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Mascottes de l'Euro : pourquoi tant de haine ?

Une mascotte, c'est moche. Une mascotte dessinée par une firme américaine pour vendre des peluches et des tongs, c'est encore pire. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Slavko et Slavek, mascottes un peu fades de l'Euro 2012, le 17 novembre 2010 à Genève. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Voilà dix jours que l'Euro en Ukraine et en Pologne a commencé. Vous n'avez pas pu rater la vidéo de présentation très fleurie des matchs de la compétition, la chanson entêtante d'Oceana, une vedette locale avec son "oh-oh-oh-oh-oh", mais les deux mascottes de l'évènement, Slavek et Slavko, ont été mises sous le boisseau. Un rejet inversement proportionnel à l'argent généré par ces humanoïdes aux cheveux raides. FTVi fait le point sur un business florissant... ou pas.

La mascotte, une affaire trop sérieuse pour être confiée à des footballeurs

Tout a commencé un matin de 1965, quand on a demandé à l'artiste qui illustrait Le Club des Cinq et Jojo Lapin outre-Manche de trouver un animal sympathique pour représenter la Coupe du monde qui allait se dérouler au pays de sa Gracieuse Majesté, raconte la BBC (lien en anglais). "World Cup Willie" était né, et avec lui la tradition des mascottes et des produits dérivés.

Le fils du créateur de la mascotte de la Coupe du monde 1966 avec des peluches "World Cup Willie", en février 1966. (JOHN PRATT / HULTON ARCHIVE / GETTY IMAGES)

Oubliez les temps bénis de la mascotte italienne en forme de Pinocchio de l'Euro 1980, de Péno, ancêtre brouillon et oublié de Footix pour l'Euro français de 1984, de Berni, le lapin allemand de l'Euro 88 (sachant que l'animal associé à l'Allemagne est traditionnellement un ours et que le nom de la mascotte fait référence à la finale du Mondial 54, à Berne, remportée par miracle par des joueurs de la RFA dopés comme des chevaux), Rabbit, le lapin suédois de l'Euro 92 dont le nom n'est pas un chef-d'œuvre d'originalité, Goaliath, le lion de l'Euro 96 en Angleterre (vous aurez noté l'habile jeu de mots), Benelucky le diable/lion bicolore censé porter bonheur aux équipes de l'Euro 2000 organisé aux Pays-Bas et en Belgique et Kinas, un personnage d'une BD locale pour l'Euro portugais de 2004.

Les choses se sont professionnalisées quand l'UEFA a confié à la Warner Bros, qui commercialisait déjà la mascotte en 2004, le soin de créer de toutes pièces les personnages incarnant la compétition. Trix et Flix, les deux garçons représentant l'Euro 2008 en Suisse et Autriche, ont ainsi nécessité "six mois de travail". Plus de clichés nationaux maladroits si ce n'est une chevelure hérissée rappelant les montagnes des pays alpins, la mascotte est devenue un produit qui doit faire vendre, donc plaire au plus grand nombre, donc paraître un peu aseptisé. 

Les effigies en bois de Trix et Flix, mascottes de l'Euro 2008, devant la frontière suisse près de Locarno, le 3 juin 2008. (PETER KNEFFEL / DPA)

Quand le divertissement et le marketing éclipsent l'évènement

"Le football est devenu bien plus qu'un simple sport - c'est devenu un divertissement. Nos mascottes veilleront à apporter leur valeur ajoutée sur ce plan", déclarait le vice-président de Warner Bros sur le site de l'UEFA en 2008. Le but de la société n'est pas de représenter au mieux un pays, mais de faire de l'argent : Warner a commercialisé 1 500 produits dérivés en 2004, 3 000 en 2008, avec un chiffre d'affaires qui augmente de 30% à chaque édition et l'objectif d'atteindre 300 millions d'euros cette année, d'après le site de la société de production. 

Lors de l'Euro 2008, le responsable de l'organisation a bien senti que les deux mascottes avaient un déficit de légitimité et a tenté de justifier leur présence par des phrases grandiloquentes du type : "Trix et Flix prendront une part importante de la compréhension de l'évènement." Le marketing a même cherché à donner une personnalité à Trix différente de celle de Flix, mais on n'est pas obligé de le croire. Les consommateurs, eux, n'ont pas été convaincus puisque, raconte la Deutsche Welle dans un reportage (lien en anglais), les commerçants ont dû brader leur stock de Trix et Flix, massivement boudés. On trouve toujours sur certains sites marchands des statues de Trix et Flix d'1,60m de haut. 

Les mascottes de l'Euro 2012 présentées dans une boutique de l'aéroport de Kiev Boryspil, le 28 mai 2012.  (SERGEI SUPINSKY / AFP)

Cherche ancrage local désespérément

Comme en 2008, les deux mascottes de 2012 ne suscitent pas l'adhésion dans les pays organisateurs. Surtout en Pologne. La lettre "v" n'existe pas en polonais ? Peu importe. On aurait dit "Slawek" (avec un S barré) en polonais plutôt que "Slavek" ? Détail ! Les deux mascottes ressemblent un peu à l'échec commercial "Trix et Flix" ? Pas grave. A la rigueur, on remarque que Slavko a une ceinture et un col typiques de l'Ukraine, alors que Slavek... n'a rien de spécifiquement polonais.

De l'avis général, leur regard dans le vide n'aide pas à les rendre sympathiques. La présidente de l'association Ukrainian Heritage trouve qu"ils ont l'air de trisomiques" quand le patron du Musée national du jouet de Kiev pense que les peluches des deux mascottes seront plutôt achetées par des adultes que par des enfants. L'hebdo autrichien Kurier parle, lui, de "deux trolls sous LSD" (lien en allemand). Bref, un accueil mitigé.

Conclusion des supporters ukrainiens et polonais, sur le site spécialisé The Football Ramble (lien en anglais) : "On aurait dû en faire des hooligans et les appeler Vino et Vodka, pour être vraiment représentatifs des deux pays !"

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