Ligue des champions : Résultats en berne, institution en péril, le FC Barcelone, monument déclassé
Il y a des claques si soudaines que leur choc résonne lourdement puis s'estompe. Et il y a celles que l'on voit arriver comme au ralenti sans parvenir à les éviter. Celles dont l'impact est plus grand encore tant les instants précédents semblent durer une éternité. Ou dans le cas du FC Barcelone, 90 minutes et des poussières. Etrillé par le Bayern Munich 8-2 à l'Estadio da Luz de Lisbonne, le Barça est à terre, K.O. Cette chute, les Blaugrana avaient pourtant tout pour la voir venir. A force de se voiler la face, ils ont fini par montrer leur pire visage.
Que l'on ne s'y trompe pas, le Barça n'a pas seulement volé en éclats vendredi soir. Il périclite en réalité depuis déjà plusieurs années, plus occupé par la recherche de son glorieux passé qu'à essayer de réinventer son présent. Il reste un des clubs les plus puissants du monde, et n'a pas attendu le modèle du Final 8 pour être présent systématiquement au rendez-vous des quarts de finale de la Ligue des champions. Mais cette façade a trop longtemps masqué les nombreuses failles tant sur le terrain qu'en coulisses. Cette vitrine brisée en mille morceaux par de flamboyants Bavarois n'en est que plus spectaculaire.
A vouloir être quelqu'un d'autre, le Barça n'est plus vraiment qui que ce soit
Depuis 2017 et les départs successifs de son entraîneur Luis Enrique et de sa nouvelle coqueluche Neymar, le FC Barcelone n'est jamais parvenu à trouver un nouvel élan malgré des échecs successifs. Il a longtemps vécu sur le souvenir de la remontada contre le PSG, qui avait marqué l'Europe. Mais cet exploit avait été suivi par une déconvenue moins spectaculaire mais pourtant tout aussi frappante sportivement : une élimination contre la Juventus en quart de finale après avoir reçu une nouvelle gifle (3-0) hors de ses bases. Depuis, le Barça collectionne les fiascos européens tous plus forts les uns que les autres. La Roma l'avait renversé en quarts en 2018 (3-0 au retour), Liverpool l'avait surclassé en demi-finale retour l'an passé (4-0), le Bayern l'a éparpillé hier. "Là oui, on a touché le fond, s'est désolé Gérard Piqué devant les journalistes. Ce n'est pas la première, ni la deuxième, ni la troisième fois." De mal en pis. Et pourtant toujours les mêmes symptômes.
Avec Ernesto Valverde sur le banc, la formation catalane avait déjà tenté d'opérer un changement dans son jeu et adapter son traditionnel tiki-taka offensif pour un style plus pragmatique afin de faire face à l'ennemi Real Madrid redevenu grand d'Europe avec Zinedine Zidane. Choisi avec la promesse de pouvoir "revisiter" les plans du FC Barcelone selon ses propres termes, l'ancien coach de Bilbao s'était heurté à une hostilité tant des supporters que d'une partie de la presse, pour qui l'ADN catalan était trop chevillé au corps pour pouvoir être altéré de la sorte.
En cherchant à être un autre, le Barça en a perdu son identité. En interne, on a un temps voulu croire en Valverde et en cette transition, tant que les résultats suivaient encore. Mais des titres de champions d'Espagne ou des Coupes du Roi n'ont que peu de crédit pour l'institution blaugrana, qui ne jure que pour être la plus grande du continent.
Flops en stock
Pour rester au sommet, le Barça a alors décidé de sortir la planche à billets. Près de 800 millions d'euros (789,6 millions d'euros d'arrivées selon Transfermarkt) ont été dépensés sur le marché des transferts ces trois dernières saisons pour réussir à dénicher ailleurs ce qu'il ne parvenait pas à trouver en son sein, en dépit d'un centre de formation, la Masia, toujours capable de produire des joueurs de grand talent. Le bilan de la direction sportive est accablant. Entre les joueurs achetés bien trop cher par rapport à leurs performances (Dembélé), ceux dont le profil (Coutinho dans une équipe sans numéro 10) ou le style de jeu (Griezmann, Vidal, Paulinho) ne conviennent pas au moule Barça, ou encore ceux simplement pas au niveau (Malcom, Mina, Braithwaite), aucune recrue des trois dernières saisons n'a eu un véritable apport au club. Plus de la moitié l'ont déjà d'ailleurs quitté.
