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Ça s'est passé le 29 mai 1985 : Le drame du Heysel ou le football assassiné...

Née en 1955, la Coupe d’Europe enfantée par des journalistes français, a failli mourir trente ans plus tard, au stade du Heysel à Bruxelles, avant même la finale attendue des Clubs Champions entre la Juventus de Turin et Liverpool. Le drame qui éclate dans la tribune Z ce soir-là va faire 39 victimes, essentiellement italiennes...
Article rédigé par Alain Vernon
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
 

Ce mercredi 29 mai 1985, la Juventus doit disputer sa troisième finale des Clubs Champions, après ses échecs de 73 contre l’Ajax de Johann Cruyff et 83 contre le Hambourg de Felix Magath... Le Liverpool FC de Dalglish et Rush, lui, tenant du titre, a déjà remporté la coupe aux grandes oreilles à quatre reprises. La «Vieille Dame» affiche cependant une composition d’équipe prestigieuse, avec Scirea, Cabrini, Brio, Tardelli, Rossi, Boniek et Michel Platini, turinois depuis trois saisons. Et la Juve s’est offert, la saison précédente, la Coupe des Vainqueurs de Coupes en battant le FC Porto 2-1. Mais ce qui devait être une fête pour les Italiens va se transformer en cauchemar.

Au déjeuner offert aux dirigeants des équipes finalistes par l’UEFA, le midi dans un restaurant de la célèbre Grand-Place de Bruxelles, le président français de l’instance européenne, Jacques Georges, rappelle pourtant à quel point les mouvements de foule dans les stades sont dangereux. Il fait référence avant tout au carnage de Bradford en Angleterre, deux semaines plus tôt, où 60 spectateurs avaient péri dans une effroyable bousculade.

Hélas, la municipalité bruxelloise n’a pas pris la mesure des graves incidents qui surviennent dans l’après-midi, au cœur même de la capitale belge, où des centaines de supporters anglais, arrivés d’Ostende en bateau, vêtus de rouge et imbibés de bière, sèment la panique. Au stade, la police en chemisette, est en nombre très insuffisant. Et surtout, aucun cordon des forces de l’ordre ne vient séparer les supporters anglais des tifosi italiens qui s’installent tous dans la même tribune, derrière l’un des buts. Les blocs Y et Z se font face...

Une explosion de violence et de haine

Soudain vers 19h15, c’est une explosion de violence et de haine. Une horde sauvage anglaise s’abat sur les Italiens, venus en majorité de la Péninsule. A coups de hampes de drapeaux, de bouteilles, de pierres et d’objets divers, la meute alcoolisée se déchaîne. Des jeunes italiens, des pères, des familles sont agressés, écrasés, piétinés. Les supporters de la Juve se précipitent alors vers le bas de cette tribune Z, où le portillon donnant accès à la piste en tartan reste malheureusement fermé, provocant l’étouffement de dizaines personnes. Du coup, c’est le mur d’un béton usé qui cède.... La panique, les cris, les hurlements, les morts. 39, des Italiens en grande majorité.

Dans la tribune d’honneur, Jacques Georges prend conscience du drame et craint que le match soit annulé. Un véritable conseil de guerre se réunit dans l’urgence, dans les vestiaires tandis que les autorités belges appellent du renfort dans les casernes de Bruxelles. Des hélicoptères survolent déjà le stade du Heysel et la noria des ambulances commence pour transporter les quatre cents blessés dans les hôpitaux les plus proches. Une tragédie sanglante comme une blessure indélébile dans l’histoire du football européen.

L’appel au calme, lancé au micro du stade par Gaetano Scirea et Phil Neal, les deux capitaines, aura-t-il calmé les esprits ? Vers 20h, les joueurs des deux équipes sentent bien que la situation est dramatique. La plupart n’envisage pas d’entrer sur le terrain où cette finale parait désormais dérisoire... Mais le bourgmestre de Bruxelles et Jacques Georges ont une autre crainte. Si on annule la rencontre et qu’on lâche ces fauves anglais dans les rues face à des Italiens ravagés par la colère, que va-t-il se passer ? D’autant que toutes les télévisions d’Europe suivent déjà en direct les événements... "Lâcher 50 000 fanatiques ennemis dans Bruxelles, c’est faire courir à la ville un risque mortel." déclare Jacques Georges.

Le président de l’UEFA demande à s’entretenir en tête-à-tête avec les arbitres, le capitaine italien et Michel Platini. Jacques Georges connait bien le numéro 10 français pour lui avoir remis le trophée de Champion d’Europe des Nations en 84... Les yeux dans les yeux, Platini accepte de jouer cette finale de la honte pour éviter une catastrophe encore plus lourde. Les joueurs ont compris la nécessité de jouer pour sauver d’autres vies et éviter que cette foule sans contrôle ne quitte le stade.

Juventus et Liverpool jouent dans un cimetière

A 21h30, le match a donc lieu. Sans passion, sans âme. La Juventus et Liverpool jouent dans un cimetière. L’arbitre suisse, M. Daina, oublie un penalty pour les Anglais et en accorde un, totalement imaginaire, pour une faute en dehors de la surface de Phil Neal sur Boniek. A la 58e minute d’un match surréaliste, sur penalty, Michel Platini donne la victoire 1-0 à la Juve qui n’imaginait pas remporter sa première Coupe d’Europe des Clubs Champions dans un contexte aussi triste...

Giovanni Trapattoni, l’entraîneur italien, racontera plus tard : "Nous avions le cœur lourd et beaucoup de rage à l’intérieur de nous-mêmes au moment d’entrer sur le terrain. A défaut de pouvoir leur rendre la vie, peut-être que la meilleure façon de rendre hommage aux victimes, c’était de jouer et de gagner."

A-t-on tout fait pour que la Juventus l’emporte ? Fallait-il que les Italiens soient les vainqueurs moraux de cette invraisemblable finale ? Ce mercredi 29 mai 1985, vers 22h , la rédaction d’Antenne 2 à Paris, désigne Lionel Chamoulaud et moi-même pour couvrir ce drame du Heysel. Nous ne dormirons pas pendant 48h...

Le plus injuste, c’est que Liverpool n’était pourtant pas réputé pour la violence de ses hooligans, à l’inverse de ceux de West Ham, Leeds ou Chelsea à l’époque. A la suite de ce drame du Heysel, les clubs anglais seront exclus pour cinq ans de toutes les Coupes européennes...

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