Ça s'est passé un 18 avril 2014 : le village de Luzenac promu en Ligue 2
Il était une fois le petit Poucet des Pyrénées : Luzenac. Avec ses 550 âmes, ce petit village est niché au cœur des Pyrénées, dans l'Ariège, sur la route qui mène à Andorre. Connu pour ses mines de talc à ciel ouvert, d’un point de vue sportif, Luzenac est plus souvent exposé aux lumières du Tour de France qu’à celles du ballon rond. Pourtant, depuis 2012, le Luzenac Ariège Pyrénées (LAP) devient le plus petit club à se hisser en National, après un premier passage en 1980. Mieux, le plus petit budget de troisième division s’y installe, mené par l’ambition de son président, Jérôme Ducros, qui veut en faire un club de Ligue 2. C’est dans ce contexte que son ami, Fabien Barthez, rejoint le club en 2012 puis en devient directeur général en 2013.
Un représentant de l'Ariège en exil
L’ambition est là, mais reste utopique. Chaque saison, Luzenac démarre fort avant de s’écrouler, tout en se maintenant à la fin. Avec son budget de 2,5 millions d’euros, le LAP doit composer avec les moyens du bord : ses matches se déroulent à Foix, à 40 km, et ses entraînements à Toulouse, où vivent une partie des joueurs. En 2013-2014, Luzenac réalise comme souvent un départ canon. Sauf que cette fois, ils ne baisseront pas le régime. Le 18 avril 2014, le LAP reçoit Boulogne-sur-Mer à Foix pour la 29e journée de National. En cas de victoire, la montée en Ligue 2 est assurée.
Ce soir d’avril, les 3000 places du stade de Foix ont fait le plein. Les navettes entre Luzenac et l’enceinte n’y sont pas pour rien. Sur le terrain, les hommes de Christophe Pélissier sont à la hauteur de l’événement. L’ancien professionnel Nicolas Dieuze, capitaine du soir, marque le but de la victoire. Le but de la Ligue 2. Luzenac s’impose 1 à 0. “Le soir de la montée, j’ai versé ma larmichette. C’est de l’émotion. C’est une aventure humaine incroyable” racontera plus tard Nicolas Dieuze. A ce moment-là, le LAP peut même encore espérer le titre. Les Ariégeois termineront finalement deuxièmes, derrière Orléans, mais devant des cadors comme le RC Strasbourg, Amiens, le Red Star ou encore l’adversaire du soir, Boulogne.
Un village d'indésirables gaulois
Pourtant, Luzenac ne verra jamais la Ligue 2. Cette soirée d’avril restera la plus belle de l’Histoire du club. Le club pyrénéen vient d’atteindre son sommet, et s’apprête à sombrer, détruit petit à petit par une bataille administrative orchestrée par la Ligue de football professionnelle. La veille de cette montée sportive, une délégation de représentants de la LFP et de la FFF est d’ailleurs venue inspecter le stade de Foix. Le verdict est sans appel : pour jouer en Ligue 2, Luzenac doit rénover cette enceinte, ou en trouver une autre. Avant même sa montée officielle, le LAP n’est pas le bienvenu en Ligue 2.
Lorsque la Ligue dévoile le calendrier fin mai, Luzenac en fait partie. Le LAP reçoit Troyes dès la première journée. Mais où ? Un accord est trouvé avec le Stade Toulousain pour partager le stade Ernest-Wallon des rugbymen. Mais début juin, la DNCG refuse la montée du LAP, sous prétexte que le budget du club ne prend pas en compte l’accord de principe pour jouer à Toulouse. C’est le début d’un long feuilleton administratif qui verra la DNCG et la LFP se renvoyer la balle en pointant du doigt le manque d’infrastructures du LAP, malgré les avis favorables du CNOSF, saisi par le club. Luzenac ira même devant le tribunal administratif de Toulouse et le ministère des Sports, en vain. Le 18 août, sur France Info, le secrétaire d'Etat aux Sports Thierry Braillard dénoncera même une "hypocrisie de la Ligue de football professionnel qui empêche l'accession des amateurs au monde professionnel".
Début septembre, le Luzenac Ariège Pyrénées, après avoir refusé une réintégration en National 3 (soit une relégation de deux divisons pour un club ayant obtenu une promotion…), retirera son équipe première et repartira avec son équipe réserve en Régionale 2. De quoi dégoûter Fabien Barthez et Jérôme Ducros, qui quitteront alors le club, écœurés. Les joueurs aussi. Parmi eux, Khalid Boutaïb ira briller sur les pelouses d’Ajaccio, Toulouse et Zamalek. De cette bande de Petit Poucet des Pyrénées, un a réussi à faire tomber les grands : le chef d’orchestre, Christophe Pélissier. Révélé par cette épopée, l’entraîneur siégera ensuite sur le banc de l’Amiens SC, qu’il mènera du National à la Ligue 1 en deux ans. Mais cela, c’est une autre histoire…
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