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La violence fait-elle partie de l’ADN du PSG ?

Les débordements lors de la célébration du titre de champion ont rappelé aux Parisiens que leur club avait une histoire émaillée d'épisodes violents. Une fatalité ?

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des gendarmes mobiles tentent de contenir des supporters du PSG, lors de la cérémonie de remise du titre de champion de France à l'équipe, émaillée de violences, lundi 13 mai 2013, au Trocadéro, à Paris. (FRANCK FIFE / AFP)

Si le Paris Saint-Germain avait choisi le décor du Trocadéro pour être sacré champion de France lundi 13 mai, c'était pour brandir le trophée avec la tour Eiffel en toile de fond. L'image, diffusée partout dans le monde, aurait offert une parfaite campagne marketing au club. Sauf que les dirigeants qataris ont oublié un ingrédient de la recette PSG : la violence, qui lui colle au maillot depuis plus de trente ans. Affrontements et dégradations ont émaillé cette soirée de fête, qui a tourné au fiasco. Un penchant pour les débordements que les dirigeants croyaient pourtant avoir éradiqué. Ce mal fait-il partie du code génétique du club de la capitale ?

Oui, car la liste des débordements est longue

C'est en 1976, six ans seulement après la naissance du club de foot, que le PSG rencontre vraiment la violence par l'intermédiaire de ses supporters. Influencé par les hooligans de Liverpool, le Kop K, qui deviendra par la suite le Kop de Boulogne (KoB), voit le jour. Ces "ultras" entament une longue liste d'affrontements avec leurs adversaires : en 1989, face aux Italiens de la Juventus ; en 1991, face à Toulon ; et surtout en 1993, à Marseille, puis contre Caen, au Parc des Princes, où des CRS sont roués de coups par les hooligans. Ces violentes images vont tourner en boucle à la télévision.

Face aux heurts, les autorités et le PSG multiplient alors les décisions répressives : interpellations en masse, surveillance vidéo, interdictions de stade. Rien n'y fait. En 2000, un supporter marseillais est paralysé à vie après avoir reçu un siège en béton sur la tête. En 2006, contre Tel Aviv, un policier en état de légitime défense tire sur des supporters du PSG, tuant l'un d'eux. 

En février 2010, un point de non-retour est atteint lors d'une rixe entre des habitués de la tribune Auteuil et des fidèles de la tribune Boulogne : un supporter est tué à mains nues, comme le raconte à l'époque Le Parisien. C'est le drame de trop. Les associations de supporters sont dissoutes et Robin Leproux, alors président du club, met en place le plan Tous PSG : il oblige le placement aléatoire dans les virages, qui empêche les regroupements de supporters. Les familles reviennent garnir le stade, où la violence est éradiquée, comme l'explique Le Monde.

Lundi pourtant, elle a refait surface à quelques kilomètres seulement du Parc. Signe que "le football, notamment le football à Paris, est malade", selon le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, interrogé mardi sur les incidents du Trocadéro.

DLTFTV_MAM_3162597 (FRANCETV INFO / LCP)

Oui, car même chassés du Parc, les ultras résistent

Face aux mesures radicales adoptées, les associations de supporters historiques boycottent aujourd'hui leur propre stade. Malgré les obstacles imposés par le club et détaillés par Rue89, les ultras effectuent toujours des déplacements dans le sillage de l'équipe, au cours desquels la violence persiste, comme à Barcelone le 9 avril, d'après Le Parisien. La colère de ces associations est surtout dirigée contre ces mesures qui les empêchent de remplir leur rôle favori : assurer l'ambiance au Parc des Princes, où les chants ont parfois été remplacés par les sifflets de néophytes, comme lors du dernier PSG-OM. Certains ont beau préférer se tourner vers les tribunes du handball, le Parc leur manque trop.

