Ça s'est passé le 7 mai 2006, Arsenal disait adieu à Highbury
A son propos, celui qui lui a donné ses plus belles lettres de noblesse a dit une dernière fois avant de le quitter : "Il y a quelque chose ici qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, peu importe où vous allez. C’est un stade spécial, avec une histoire particulière." Lors du discours d’adieu à Highbury le 7 mai 2006, Arsène Wenger a rendu un dernier hommage à l’antre mythique et mystique d’Arsenal.
Un adieu déchirant à un stade, sanctifié par une victoire 4-2 face à Wigan, après presque un siècle à faire du Woolwich Arsenal un des clubs les plus respectés de la Perfide Albion. Créé en 1913 pour subvenir à l’étroitesse du Manor Ground, dans le sud de Londres, Highbury Stadium a pris ses quartiers dans le "borough" (quartier) éponyme, situé au nord de la capitale. Encerclé hier comme aujourd'hui par des maisons victoriennes en briques roussies et les espaces verts venteux d’Highbury Fields.
Semblable et unique
Premier stade britannique à accueillir un match retransmis en direct à la radio en 1922, premier stade à être filmé en direct en 1937, "The Home of Football" a longtemps eu des allures de pionnier. Alors qu’il comptait environ 23 000 personnes de moyenne à ses débuts avant rénovation (jusqu'à 38 000 à sa disparition), Highbury a même étouffé le temps de 90 minutes : lors de la réception de Sunderland en 1935, les murs s’écartent pour laisser entrer 73 000 personnes, à une époque où aucune norme de sécurité n’était encore prévue.
A l’initiative d’Archibald Leitch, également édificateur de White Hart Lane (ancien stade de Tottenham), de Stamford Bridge (Chelsea), d'Anfield (Liverpool) et même d'Old Trafford (Manchester United), Highbury empruntait l’architecture de l’époque. Son extérieur, orné d’un canon - l’emblème des Gunners - et de longues fenêtres rouges en enfilade suintait l’art-déco du début du XXe siècle. A l’intérieur, Highbury ressemblait à n’importe quel stade anglais, mais aucun stade anglais ne ressemble à un autre. Ses tribunes carrées, en tôle grise, sa mythique "Clock End", horloge placée au dessus d’un des buts... Tout contribuait à lui conférer son incurable sceau de stade à l'anglaise.
La fin d'une ère
Ce 7 mai 2006, Highbury a une dernière fois ouvert ses bras à ses Gooners, supporters d'un Arsenal chevillé au corps issus de ce quartier d’Islington. Signe que l’histoire ne souhaitait pas s’éloigner de son carré d’herbe, l’Emirates Stadium, future enceinte, était visible des tribunes, à seulement quelques centaines de mètres. Une ouverture du score de Robert Pirès, une bourde de Jens Lehmann sur coup franc et un triplé d’un Thierry Henry embrasé pour dire au revoir.
Sur sa dernière réalisation, l’homme aux 226 buts avec Gunners ne s’y trompe pas : il embrasse ce carré vert, comme pour signifier un adieu et un attachement indéfectible à la pelouse qui l’a exalté autant qu’il l'a magnifiée pendant sept années. Un défilé de légendes du club, des joueurs en extase devant les chants, un compte à rebours avant des feux d'artifice, et Highbury s'en est allé. "Je crois que Highbury avait un esprit spécial. C'est une cathédrale, une église. On pouvait sentir l'âme de tous les gars qui y jouaient", expliquait Arsène Wenger.
Pourquoi partir alors ? Comme pour son déménagement en 1913, Highbury était devenu trop petit. Trop petit pour le vorace Arsenal du milieu des années 2000. Le projet d’une rénovation enterré, le board a dû faire son deuil le premier avant de faire sortir de terre l’Emirates Stadium. "C’est triste, mais on doit le voir comme une chenille qui va devenir un papillon. Il faut plutôt le voir comme l’aube d’une nouvelle ère plutôt que la mort d’un stade.", prophétisait un "Gooner" juste avant le crépuscule d’Highbury.
Que reste-il d’Highbury aujourd’hui ? Un complexe d’appartements de luxe a conservé la forme rectangulaire du stade. La façade surplombée du "Arsenal Stadium" est d’ailleurs encore visible depuis Avenell Road. Les Cannoniers ont, eux, déménagé de l’autre côté de "Arsenal Station", la station du métro rebaptisée. Avec un contrat de naming évalué à plus de 100 millions de livres (120 millions d’euros) sur une quinzaine d'année, Wenger et Arsenal avaient fait le choix cruel mais rationnel de condamner Highbury pour voir plus grand. Mais aucun des 38 000 spectateurs présents ce 7 mai 2006, ni aucun des joueurs ayant foulé cette pelouse, ne pourront oublier l’atmosphère unique qui galvanisait joueurs et supporters dans ce microcosme de fureur rouge et blanche.
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