Cet article date de plus d'onze ans.

Monaco contre la France du foot : les histoires fiscales finissent mal, en général

La Fédération française de foot essaye de convaincre l'AS Monaco de renoncer à ses  avantages fiscaux. Une partie loin d'être gagnée...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'attaquant de l'AS Monaco Lucas Ocampos lors du match opposant son équipe à Valenciennes, le 26 septembre 2012, au stade Louis-II, à Monaco.  (VALERY HACHE / AFP)

Qui veut la peau de l'AS Monaco (ASM) ? Le club de la principauté, qui va sans doute remonter en Ligue 1 à la fin de la saison, sort la grosse artillerie contre les instances du foot français.

Tout commence quand les présidents de clubs votent, en mars, l'obligation d'installer le siège social des équipes évoluant dans les championnats français de Ligue 1 et de Ligue 2 sur le territoire français. Une mesure qui ne concerne que l'AS Monaco. Ce dernier ne paie pas d'impôt sur les sociétés, et les joueurs non-français de son effectif sont exemptés d'impôt sur le revenu. Ce qui le rend très attractif. L'ASM se drape dans son bon droit, rappelant la convention fiscale signée entre les deux pays en 1963. La FFF propose alors un arrangement financier à 200 millions sur sept ans. L'ASM se cabre de nouveau et menace d'aller au tribunal, dimanche 5 mai. Ça va mal finir, c'est certain.

Dans le passé, ça n'a jamais rien donné

Tous les dix ans environ, une campagne est organisée par des politiques ou des présidents de club, sur le bien-fondé des impôts à prix d'ami payés par le club monégasque. En 1958, relève le blog Une autre histoire du foot, un sénateur avait regretté que l'ASM puisse représenter la France en coupe d'Europe. En vain.

En 2003, Christophe Bouchet, alors président de l'OM, et Jean-Michel Aulas, son homologue à Lyon, avaient mené la fronde. En vain une fois de plus, même s'ils avaient obtenu, quelques années plus tard, la création du Droit à l'image collective (DIC). Ce mécanisme permettait de verser jusqu'à 30% du salaire d'un joueur sans payer d'impôt. Après son abrogation, en 2010, puis l'arrivée de l'épouvantail de la taxe à 75%, la question monégasque revient comme par hasard sur le tapis. 

"Avant l'arrêt Bosman (1995), les clubs français étaient obligés de faire jouer huit joueurs français sur le terrain. L'accord fiscal [de 1963] suffisait largement, analyse Christophe Bouchet, contacté par francetv info. La convention fiscale suffisait largement à maintenir l'équitéMais maintenant que chaque club peut aligner librement autant de joueurs de tous les pays du monde, le problème est criant. C'est le même qu'en 2003, mais la taxe à 75% va accentuer le différentiel entre Monaco et les autres clubs de L1, de même que l'arrivée du milliardaire russe Dmitry Rybolovlev à la tête de l'équipe."

Les négociations vont mal finir

"On aurait pu lancer une négociation habile, amicale, discrète, qui aurait abouti à un accord à l'heure actuelle, regrette Christophe Bouchet. Au lieu de ça, on a mis le sujet sur la table de façon bravache. Les Monégasques sont remontés, et ils ont des arguments solides à faire valoir." La perspective d'un dénouement sanglant en justice fait frémir tout le monde. A commencer par les présidents des gros clubs, qui mettent le holà, comme Jean-Michel Aulas : "Nous pourrions être attaqués juridiquement par Monaco, ce qui pourrait nous coûter très cher." Un avocat spécialisé, interrogé dans Nice-Matin, affirme que l'ASM a le droit européen pour lui. A la FFF, on réfléchit à des contre-mesures, comme la possibilité de ne pas verser au club ses droits télé, ou de le contraindre à recruter des joueurs français.

Le championnat ne va pas non plus sortir grandi de cet affrontement. "Alors qu'en Espagne, on privilégie le fait d'avoir des grands clubs, en France, on préfère un championnat égalitaire, analyse Jacques Saurel, spécialiste de la fiscalité du football, interrogé par francetv info. La "passion française de l'égalité", chère au penseur Alexis de Tocqueville, a fait des émules chez les présidents de L1. "La Ligue 2 est composée de nombreuses équipes de L1, des historiques du championnat de France, tandis qu'en L1, on trouve des clubs habitués à la L2. Ça ne peut faire qu'un petit championnat."

Les combines fiscales seront toujours les plus fortes

Et même en admettant que la FFF parvienne à ses fins et que Monaco localise son siège social en France, rien ne dit que son pouvoir d'attraction diminuera. "Les clubs ont toujours la possibilité de faire verser le salaire des joueurs par plusieurs entités, explique Jacques Saurel. Imaginons que l'AS Monaco recrute un joueur étranger. Elle peut lui payer 100 000 euros au titre de son activité footballistique, qui seront fiscalisés, mais une société monégasque peut lui verser 80 000 euros en droit d'image, qui eux échapperont à l'impôt. Monaco peut rester un paradis fiscal du foot."

N'allez pas croire que la France est une exception. Le Pays basque espagnol bénéfice également d'un régime fiscal spécial, ce qui a empêché le FC Barcelone de recruter le milieu de l'Athletic Bilbao Javi Martinez. En Catalogne, les taxes sur le salaire sont deux fois plus élevées... Pire encore outre-Atlantique : Ryan Losi, avocat fiscaliste qui conseille 70 sportifs aux Etats-Unis, explique à Bankrate.com relayé par Yahoo! Finance (en anglais) : "Les joueurs de foot américain doivent composer avec 10 à 12 fiscalités différentes, les joueurs de NBA, entre 16 et 20, et les joueurs de base-ball, entre 20 et 26." Ainsi, le quaterback de l'équipe de foot américain de New York, Eli Manning, habite à Hoboken, dans le New Jersey, séparé de Manhattan par l'Hudson River. A 500 mètres près, il économise 5 points d'imposition sur son salaire.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.