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De la liquidation aux portes de la Ligue 1, le Grenoble Foot 38 en route pour retrouver les sommets

Passé de la Ligue 1 au National 3 en deux ans lors de la dernière décennie, le Grenoble Foot 38 est en course pour revenir dans l'élite. Entre temps, le club isérois a végété dans le monde amateur, avant de retrouver son rang en Ligue 2 depuis deux ans. Avec une nouvelle équipe dirigeante, le GF 38 rêve de retrouver l'élite pour boucler son chemin de croix.
Article rédigé par Adrien Hémard-Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9 min
Au pied du massif de Belledonne, le GF38 s'entraîne au vétuste stade de la Poterne.

Déambuler dans les rues de Grenoble est toujours un spectacle pour toute personne ayant grandi loin de la montagne. Au bout de chaque rue, la perspective débouche sur un sommet, souvent enneigé, invitant à l’élévation. Le Grenoble Foot 38 qui vogue cette saison en haut de la Ligue 2 (quatrième après 30 journées), s'en inspirerait-il ? Son inspiration lui vient-elle du parc Paul Mistral, là où ses quartiers sont établis, et où souffle encore l’esprit olympique des Jeux de 1968 ? 

Quoi qu’il en soit, à l’heure d’aborder la fin de saison en Ligue 2, l’horizon sportif du GF 38 est à l’image du ciel au dessus de la ville en ce début de printemps : dégagé et ouvert aux rêves les plus fous. Et ce n’est pas trop tôt, après des années au purgatoire. 

Une chute de cinq divisions en deux ans

Les cimes du ballon rond hexagonal, le GF38 les a déjà tutoyées. Nous sommes en 2008, et le club isérois grimpe en Ligue 1 pour la troisième fois de son histoire, après deux passages éclairs dans les années 1960. Jamais deux sans trois : ce passage aussi sera rapide avec deux petites années de L1. Enfant de la ville et à l’époque jeune joueur du GF38, Yoric Ravet se souvient : "Jouer en Ligue 1 à la maison devant 20 000 personnes, c’était un rêve pour moi, c’était incroyable. Petit, je n’aurais jamais pensé pouvoir réaliser cela avec Grenoble".

Dans les tribunes, cette courte période dorée a aussi marqué les esprits. "Je suis de la génération 1990, au début on regardait ailleurs parce que le foot à Grenoble n’existait pas vraiment et puis il y a eu ces belles années, ça a tout changé", témoigne Francky, 30 ans, membre des Ultras Red Kaos. "Le stade était rempli, il y a avait une vraie ferveur. Tout le monde en ville avait envie de voir ça". Hélas, la fête est de courte durée.

Après une saison cauchemardesque, le GF38 retrouve la Ligue 2 en 2010-2011, et dégringole en National dans la foulée. Pire, le club dépose le bilan et subit une liquidation judiciaire, suivie d’une rétrogradation administrative en National 3. La chute est vertigineuse : en deux ans, Grenoble a été rétrogradé de cinq divisions. "Ça m’a fait beaucoup de mal", se souvient, marqué, Yoric Ravet, à l’époque vendu pour renflouer les caisses. Causée par des soucis financiers des actionnaires japonais de l’époque, Index, cette liquidation judiciaire va plomber le club pour longtemps.

"La bonne première saison en Ligue 1 était l’arbre qui cachait la forêt. Derrière, il y avait un vrai problème de gestion depuis le début. Après l’euphorie, on a vite eu le revers de la médaille sur la deuxième saison de Ligue 1", témoigne Francky. À ses côtés, Alexis, 24 ans, qui reçoit dans son appartement avec vue sur le Stade des Alpes, ajoute : "La direction était très peu présente et n’avait pas la culture foot. On a subi la situation, impuissants".

Après une remontée immédiate en National 2, le GF38 y stagne quatre ans. "Quand tu as connu la Ligue 1, tu n'as qu'une envie c'est de vite quitter le monde amateur pour retrouver le monde pro donc c'était frustrant", se souvient Kevin Roselli, supporter grenoblois. Mais dans leur malheur, les Isérois ont au moins la chance de jouer la montée chaque saison.

