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Football : avec de nouvelles sommes record dépensées en janvier, la Premier League dicte plus que jamais sa loi lors du mercato

Les clubs de Premier League ont battu, en janvier, le record de dépenses lors d’un mercato hivernal, avec près de 920 millions d’euros d’investis dans le recrutement de nouveaux joueurs.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
L'Ukrainien Mykhailo Mudryk, arrivé cet hiver à Chelsea, a disputé ses premières minutes en Premier League, le 21 janvier face à Liverpool. (PETER POWELL / EPA)

On les savait dépensiers, mais cet hiver, les clubs anglais ont encore battu des records. Si tous ont cherché à renforcer leur effectif, le club de Chelsea a cassé le plafond, dépensant près de 330 millions d’euros en janvier, soit plus que tous les clubs de Ligue 1, Bundesliga, Liga et Serie A réunis. Forts d’une puissance financière sans pareille en Europe, les clubs de Premier League, y compris les plus mal classés, assomment la concurrence des autres clubs européens pour s’offrir les meilleurs talents et rendre leur championnat toujours plus attractif.

Il a préféré rejoindre Wolverhampton, 17e de Premier League, à la lutte pour le maintien, plutôt que Lyon, club aux ambitions européennes, bien que mises à mal cette saison. La nouvelle recrue des Wolves, le Brésilien Joao Gomes, illustre parfaitement la concurrence exercée par l’ensemble des clubs anglais aux autres formations européennes. En cumulant les deux marchés de la saison, été comme hiver, les clubs de Premier League ont déboursé 3,1 milliards d’euros, selon une étude du cabinet britannique Deloitte, et les cadors du championnat ne sont pas les seuls dépensiers.

D’après des chiffres du site spécialisé Transfermarkt, la lanterne rouge, Southampton, a déboursé plus de 63 millions d’euros pour s’attacher les services de cinq nouveaux joueurs, dont 25 pour l’ancien Rennais, Kamaldeen Sulemana. "Les périodes post-Coupe du monde sont souvent des moments où l’on recrute énormément, parce que la compétition a permis à des joueurs de se mettre en valeur et aux clubs de mettre en place des stratégies de recrutement. D’habitude on voit ça l’été, mais là, ça tombe en janvier, et ça peut expliquer certains mouvements de ce mercato", estime Loïc Ravenel, cofondateur de l’Observatoire du football du Centre international d’étude du sport (CIES).  

Des droits TV inégalés et partagés

Avec 815 millions de livres, soit quelque 920 millions d’euros, le championnat anglais a pratiquement doublé le précédent record de dépenses lors d’un mercato hivernal, établi en 2017-2018 (489 millions d’euros). "La Premier League est le championnat qui concentre le plus de richesses depuis plusieurs années, car il est le championnat le plus diffusé, et qui a les droits TV domestiques et internationaux les plus élevés. Ils ont réussi à monnayer leur spectacle", ajoute Loïc Ravenel.

Ces droits TV, qui s’élevaient à 3,5 milliards d’euros sur la saison 2021-2022, contre 687 millions d’euros pour la Ligue 1, sont assez équitablement répartis entre les 20 formations du championnat. "Il y a un effet d’entraînement, avec une redistribution très forte des droits TV, qui permet au dernier du championnat de recevoir une manne financière importante. En exagérant un peu, presque tous les clubs anglais sont dans la position du PSG en termes financiers", poursuit le scientifique.

Agent de joueurs, Bruno Satin est aux premières loges pour assister à cette course à l’armement des clubs anglais. "Pour toucher les revenus générés par la Premier League, il faut y rester, donc quand les clubs peuvent intervenir sur la qualité de leur effectif pour viser le maintien, ils sont actifs sur le mercato. Même le moins bon club touche 200 millions d’euros de revenus, alors qu’en France, le dernier touche plutôt 20 millions d’euros", explique-t-il.

Cette puissance financière donne le pouvoir à la Premier League de déterminer la suite du marché des transferts. "Ca arrive tout le temps que des clubs attendent d’avoir vendu en Angleterre pour finaliser une opération avec l’un de mes joueurs", témoigne Bruno Satin. "La Premier League est en quelque sorte devenue le donneur d’ordres". 

"Quand vous avez l’intérêt d’un club anglais, vous savez que l’argent ne sera pas un problème"

Avec cette manne financière, les clubs de Premier League auraient-ils tendance à payer certains joueurs plus chers que leur valeur estimée ? "Pour un joueur du même âge, de la même nationalité, avec une durée de contrat et un talent similaire, le fait d’être recruté par un club anglais fait augmenter la valeur", répond le scientifique, qui a travaillé sur des modèles de valorisation financière des joueurs. Régulièrement assis à la table des négociations, Bruno Satin confirme : "Quand vous avez l’intérêt d’un club anglais, vous savez que l’argent ne sera pas un problème. Vous savez que vous avez une marge de manœuvre financière dans les négociations". Dernière preuve en date : le transfert le plus onéreux de l'histoire de la Premier League avec l'arrivée d'Enzo Fernandez à Chelsea.

Une situation favorable pour les clubs vendeurs, les joueurs, et leurs agents qui touchent des commissions, mais qui peut poser problème par la suite si le footballeur se retrouve en difficulté en Premier League. "S’il veut faire le chemin inverse pour revenir vers un club français, allemand ou italien, il faut savoir qu’ils ne pourront pas s’aligner sur le même niveau de salaire. Si on veut éviter cette aspiration du talent sportif par la Premier League, il n’y a que par le biais d’une régulation, sur un nombre limité de transferts par exemple, que cela pourrait fonctionner", argumente Christophe Lepetit, économiste du sport au Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges.

Le fair-play financier, une régulation qui pose question

Une régulation, c’est ce qu’a tenté d’imposer l’UEFA, en instaurant la règle du fair-play financier, pour les clubs qualifiés en coupes d’Europe. Depuis 2013, ils ne doivent en principe pas dépenser plus qu’ils ne gagnent, mais ces règles vont aller en s’assouplissant dans les années à venir, puisque la perte cumulée autorisée par l’UEFA sur trois exercices va passer de 30 à 60 millions d’euros à partir de la saison prochaine, voire 90 millions d’euros si le club est jugé financièrement sain par les instances.

Pour s’adapter à ces règles, le club de Chelsea a notamment proposé des contrats de très longue durée, entre 7 et 8 ans, à certains des joueurs qu’il a recrutés cet hiver. "Ces indemnités de transfert ne s’enregistrent pas sur l’année, mais elles s’étalent en amortissement sur la durée du contrat. Cela permet à Chelsea d’étaler les charges des transferts réalisés", explique Christophe Lepetit. Les clubs anglais qui ne participent pas aux coupes d’Europe et ne sont pas soumis au fair-play financier vont pouvoir, eux, continuer à débourser des sommes astronomiques et concurrencer le reste des clubs européens pour attirer les meilleurs talents.

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