Des supporters parisiens manifestent contre le plan Leproux, qui prive de Parc des Princes 13 000 ultras, selon eux, le 13 mars 2013, à Paris. ( MAXPPP)

Les débordements du Trocadéro du 13 mai sont d'ailleurs nés d'un mouvement initié par d'anciens supporters de la tribune Auteuil. Banderole à l'appui, ils sont venus réclamer la "liberté pour les ultras" et hurler leur rejet du plan Leproux, avant que les affrontements avec les forces de l'ordre surviennent. S'ils étaient présents au Trocadéro, c'était pour se faire entendre, comme ils l'affirment sur le site Canal Supporters. Fabien Cazeneuve, fan qui s'exprime sur L'Express.fr, relaie leur message : seules les associations peuvent contenir la violence des tribunes et établir un dialogue préventif avec le club et les autorités. 

Aujourd'hui, ces espoirs de dialogue semblent bien loin, comme le regrette Jérôme, administrateur du site lamemoiredupsg.fr, contacté par francetv info : "Dans l'opinion publique, désormais, ce sont les supporters parisiens qui ont attaqué des civils, brisé des vitrines et des voitures." La prochaine manifestation des ultras parisiens, prévue dimanche 19 mai aux abords du Parc des Princes, a été annulée par la préfecture. Or cette communication rompue est source de radicalisation supplémentaire, selon Anthony Cerveaux, journaliste spécialisé dans les mouvements ultras.

PSG : "Le refus de dialogue va radicaliser les supporters" (Francetv info)

Oui, car le club aussi est sur les nerfs

Depuis qu'il a changé de propriétaire, le PSG a également changé d'ambitions. Le club de la capitale veut régner sans partage, et à grands coups de millions, sur le foot français, avant de dominer l'Europe. Ces objectifs ont mis sur l'équipe une pression énorme, qui s'est cristallisée dès le début de saison lors de la présentation mouvementée de Zlatan Ibrahimovic, devant la tour Eiffel déjà.

Autre symptôme, le malaise de Leonardo, survenu lundi, ou encore la très grande nervosité des joueurs et des dirigeants cette saison. Impatient, prompt à crier à l'injustice, le club de la capitale a fait monter la tension chez ses supporters les plus fervents. Après 19 saisons sans trophée de champion, un sentiment de grande délivrance a pu amplifier les ardeurs, au moment de fêter le titre.

Non, car la majorité des supporters sont pacifiques

Le plan Leproux est peut-être montré du doigt par les ultras, il n'en a pas moins permis un réel changement au Parc des Princes. On a vu revenir les enfants, les femmes, et une ambiance cordiale dans le stade. En décembre dernier, Guy, supporter historique du PSG interrogé par Libération, enviait ses enfants, qui fréquentent l'enceinte depuis peu : "Ils ont de la chance, ils découvrent le Parc sans haine et voient des grands joueurs." L'augmentation du prix des places et des abonnements n'a pas vidé les tribunes, bien au contraire. D'après la Ligue de football professionnel, le Parc des Princes reste le stade français qui attire le plus cette saison, avec 43 142 spectateurs en moyenne par match, et un taux de remplissage de 91%.

Au Trocadéro, les fans pacifiques étaient l’immense majorité, comme en témoignent de nombreux supporters sur Twitter, agacés par les débordements provoqués par les ultras.

La présence de plus en plus forte de ces fans, surnommés ironiquement les lynx par les ultras, en référence à la mascotte du nouveau PSG, va contribuer au changement d'image voulu par le club. Cependant, il faudra d'abord que tous les acteurs règlent, une bonne fois pour toute, le problème de la violence. Car si la question des casseurs, qui infiltrent et menacent n'importe quel rassemblement à Paris, est réelle, il est évident que les ultras, les autorités et les dirigeants parisiens partagent la responsabilité des débordements du Trocadéro. Ces violences sont une confrontation mal maîtrisée entre le passé, violent et instable, et le futur, riche et parfois aseptisé, du PSG.

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