"On vivait de belles émotions, il y avait toujours du monde au stade, même si ça commençait à être frustrant de finir deuxièmes", sourit Alexis. Sur les grands matches, l’affluence se compte même en milliers de spectateurs au Stade des Alpes, tous regroupés dans la même tribune. "C’était un retour aux sources entre vrais amoureux du GF, une belle expérience", relativise Francky. Point d’orgue des ces quatre années de purgatoire : un 32e de finale complètement fou remporté contre l’Olympique de Marseille de Marcelo Bielsa en 2015. "C’est le plus grand exploit du foot grenoblois", pose même Alexis.

Un nouveau président, et le début du bonheur

Mais si la magie de la Coupe de France est une chose, le monde professionnel en est une autre. Et Grenoble entendait bien retrouver sa place parmi les 40 meilleurs clubs français. En 2018-2019, le club isérois retrouve enfin la Ligue 2, sept ans après la liquidation judiciaire, en remportant un barrage joué à huis clos contre Bourg-Péronnas en raison d'incidents lors du dernier match de National.

"On a raté la montée directe après une défaite à domicile contre une équipe de bas de tableau, alors qu’un nul suffisait, ça a dérapé, reconnaît Francky. Au final on retient la montée. Tu ne montes pas en Ligue 2 cette saison-là, c’est dangereux pour la suite du projet", analyse de son côté Alexis. Quoi qu’il en soit, Grenoble est de retour en Ligue 2. Ce qui ne doit rien au hasard.

Tout part d’un homme, une figure capitale qui se fait rare devant les micros, mais jamais dans les tribunes du stade des Alpes : Stéphane Rosnoblet. Entrepreneur à la tête d’un groupe de supermarchés, l’ancien actionnaire d’Évian Thonon Gaillard a repris en main le club en 2014, épaulé par Max Marty pour le domaine sportif. "Il a su subvenir aux besoins du club. Depuis son arrivée en 2015 il a connu deux montées : celle de National et celle de Ligue 2 !", apprécie Kevin.

Revenu au club l’été dernier, Yoric Ravet (31 ans) n’en pense pas moins : "Le plus important c’est ça : la stabilité amenée, la bonne gestion économique et sportive du club. Ça fait plaisir d’entendre et de voir ça à Grenoble en connaissant notre passé, c’est comme ça qu’on avancera".

Un président discret qui gère le portefeuille et donne les grandes lignes. "Je l’ai au téléphone deux fois par semaine, le lundi et mercredi, pour faire un point rapide. Pour le sportif, il délègue bien à Max Marty, le directeur général, et moi. Je n’ai jamais reçu de coup de fil pour imposer un joueur et pour gueuler après une défaite. Jamais. On a une relation de confiance, saine, qui permet d’avoir beaucoup de sérénité", apprécie l’entraîneur Philippe Hinschberger.

Une bonne répartition des tâches qui satisfait tout le monde, y compris les ultras Red Kaos, en témoigne Francky : "Ils ont fait un gros travail pour recréer du lien avec le local. On a une bonne relation avec eux. Même quand il y a des problèmes, des désaccords, on a des réunions. Mais personne ne s’immisce dans le domaine de l’autre".

Des infrastructures toujours modestes

Reparti sur des bases économiques et structurelles saines, Grenoble a réussi à se stabiliser en Ligue 2, avec deux saisons conclues à la neuvième place. Restait donc à passer un cap, ce qui n’était pas forcément prévu dès cette saison. "Le club parlait d’un retour en Ligue 1 à moyen terme, finalement on est déjà en bonne posture cette saison. Il faut jouer le coup à fond", apprécie Alexis.

Un petit miracle inattendu, mais qui n’est plus une surprise puisque l’équipe était seule en tête à la trêve. Si le club isérois n'a gagné qu'un seul de ses quatre derniers matches, il pointe toujours à la quatrième place, à cinq points du leader, Troyes. "La différence c’est que cette année on a pu garder nos joueurs. Cette stabilité du groupe explique qu’on soit dans cette position : on a eu moins à refaire que les autres années, on a gagné du temps", avance Hinschberger. 

