Le TAS donne raison à Manchester City qui pourra jouer en Ligue des champions
Depuis son instauration par l'UEFA sous la présidence de Michel Platini, le fair-play financier (FPF) ne cesse de faire parler de lui. Vanté comme un outil censé aider les clubs dans la gestion de leurs comptes - à l'image de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) qui existe depuis 1984 en France - il est bien plus souvent mis en avant lorsqu'il s'agit de sanctions. Pourtant, sur le principe tout est clair : un club engagé dans une compétition européenne ne peut pas dépenser plus que ce qu'il ne gagne. Les apports de capitaux au sein des clubs sont contrôlés afin d'éviter toute forme de concurrence déloyale. La seule tolérance possible est de ne pas cumuler plus de 30 millions d'euros de pertes sur la durée de trois saisons. De quoi lisser les petits écarts ou les grosses dépenses des clubs du Vieux Continent.
Mais quand on rentre dans les détails, les choses se compliquent. Dernier exemple en date et pas des moindres, celui de Manchester City. Mi-février, le champion d'Angleterre sortant s'est vu sanctionné par l'UEFA de deux ans d'interdiction de participation à toute compétition européenne et d'une amende de 30 millions d'euros. La raison ? Le club détenu par la famille régnante d'Abou Dabi est accusé d'avoir "surévalué ses revenus de sponsoring dans l'équilibre de ses comptes soumis au patron du foot européen en 2012 et en 2016", en plus de ne "pas avoir coopéré à l'enquête". D'un seul coup, tout devient plus technique...
Image écornée, problématique de l'investissement... le fair play financier dépassé ?
Ce lundi, le Tribunal arbitral du sport (TAS), qui avait été saisi par les Citizens, a inversé la donne en annulant les sanctions. "Manchester City n'a pas déguisé ses contrats de sponsoring mais a échoué à coopérer avec l'UEFA", a expliqué le TAS. Si City s'est logiquement félicité "des implications de la décision d'aujourd'hui, qui valide sa position et l'ensemble des preuves qu'il a pu présenter", du côté de l'UEFA on "prend note" de la décision du TAS, qui "a estimé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves concluantes pour confirmer toutes les conclusions (de première instance, ndlr) dans cette affaire spécifique et que nombre des violations alléguées étaient prescrites en raison du délai de 5 ans prévu par les règlements de l'UEFA".
"Ces dernières années, le fair-play financier a joué un rôle important dans la protection des clubs et dans leur viabilité financière", a affirmé l'UEFA, ajoutant rester "attachée à ses principes". En décidant de donner raison au club anglais, le TAS risque-t-il de faire jurisprudence et de remettre en question les modalités d'application du FPF ? Selon les révélations de l'enquête des Football Leaks, le principe d'équilibre entre recettes et pertes avait été faussé par le club mancunien en déclarant une rentrée d'argent artificielle. Ce jugement relance lui la problématique du recours à l'investissement qui est régulièrement pointée du doigt par plusieurs clubs du continent.
"Le fair-play financier empêche des clubs émergents qui voudraient investir à le faire, ce n'est pas normal" (Arsène Wenger)
Il y a quelques semaines, l'ancien coach des Gunners Arsène Wenger, désormais directeur du football à la FIFA, l'expliquait dans les colonnes de l'Equipe : "les clubs qui dominent aujourd'hui l'Europe se sont construits et ont investi à une époque où le fair play financier n'existait pas. Or, il empêche des clubs émergents qui voudraient investir de le faire. Ce n'est pas normal. Ces règles figent la hiérarchie : les gros clubs historiques sont de plus en plus gros et, évidemment, ils se battent pour que les règles du fair-play financier soient scrupuleusement appliquées aux autres pour ne pas voir arriver d'autres concurrents (...) il faut encourager les gens à investir dans le football."
Si ici, le cas de Manchester City diffère un peu - le club pouvant être considéré comme un grand d'Europe - toujours est-il que la décision prise par le TAS risque de renforcer l'impression d'impunité de ces mastodontes du foot européen. L'image du FPF est écornée, le message selon lequel les gros clubs pourraient le contourner à leur guise se diffuse. Ou a fortiori échapper aux sanctions en ayant recours à la justice.
Dans un an, l'heure du changement ?
Face à l'épidémie de Covid-19 qui a mis à l'arrêt les différentes compétitions et est venue impacter fortement les budgets des clubs, l'UEFA a pris la décision fin juin d'alléger temporairement le fair play financier. L'objectif : donner plus de temps aux équipes pour quantifier et expliquer les pertes non anticipées en matière de recettes. Cet assouplissement doit permettre "d'ajuster le calcul du résultat relatif à l'équilibre financier en déduisant les pertes de recettes enregistrées en 2020 et 2021, tout en protégeant le système d'abus potentiels".
Pour simplifier, il n'y aura pas de contrôle continu mais un examen final dans un an pour faire valider les exercices budgétaires 2020 et 2021 des différents clubs. La mansuétude de l'UEFA risque bien de lui donner beaucoup de travail dans 12 mois... En même temps qu'elle sonnera l'heure du bilan, et peut-être du changement, pour le FPF.
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