Liverpool : Jürgen Klopp, la revanche du "beautiful loser"
Ne l'appelez plus jamais le perdant. Jeudi soir, Jürgen Klopp est devenu, avec son équipe de Liverpool, champion d'Angleterre, la juste récompense d'une saison quasi parfaite. Ce n'est pas la première fois que l'entraîneur allemand remporte un championnat national. Son doublé retentissant avec le Borussia Dortmund en 2011 et 2012 avait sonné comme une pause au milieu de l'hégémonie du Bayern Munich. Mais au fil des années et des revers à deux doigts d'un trophée de grande ampleur, le technicien de 53 ans s'était forgé une réputation de loser. Ses derniers mois sont venus gommer un quolibet un rien injustement adressé à celui désormais prophète, aussi, dans "son" pays.
Car si ces deux dernières années ont été marquées du sceau des Reds et de leur tête pensante; comme Liverpool, le nom de Jürgen Klopp était régulièrement associé à celui de défaites dans les grands rendez-vous dans un passé récent. Il avait beau s'être fait un nom avec le BVB, l'ancien joueur restait aux yeux de beaucoup d'observateurs comme un bon entraîneur, incapable de faire le grand saut dans la caste des meilleurs de son temps. Adulé par les fans, adoré de ses joueurs et des médias, Jürgen Klopp avait tout pour lui : une personnalité charismatique et un jeu chatoyant. Il ne lui manquait qu'une seule chose, la plus importante : le succès.
Dauphin sept fois en huit ans
Après les deux titres du Borussia en Bundesliga, Klopp se fixe un nouvel objectif en 2013, décrocher la Ligue des champions. Il s'en approchera de très près, avant qu'Arjen Robben n'offre la Coupe aux grandes oreilles au Bayern Munich à la 89e minute. Le début d'une série invraisemblable de places de dauphin, en Allemagne comme en Angleterre. En huit ans, Klopp termine deuxième d'une compétition à sept reprises. Dès son arrivée sur les bords de la Mersey en 2015, sa passion et sa volonté d'avoir une équipe joueuse font de ses débuts à Liverpool une réussite. Ses failles dans les moments décisifs ont même semblé envolées quand ses Scousers réussissent l'exploit de renverser son ancienne formation de Dortmund en demi-finale de la Ligue Europa, après avoir été mené 1-3 à l'heure de jeu (4-3, score final). La suite ? Une défaite 3-1 en finale contre le FC Séville malgré l'ouverture du score.
Le souvenir de Séville, et plus encore, celui du titre de champion d'Angleterre qu'ils ont laissé s'échapper en 2014 hante les Reds. L'Allemand se fait alors la promesse de leur offrir un trophée d'ici à 2019. Patiemment, et à grands coups de transferts retentissants, Klopp a pu façonner son Liverpool. Il construit pierre par pierre sa colonne vertébrale. Mané arrive en 2016, Robertson et Salah à l'été 2017, van Dijk quelques mois plus tard lors du mercato hivernal, puis Alisson, Keïta et Fabinho en 2018. Cette foule de bon choix n'a pour seul but que de tenir son engagement auprès des supporters et enfin faire mentir cette mauvaise image. Celle-ci lui colle pourtant à la peau quand en 2018, le gardien Loris Karius commet deux énormes erreurs en finale de la Ligue des champions, offrant le triplé continental au Real Madrid.
Le déclic du Barça
Les Reds ne cessent pourtant de progresser sous les ordres de Klopp. Son exigence mêlée à sa proximité avec ses joueurs fait merveille dans le vestiaire. Les renforts successifs font de l'équipe liverpuldienne une des plus agréables à voir évoluer. Mais les sourires et les belles prestations ne suffisant même pas la saison passée en Premier League face à Manchester City. Avec 97 points, Liverpool dépasse pourtant l'ancien record de points inscrits en une saison en championnat d'Angleterre. Mais finit à une unité des Cityzens, sacrés champions.
La délivrance viendra finalement d'une nuit magique à Anfield, le genre de match irrationnel qui fait la beauté du sport et construit des destins. Battu 3-0 en demi-finale aller de la C1 2018-2019 par le FC Barcelone, Liverpool doit renverser l'ogre catalan sans Mohamed Salah et Roberto Firmino. Mais Klopp trouve les bons mots pour galvaniser les siens et faire chavirer le Barça. L'habituel remplaçant Divock Origi signe un doublé. Georginio Wijnaldum rentre à la pause et inscrit lui aussi deux buts. L'impossible se produit pourtant, et Klopp peut exulter. Contre Tottenham en finale, Liverpool ne laisse pas passer son opportunité d'offrir la Ligue des champions à leur coach, ce phénomène tactique à la personnalité rare dans le milieu. Ce loser magnifique qui ne le méritait pas.
Dès lors, la machine rouge s'est transformée en rouleau compresseur dans l'Albion. Sa quête de la saison parfaite en championnat, Liverpool l'a peut-être payée sur la scène européenne, où l'Atlético Madrid l'a fait tomber de son trône à la surprise générale. Mais après 30 ans de sevrage, les Reds sont de nouveau champions d'Angleterre, ce à sept journées de la fin. Et Klopp a garni de quatre trophées supplémentaires son palmarès en à peine 13 mois. Le genre de loser qui ne fait plus que gagner.
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