La club a aussi eu la bonne idée de rapatrier des joueurs du cru, comme le gardien Brice Maubleu, le milieu Manuel Pérez, ou son compère Ravet : "Je suis revenu parce que j’en avais marre d’être loin. Je voulais une certaine stabilité pour ma femme et mes enfants. Le club avait besoin de figures grenobloises. On a ramené cette identité".

Dix ans après, celui qui a connu la Ligue 1 avec le GF38 espère l’y ramener, même si peu de choses ont changé depuis, de son propre aveu "notamment au niveau des infrastructures mais ça va évoluer rapidement, je l’espère, le club y travaille. C’est un club jeune au niveau professionnel, qui doit se structurer petit à petit. Le président fait tout ce qu’il peut pour ça". Autrement dit, sportivement, le club est en avance sur ses objectifs d'infrastructures. 

"Grenoble a perdu du temps sur ses structures en descendant en CFA2 (National 3), c’est clair. Mais dans le fonctionnement, on est bien", rassure Hinschberger, qui rêve quand même d’un centre d’entraînement et de formation. Pour l’heure, les joueurs se changent et vivent au stade des Alpes, construit en 2008, mais prennent le minibus pour aller s’entraîner à cinq minutes de là, au stade la Poterne. "En vrai, c’est chiant, avoue Yoric Ravet. Mais tu peux aussi construire un groupe dans ce genre de petites difficultés".

Le coach Hinschberger ajoute : "Le nouveau centre d’entraînements et de formation sont en projet, les plans sont faits, mais il n’y a toujours pas eu de coup de pelle". Il relativise la cohabitation avec l'équipe de rugby (elle aussi en deuxième division) au stade des Alpes : "Cette année c’est compliqué niveau pelouse, mais l’année dernière on n’a pas eu de soucis".

Et au-delà de la pelouse du stade, la question de la cohabitation avec le rugby se pose. Grenoble est-elle une ville de ballon rond, ou de ballon ovale ? "Pour moi, c’est une ville de hockey", balaye Hinscherberger, en référence aux Brûleurs de Loups, cadors du hockey français et véritable institution locale.

Interrompu par une patrouille d’agents de stationnement qui ne le reconnaissent pas -  "Ils ont des têtes de rugbymens, c’est pour ça" - le coach poursuit : "Depuis 10 ans, c’est plus une ville du rugby c’est sûr. Maintenant l’objectif c’est de redonner des couleurs au foot. Globalement Grenoble est une grande ville très sportive, il y a de la place pour le foot, le rugby, et le hockey et d’autres. C’est une grande richesse même si l’environnement politique ne s’en rend pas compte, on va dire (rires)". Un point de vue qui met tout le monde d’accord. "En 2008, on était 11 000 abonnés pour un stade de 20 000 places. Ça veut dire que Grenoble aime le foot, non ?", lance Francky.

Une ville qui aime le foot, et qui pourrait bientôt retrouver les joies de la Ligue 1. À huit journées de la fin du championnat, le GF38 peut encore arracher une des deux premières places synonymes de promotion directe, mais est aussi bien placé pour les barrages avec une avance de six points sur Auxerre, premier non barragiste.

"On devait jouer le maintien, mais on va tout donner pour la montée. Parmi les cinq clubs de tête, on est l’équipe surprise mais on n’a pas volé notre place donc on va tout donner. C’est un mélange d’humilité et d’ambition", résume Hinschberger, "Dire qu’on joue la montée quand on voit d’où revient le club, ce serait oublier d’où revient l’équipe, de cet enfer que le club a traversé pendant sept ans".

Là encore, l’avis du coach fait mouche auprès des supporters, Alexis en tête : "On veut valider cette belle saison en jouant les barrages. Après, advienne que pourra mais on remercie déjà nos joueurs pour la saison". À défaut de pouvoir le faire au stade, les plus fervents amoureux du GF 38 se retrouveront une nouvelle fois samedi après-midi sur le chemin du bus pour encourager les leurs avant d’affronter Châteauroux à 20h. Une maigre consolation, mais "le seul moyen de leur montrer qu’on est là", justifie Francky, qui conclut : "Et puis, si on monte en Ligue 1 sans pouvoir aller au stade jusqu'à la fin de saison, on signe direct".

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