PSG: Areola-Trapp, dans la tête de gardiens de but en concurrence
Deux gardiens en concurrence, sans hiérarchie établie, est-ce possible ? Unai Emery l’a fait au PSG. "J'ai confiance en mes deux gardiens", disait-il encore mi-septembre. "Ce seront leurs performances et la confiance qui les anime qui diront qui joue. Qui jouera ? Je déciderai avant chaque match. Après l'ultime séance ou le matin du match." Pourtant, cette concurrence au poste du gardien de but est très rare dans le foot de haut niveau. Voici pourquoi.
La pression du dernier rempart
"Gardien de but, c’est un rôle très spécifique, qui a un lien au score très direct", analyse Cécile Traverse, docteur d’université en Staps en psychologie du sport. "Car le gardien est sanctionné sur chaque erreur, contrairement à un joueur de champs. C’est le dernier rempart ce qui donne chez eux, plus que chez les autres joueurs, une relation à l’erreur beaucoup plus complexe." Depuis 12 ans, elle intervient dans le monde du football en général, et celui des gardiens de but en particulier.
Son analyse rejoint celle de Jérôme Alonzo, ancien gardien de but de Nice, Marseille, PSG, Saint-Etienne et Nantes. "C’est le poste le plus exposé, où il n’a pas le droit à l’erreur. Et forcément, cela le rend différent dans sa psychologie, dans sa préparation, dans sa carrière…" L’erreur, la faute, la hantise de tout gardien, qui l’accompagne tout le temps, selon Jérôme Alonzo : "Depuis tout petit on vit avec cela. Quand on comprend cela, on ne peut pas installer de concurrence entre deux gardiens, qui sont fragilisés. Pour ma part, je savais que dans l’échec ou dans la réussite, je serai seul. Le gardien ne partage pas. C’est la nature du sport de haut niveau : l’égoïsme d’un vestiaire dans la performance ou la contre-performance." Et il le clame : "Gardien de but, ce n’est pas du foot. C’est un sport individuel dans un sport collectif."
Une fragilité inhérente au poste
Fragilité, le mot est employé par la spécialiste de la psychologie, qui a travaillé notamment dix ans durant dans le club de Troyes, et aussi avec Olivier Sorin, gardien de Nancy, Auxerre et Rennes : "C’est le seul rôle pour lequel on n’attend pas toujours la même chose durant la semaine et le jour du match. En effet, à l’entraînement, pour mettre en confiance les attaquants, on met parfois le gardien en déséquilibre, sur des situations où il va encaisser des buts pour le bien-être des autres. Souvent, ils sortent de là agacés. C’est aussi pour cela qu’ils ont besoin de stabilité, afin d’éviter d’avoir en plus la pression liée à l’incertitude de jouer ou non le match."
Là-aussi, Jérôme Alonzo, consultant France Télévisions, est du même avis : "Il faut offrir un minimum de confort au gardien, et cela passe par une hiérarchie claire. Le PSG a besoin de deux gardiens de qualité, il le faut à ce niveau, mais il faut trancher. C’est le moyen de soulager le gardien de cette pression."
Des perfectionnistes
A force de les côtoyer, Cécile Traverse a pu dresser un portrait des gardiens de but. "La relation à l’erreur se double d’une obsession du geste juste. Certains ne se contentent pas d’éviter le but, ils veulent aussi réaliser le geste parfait. De manière générale, le gardien de but est très travailleur, très exigeant avec lui-même. C’est un perfectionniste. » Dans un monde où le travail mental peut être vue comme une faiblesse, les gardiens de but sont souvent ceux qui viennent les premiers vers elle lorsqu’elle arrive dans un club. "Cela prouve qu’ils ont des contraintes psychologiques particulières." Et elle ajoute : "Les gardiens sont beaucoup dans l’analyse."
La gestion psychologique
Par rapport aux autres joueurs, le gardien de but fait face à une autre contrainte particulière : l’inactivité. "Tous les temps-morts compliquent leur tâche. Leur esprit peut vagabonder, sur des gestes qu’ils auraient mal réalisés, ou sur d’autres sujets, alors que les joueurs de champs sont toujours dans l’action", raconte Cécile Traverse. D’ailleurs, elle raconte que beaucoup d’entre eux disent qu’ils préfèrent avoir "les gants qui chauffent" durant les matches.
Mais hors du terrain, la vie n’est pas rose non plus. Même quand une hiérarchie est clairement établie. "Les N.2 sont des garçons avec lesquels il faut fixer des objectifs à long terme", explique Cécile Traverse. "Car pour un joueur qui ne joue aucune rencontre, la semaine d’entraînement perd de son sens. En effet, s’il s’entraîne, c’est pour jouer. C’est la situation la plus complexe à vivre."
Comme le rappelle Jérôme Alonzo, être N.1 ne garantit pas d’être titulaire toute la saison : "A Paris, j’ai été recruté pour être N.2. Et les résultats ont fait que je suis devenu N.1. A Saint-Etienne, c’était le contraire, et j’ai perdu ma place. Mais l’approche psychologique est totalement différente quand on est recruté pour être N.1 ou N.2." Heureusement, à chaque fois, il était en concurrence avec un ami (Lionel Letizi et Jérémie Janot). Mais il a aussi connu une relation moins fluide : "Quand on ne s’entend pas, ça peut rejaillir sur le groupe", reconnaît-il. Cécile Traverse a aussi connu ce scénario : "Quand la relation n’est pas bonne entre le N.1 et le N.2, cela finit par déstabiliser le N.1. Mais généralement, il y a une forme de respect, de compréhension entre eux, qui se rapproche des athlètes." Et donc d’un sport individuel…
L’avenir
Après avoir disputé les quatre premiers matches de la saison, Kevin Trapp a été remplacé par Alphonse Areola. Pour Jérôme Alonzo, la messe est dite : "Pour moi, Emery a un discours de façade en disant qu’il n’y a pas de N.1 et de N.2. Je pense qu’il veut, et le PSG aussi, deux gardiens de haut niveau, mais qu’il a fait son choix. Je peux comprendre la souffrance de Kevin. L’an dernier, c’est aussi ce qui est arrivé à Salvatore Sirigu, qui avait un autre CV que Trapp et s’était beaucoup impliqué dans le projet parisien depuis l'arrivée des Qataris." Cette fois, c'est au tour de l'Allemand de patienter.
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