met en cause l'attitude des supporters. Le mensonge a tenu plus de deux décennies.

Article rédigé par Christophe Rauzy, Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La pelouse du stade d'Anfield, à Liverpool, fin avril 1989, après la tragédie d'Hillsborough, qui a coûté la vie à 96 supporters des Reds, le 15 avril 1989. (AFP)

FOOT - Une conférence de presse dans une cathédrale. Il fallait bien ça pour enfin faire la lumière sur la tragédie d’Hillsborough : 96 personnes tuées dans un stade anglais en 1989. L’évêque anglican de Liverpool a pris la tête d’un groupe de travail pour faire toute la lumière sur cette affaire... ce qui n’avait pas été fait depuis vingt-trois ans. Jusqu’ici, les supporters étaient montrés du doigt. Le rapport indépendant publié mercredi 12 septembre démontre la responsabilité des autorités dans ce drame qui a transformé le foot anglais.

Hillsborough : l'intox en 1991, l'info en 2012

Demi-finale de la Cup entre Liverpool et Nottingham Forest sur terrain neutre, à Sheffield, le 15 avril 1989. Des supporters de Liverpool se sont entassés dans des tribunes trop petites. Y accéder relève du parcours du combattant, certains supporters devant franchir 23 tourniquets avant d’accéder à leur place. Certains, voyant qu’ils auraient du mal à accéder à leur place avant le coup d’envoi, décident d’accélérer. S’ensuit un mouvement de foule qui compresse nombre de supporters contre les grillages du stade. Résultat : 96 personnes sont mortes, beaucoup étouffées. La moitié avait moins de 21 ans. Des contre-vérités ont été ensuite avancées pour expliquer la tragédie.

1/ La police maîtrisait la situation 

FAUX Le Daily Mirror raconte une scène édifiante. Le gardien de Liverpool, Bruce Grobbelaar, a été apostrophé par les supporters. "ll y avait des gens avec le visage collé au grillage, qui me disaient : 'Bruce, aide-nous, on n’arrive pas à respirer.' J’ai demandé à une femme policier d’ouvrir les grilles. Elle m’a répondu : 'on attend l’autorisation de notre chef'." La police, mal informée, mal coordonnée, n’ouvrira les grilles que bien trop tard.

2/ Les supporters étaient ivres

FAUX Et pourtant, la police a communiqué un maximum sur l’état d’ébriété avancée des supporters de Liverpool. Notamment dans les tout premiers éléments envoyés à la Première ministre de l'époque, Margareth Thatcher, après la catastrophe. D’après le Daily Mirror, la police a même effectué des tests d’alcoolémie sur les cadavres, enfants compris. Sans rien trouver de significatif. Il n’empêche : le rapport final affirme que plus d’une centaine de rapports de police sur les décès ont été trafiqués a posteriori.

3/ Les supporters sont responsables

FAUX Quatre jours après la tragédie, le tabloïd The Sun publie en une "la vérité sur Hillsborough". Avec, à l’intérieur, des titres comme "on a fait les poches aux cadavres", "des supporters de Liverpool ont uriné sur les policiers". D’autres journaux y font écho, note le site Contrast.org, qui les a recensés (en anglais). Un tissu de mensonges propagé par la police, dénonce le rapport. Depuis, une campagne "Don’t buy the Sun" a toujours cours à Liverpool.

Vingt-trois ans plus tard, les nerfs toujours à vif

Anticipant la vague d’émotion qu’allait créer le rapport, le Premier ministre actuel, David Cameron, a rapidement présenté ses excuses aux familles des victimes. "Au nom du gouvernement, et du pays tout entier, je veux dire que je suis profondément désolé de cette double injustice, qui est restée en l'état pendant si longtemps." Cette double injustice réside, selon lui, dans les "fautes" ayant conduit aux décès des victimes, et dans la tentative des policiers de faire croire à la responsabilité des supporters.

La conférence de presse du groupe de travail indépendant sur la catastrophe de Hillsborough, dans la cathédrale de Liverpool, le 12 septembre 2012.  (PETER BYRNE / POOL)

Les hommages aux victimes ont afflué sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter. Le hashtag #JFT96  (Justice for the 96, “justice pour les 96”) a été relayé par des milliers d’utilisateurs, dont Joey Barton, le bad boy du foot anglais, originaire de Liverpool et récemment prêté à Marseille.


Preuve que l’hommage est général, des fans d’Everton, l’autre club de la ville, rival historique du Liverpool FC, ont également témoigné de leur émotion. Comme le relaie un journaliste sportif sur Twitter, la boutique officielle du club d’Everton a affiché, mercredi, son soutien à la cause des 96.

Au-delà des hommages, c’est surtout la colère qui domine chez les habitants de Liverpool. Beaucoup ne comprennent pas comment la vérité sur ce drame a pu être si longtemps cachée et détournée. A l’image de Wayne Rooney, natif de la ville, certains demandent des comptes aux responsables.

Les supporters et les joueurs de Liverpool sont toujours marqués par la catastrophe. Ici, une minute de silence, le 7 avril 2012, à Liverpool.  (BEN STANSALL / AFP)

Pourtant, il n'y a pas eu de procès, pas de punis. L'éditeur du Sun a reconnu avoir menti, la police aussi, mais ni le gouvernement, ni la justice n'ont sévi. La conséquence la plus visible d'Hillsborough, c'est le rapport Taylor, commandé par Margaret Thatcher après le drame. Un rapport qui éradiqua le hooliganisme dans les stades anglais en y prônant une vigoureuse hausse des prix et la fin des tribunes debout. Dommage collatéral, c'est aussi la fin d'un foot anglais où les supporters étaient issus de la classe ouvrière. A cause de la gentryfication du public, la working class regarde désormais les rencontres au pub.

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