Sans plus-value sportive récente, le FC Barcelone s'est plus que jamais appuyé sur les exploits de Lionel Messi et n'a eu de cesse de revaloriser les émoluments de sa superstar. Rien d'illogique, mais les finances du club n'ont cessé d'en pâtir, alors que la masse salariale se garnissait d'indésirables presque impossibles à revendre à bon prix. Economique, sportif, l'échec est dans tous les pans de l'institution barcelonaise. En coulisses, le scandale crée par les révélations en février dernier de la campagne sur les réseaux sociaux visant plusieurs personnalités liées au club afin de protéger la réputation du président Josep Bartomeu a braqué de nombreux socios. Et l'échange houleux en cours de saison entre Eric Abidal, secrétaire technique qui avait pointé les joueurs lors du départ d'Ernesto Valverde, et Lionel Messi, qui avait demandé à la direction d'assumer "sa responsabilité et les décisions qu'elle prend", n'a rien fait pour apaiser les tensions.
Un changement "structurel"
Après la "honte" munichoise selon Gerard Piqué, Abidal comme l'éphémère entraîneur Quique Setién ne devraient pas faire de vieux os au Barça. Difficile de jeter la pierre à un technicien choisi malgré une absence de référence au plus haut niveau (comme Valverde avant lui) et un effectif qu'il n'a pas façonné à sa guise. Mais Bartomeu, lui, malgré la tempête s'accroche au mat et écarte l'idée d'une démission. Tout juste le média catalan Mundo Deportivo esquisse l'idée d'une élection présidentielle réalisée dès le mois de mars 2021, premier délai possible dans les statuts du club. "Des décisions seront annoncées et expliquées dans les prochains jours", assure le dirigeant.
Le Barça aurait ainsi toujours des vues sur Mauricio Pochettino, un entraîneur qui a montré ses qualités en emmenant Tottenham jusqu'en finale de Ligue des champions en 2019 et qui aura à cœur de faire oublier son limogeage surprise après un début de saison manqué. Mais la candidature de l'ancien joueur parisien semble souffrir de maux similaires à celles de ses prédécesseurs : un jeu qui ne puise pas dans l'identité Barça et un palmarès qui ne comporte au mieux que des places de dauphin. Ce, sans compter que si Setién restera à jamais l'entraîneur d'un 8-2 historique, c'est vite oublier que les Spurs de Pochettino avaient reçu la même déculotté à un but près (7-2) en début de saison par le même Bayern Munich.
Pochettino ou un autre (l'option de l'ancien de la maison Xavi subsiste), l'historique Gérard Piqué réclamait à raison un changement "structurel" vendredi. "On doit tous réfléchir en interne et décider de ce qui est le meilleur pour le club, pour le Barça. C'est quelque chose d'inacceptable pour le FC Barcelone." Le défenseur central se dit "le premier" à s'en aller s'il le faut, "il faut faire venir du sang neuf pour changer cette dynamique." Lionel Messi laisse également planer l'ombre d'un départ si des changements profonds ne sont pas opérés. Car plus qu'une dynamique, c'est un mal bien plus grand qui ronge le Barça. Il ne l'a pas encore pourri, mais il l'a privé du moindre titre en 2020, une première depuis 2008. Quelques semaines plus tard, Pep Guardiola arrivait alors sur le banc catalan et transformait son équipe en une des plus grandes de l'histoire du football européen. Il faudra certainement repasser par une révolution aussi grande pour remettre le FC Barcelone à l'endroit, douze ans après.
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