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Le championnat roumain, vitrine pour Français exilés

Après sa victoire au match aller contre Rennes (1-0), le club roumain de Cluj accueille, à l'occasion de la 4e journée de la Ligue Europa, les Bretons sur leur pelouse du stade Constantin Radulescu et ses 23 500 places. Une enceinte au sein de laquelle jouent cette année quatre anciens pensionnaires de centres de formation français. Car le championnat roumain est devenu une destination privilégiée pour des Français en quête de professionnalisation et de visibilité.
Article rédigé par Denis Ménétrier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Il faut s'y reprendre à cinq fois pour réussir à contacter Philippe Nsiah. Il faut dire que le réseau ne passe pas partout dans les montagnes roumaines. Dans le car de son équipe, l'Academica Clinceni, l'attaquant de 25 ans se rend à l'entraînement la veille d'un match contre l'un des cadors du championnat, le CFR Cluj. "Quand je suis arrivé en Roumanie, j'ai dû prendre un bus pour rejoindre la ville de mon club, parce qu'il n'y a pas de train", raconte Nsiah, passé par les équipes de jeunes du Paris Saint-Germain et d'Angers. "Je passais par tous les petits villages, et je me suis demandé, 'mais où j'ai atterri ?'"

Après des passages dans les échelons inférieurs du football français, Nsiah signe à l'été 2018 au Pandurii Targu Jiu, en deuxième division roumaine. "J'y suis allé les yeux fermés, parce que je voulais signer professionnel", explique le joueur. Avant de rejoindre l'été dernier la première division, la Liga I, où il fait partie d'un groupe de treize Français évoluant dans le championnat. Ce contingent de tricolores est l'un des plus importants en Europe derrière l'Angleterre (29), la Belgique (29), l'Allemagne (24), l'Espagne (20) et l'Italie (14). En comptant les joueurs possédant la nationalité française et qui ont choisi une nationalité sportive étrangère, on retrouve en Roumanie 21 joueurs qui ont débuté leur carrière dans des clubs français. Un véritable phénomène qui s'est accru ces dernières années, à tel point que sur les quatorze clubs du championnat, seuls deux ne comptent pas de Français dans leur effectif.

Comme beaucoup d'entre eux, le défenseur du FC Poli Iasi Bradley Diallo est arrivé en Roumanie en contactant plusieurs agents. "Un d'eux a fini par m'appeler parce qu'il avait un intermédiaire dans le championnat", précise le joueur formé à l'Olympique de Marseille. Exilé aux États-Unis depuis plusieurs saisons, Diallo souhaite alors "se rapprocher de la France, et c'est la première opportunité que j'ai eu." Le Français se renseigne sur le championnat auprès d'un de ses bons amis du centre de formation de l'OM, Bilel Omrani, qui évolue à Cluj depuis trois ans et retrouvera Rennes demain soir.

Le retard de salaires, un mal régulier

Avec de plus en plus de joueurs français dans le championnat roumain, l'adaptation pour les nouveaux se fait plus facilement. "On se voit souvent entre joueurs de différents clubs. Ça aide, parce que quand tu es tout seul et que tu ne comprends pas la langue, il te faut des gens autour de toi. On se raconte notre situation, on peut se donner de la force entre nous, c'est un vrai avantage", concède Nsiah. En discutant avec ceux déjà présents en Roumanie, les joueurs déconstruisent également les clichés sur le championnat avant de signer.

"On a des préjugés, mais la réalité est bien différente. Les infrastructures varient selon les clubs, mais c'est du niveau de Ligue 1 pour les plus gros comme le Steaua Bucarest ou Cluj, et du niveau de Ligue 2 pour le reste. Mais c'est globalement plus que correct", explique Diallo, ancien joueur des Los Angeles Galaxy où les infrastructures se rapprochaient du très haut niveau. Et si les stades ne sont pas tous pleins à craquer - en dehors des matches des plus grosses écuries -, le vrai problème réside dans le paiement des salaires avec du retard, un mal qui touche plusieurs clubs dont certains font partie de la première division.

Ce retard peut atteindre plusieurs mois, comme l'a expérimenté Diallo dans son ancien club du Gaz Metan. "À la fin de l'année, on nous devait presque trois mois de salaire. Encore aujourd'hui, j'ai des problèmes avec mon club actuel." "D'autres joueurs français ont connu ça, ça dépend de là où tu atterris", souligne Nsiah. Autrement dit, ce genre de problèmes ne pourrait pas se produire dans les clubs qui trustent les premières places du championnat.

Le championnat roumain comme tremplin

Mais ces difficultés ne changent rien au fait que le championnat roumain offre à ces Français exilés une visibilité importante, beaucoup de recruteurs étant présents dans cette zone. Une opportunité qui peut leur ouvrir les portes de la Coupe d'Europe, voire de la sélection. "Un ami à moi (Charles Acolatse) qui jouait en Roumanie a réussi à intégrer la sélection togolaise. Ça a été une vraie motivation avant de signer, mon rêve étant de pouvoir jouer pour le Ghana", assure Nsiah.

Une visibilité que ces Français cherchent donc à utiliser, faisant plus du championnat roumain un tremplin qu'une étape de carrière ayant vocation à durer. "Je me suis habitué à la Roumanie, mais j'aimerais pouvoir me rapprocher de la France", concède Nsiah avant de rajouter : "En Ligue 2 ou en Ligue 1, mais il faut y aller step by step". En commençant, comme les joueurs français de Cluj Bilel Omrani, Michaël Pereira, Yacouba Sylla, Mike Cestor ou encore Kevin Boli, par jouer des matches de compétition européenne contre des clubs français comme Rennes.

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