Thiriez : "C'est un cri d'alarme !"
Q: Le président de la République a affiché sa fermeté sans exclure un dialogue: qu'attendez-vous du rendez-vous de jeudi ?
R: "J'ai totalement confiance en François Hollande. C'est un homme d'écoute, de dialogue, il l'a prouvé. Il ne peut pas rester insensible au cri d'alarme que lui lancent les PME que sont nos clubs de sport. Il a posé une condition: la loi est la même pour tous. Je suis d'accord. Toutes les propositions que nous formulons valent pour toutes les entreprises".
Q: Pourquoi estimez-vous cette taxe "injuste" ?
R: "On justifie cette taxe par deux arguments: faire payer les riches et contribuer au redressement des comptes publics. Or, ce ne sont pas les personnes qui ont le plus d'argent qui paieront, mais leurs employeurs. Pour ce qui nous concerne, ce sont pour la plupart des PME en difficultés financières. Il y a aussi une discrimination, puisque d'autres revenus ne seront pas soumis à la taxe: les professions libérales, les artistes, les sportifs individuels (golfeurs, pilotes de F1, tennismen). Même certains cadres supérieurs des grandes entreprises auront les moyens d'échapper à la taxe en répartissant les revenus de différentes manières. L'argument de justice ne tient pas la route. Redresser les comptes publics ? C'est une plaisanterie ! Depuis le début, les ministres de l'Economie et des Finances eux-mêmes disent que la mesure ne rapportera quasiment rien. Ils l'évaluent à 200 millions d'euros, dont 44 pour ce qui nous concerne. Or, les dépenses de l'Etat vont augmenter de dix milliards d'euros l'année prochaine, malgré les efforts d'économies du gouvernement. Le football, clubs et joueurs, a versé 700 millions à l'Etat en impôts et charges sociales l'an dernier: qu'on ne nous dise pas qu'on ne contribue pas à la solidarité nationale".
Q: Comprenez-vous l'irritation du public et de supporters devant ce qui se profile comme une "grève de millionnaires" ?
R: "On nous parle d'image; nous, nous parlons de la survie du football français. En terme d'image, c'est vrai que le mouvement n'est pas compris pour l'instant. C'est pour ça que nous nous sommes donné un mois pour informer l'opinion. L'expression "grève de millionnaires" est une ânerie ! "Grève" ? Il n'y a pas grève: nous reportons les matchs et en profitons, stades ouverts, pour expliquer ce qui se passe au public. "Millionnaires" ? Ce ne sont pas les footballeurs mais les employeurs qui paieront la taxe".
Q: Votre mission de président de la Ligue n'est-elle pas de garantir la compétition ?
R: "Vous avez tout à fait raison. Pour moi, dont la première mission est d'organiser le championnat et pas de le désorganiser, la situation est extrêmement grave. Nous ne sommes plus écoutés depuis des années, je comprends l'exaspération des clubs. Cette affaire des 75% est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase".
Q: Considérez-vous les aménagements (plafonnement à 5% du chiffre d'affaires, limitation à deux ans) comme des avancées ?
R: "Non. La solution du plafonnement n'est pas juste, puisqu'elle favorise les clubs les plus riches. Et n'oublions pas que le club de Monaco, par son particularisme historique, n'est lui-même pas soumis à la fiscalité française. Cela fait 18 mois que cette discussion existe et que nous ne sommes pas entendus. Nous avons proposé des solutions, qui s'appliqueraient à toutes les entreprises. 1. Ne pas soumettre les PME à cette taxe. 2. Que cette taxe ne soit pas rétroactive. 3. Qu'au moins on ne taxe pas les entreprises en difficultés, notamment celles qui sont déficitaires. Ce sont ces trois solutions que nous allons proposer au Président jeudi. Il ne peut pas rester sourd à ces préoccupations. J'ai confiance dans ce rendez-vous, je pense qu'il sera fructueux. Je connais François Hollande depuis 30 ans (au PS dans les années 1980, ndlr). Je le respecte et l'aime beaucoup".
Q: Un accord sur la non-rétroactivité pourrait-il clore le différend ?
R: "La non-rétroactivité serait une solution conforme aux principes généraux du droit français, qui est que la loi ne dispose que pour l'avenir. Nos clubs ne peuvent recruter des joueurs que sur des contrats à durée déterminée, et n'ont pas le droit de mettre fin à ces contrats, ni de les renégocier. Nous sommes littéralement piégés ! La non-rétroactivité serait la solution convenable qui répondrait aux exigences d'un Etat de droit, et qui permettrait au gouvernement de se dire qu'il a maintenu la taxe tout en étant conforme aux principes du droit".
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