Soupçons de matches arrangés en L2: neuf protagonistes renvoyés devant le tribunal
Dans son ordonnance du 21 septembre, le juge financier Serge Tournaire demande un procès devant le tribunal correctionnel pour neuf acteurs de l'affaire des matches présumés arrangés de L2. Parmi eux: le président du club de Caen (L1) et d'anciens patrons de l'équipe de Nîmes, a-t-on appris mardi de source proche du dossier. L'affaire concerne six matches de Nîmes, alors menacé de relégation, en fin de saison 2013-2014: ceux contre Bastia (1-1), Dijon (défaite 5-1), Brest (1-1), Laval (victoire 2-1), Caen (1-1) et Créteil (1-1). Les protagonistes visés ont nié une intention corruptrice. Jean-François Fortin, actuel président de Caen, est renvoyé pour corruption passive, dans le cadre de la rencontre Caen-Nîmes du 13 mai 2014 qui s'était soldée par un nul, même si "aucun élément" ne permet d'affirmer qu'il a "effectivement demandé à (...) ses joueurs de jouer le match nul", selon l'ordonnance du juge dont a eu connaissance l'AFP.
Pour ses avocats François Géry et Nicolas Demard, le juge vient de "reconnaître" que le match n'a pas été "truqué". "Jean-François Fortin se réjouit que cette vérité ait été enfin rétablie par la Justice", ont-ils réagi dans un communiqué. Le résultat avait permis au club normand d'accéder à la Ligue 1 et d'éviter aux Gardois une relégation en National. Le scénario d'un "partage de points" était apparu dans des conversations écoutées par les enquêteurs entre Jean-François Fortin et Jean-Marc Conrad, président du club de Nîmes à l'époque. Alors que les deux hommes semblaient tomber d'accord sur un nul, Jean-François Fortin concluait en ces termes: "Ben si on est pas trop con hein!". Jean-Marc Conrad a été renvoyé pour corruption active pour ce match et pour association de malfaiteurs en vue de la préparation du délit de corruption sportive. Les dirigeants nîmois avaient remis "un certain nombre de cartons de vins" devant les vestiaires des Caennais, d'après l'enquête.
Pas un système sophistiqué
Les soupçons de matches truqués avaient émergé à l'occasion d'écoutes ordonnées sur Serge Kasparian, alors actionnaire principal du club nîmois, dans une affaire sur le cercle de jeux Cadet à Paris, qu'il dirigeait. Des conversations révélaient sa volonté d'arranger les dernières rencontres du club. Il a été renvoyé pour association de malfaiteurs, tout comme Franck Toutoundjian, ancien président d'un club soupçonné d'avoir eu un rôle d'intermédiaire. Le juge souligne "l'implication" de ces derniers et de Jean-Marc Conrad dans "cette entreprise corruptrice" réalisée avec des intermédiaires. Pour le juge, "l'intention des dirigeants nîmois de l'époque Jean-Marc Conrad et Serge Kasparian" d'arranger les derniers matches de la saison "apparaît manifeste". "Ce n'est le plus souvent qu'en raison soit de l'absence de contacts réels, soit du manque de réceptivité de leurs interlocuteurs (...), soit d'intermédiaires peu fiables que leur entreprise corruptive a échoué", souligne le magistrat.
L'avocat de Franck Toutoundjian, Gérard Tcholakian, a dénoncé "une instruction invraisemblable" et "l'absence de confrontations" entre les protagonistes, rappelant qu'un pourvoi en cassation était en cours sur la régularité de la procédure. Mohamed Regragui, "coach mental" de Nîmes sera jugé pour corruption active pour le match de Créteil et Kaddour Mokkedel, responsable sécurité du club caennais, pour complicité de corruption. Au final, l'enquête n'a pas révélé un système sophistiqué de tricherie mais elle met en lumière les pratiques de mis en examen qui cherchent des "contacts susceptibles de favoriser l'arrangement" de matches. Mais certaines tentatives d'approches s'étaient révélées maladroites ou peu actives, au vu notamment du résultat d'un match contre Dijon perdu 5-1 par Nîmes. Plusieurs intermédiaires ont été renvoyés pour association de malfaiteurs: l'ancien joueur Michel Milojevic, est contacté par Franck Toutoundjian pour le match à Brest, mais il fait chou blanc. L'ancien dirigeant de club Michel Moulin, censé intervenir dans le match contre Dijon, aurait préféré "bluffer" les dirigeants nîmois. Quant à Abdelnasser Ouadah, pour lequel le parquet national financier avait requis un non-lieu, il est soupçonné d'avoir approché deux joueurs d'Istres. "Tu me prends pour un c...", lui avait répondu un des footballeurs.
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