Pierre Revillon, président de l'Association nationale des supporters : "Sans supporter, le football n'est rien, c'est monotone"
Vous avez signé hier, avec 45 autres groupes de supporters, un communiqué pour demander à ne pas reprendre les compétitions à huis clos. Pourquoi avoir effectué cette démarche ?
Pierre Revillon : "Le communiqué est un tout : on dénonce l'économie du football dépendante des droits télévisés, les discours qui ne nous plaisent pas avec cette volonté de reprendre le plus vite au détriment de la santé des joueurs, des dirigeants ou même des journalistes. Et les seuls qui n’ont pas été concertés dans ces discussions, ce sont les supporters. On ne nous a jamais demandé notre avis. On le donne via ce communiqué. Nous, on défend le football populaire, le football avec des supporters, avec de l’ambiance, l'inverse des matches à huis clos. On veut juste que les instances et les clubs fassent preuve de décence et d’humanité."
Que reprochez-vous aux dirigeants justement ?
PR : "On a l’impression que les dirigeants et les instances du football dans leur globalité souhaitent reprendre le plus rapidement possible, du fait de leur dépendance à l’économie du football. Tout le monde se chamaille pour la reprise du championnat, mais en se précipitant, alors que des gens décèdent. Pour nous, un temps de deuil est nécessaire et on a l’impression que le football prend trop le dessus. Ils veulent faire reprendre le football coûte que coûte malgré les dangers, malgré la crise sanitaire. Le cœur du problème n’est pas l’humain mais l’argent. C’est le ressenti que l’on a, nous, supporters."
"On a favorisé la télévision, donc le spectateur télévisuel, au détriment des supporters et il est temps de revoir ça"
Vous soutenez dans le communiqué, avec les autres groupes signataires, que c'est le moment de "profiter de ce temps de pause et de confinement pour se repenser". Qu'entendez-vous par là ?
PR : "Qu’il faut réfléchir à la vision du football. Aujourd’hui, on se rend compte que les clubs sont beaucoup trop dépendants des droits télévisés. Les chaînes ne veulent plus verser d’argent parce qu’il n’y a plus de football et les clubs tirent la gueule. On a favorisé la télévision, donc le spectateur télévisuel, au détriment des supporters et il est temps de revoir ça."
Si la situation sanitaire permet de reprendre et de terminer la saison actuelle à huis clos, vous ne seriez donc pas d'accord ?
PR : "Non, pour nous, le football se joue avec des supporters dans le stade, on fait partie des acteurs au même titre que les joueurs, les dirigeants ou les télévisions. Le football se joue avec des supporters et tant qu’on ne sera pas de retour dans les stades, on demandera que les matches ne se jouent pas. On dénonce régulièrement les huis clos prononcés par les sanctions de la commission de discipline, avec des slogans comme "rallume ta passion et éteins ta télévision". Le football se vit au stade. Un match sans supporters, ce n’est pas un match de football, c’est triste, c’est chiant pour tout le monde. Sans supporter, le football n’est rien, ça n’a pas la même saveur, c’est monotone. C’est le discours qu’on tiendra."
Certains clubs vont être frappés de plein fouet par la crise économique. Ne pensez-vous pas que jouer ces matches leur ferait un peu de bien financièrement, même s'ils se déroulent à huis clos ?
PR : "On se doute qu’il y a des risques de crise économique au sein des clubs de football, comme partout dans la société en France. Bien sûr qu’il y a des risques, mais c’est pour ça qu’on parle bien de repenser le football et ses financements. Cette dépendance n’est pas saine, c’est ce qu’on reproche. Après on se doute que ça va être compliqué, on en est tous conscient. Mais ce n’est pas parce que ce sont des clubs de football qu'ils doivent avoir le droit à un laissez-passer pour aller jouer des matches."
"Le football reste secondaire, et s'il faut qu'on patiente, on patientera"
En cas de reprise de la Ligue 1 avec des stades pleins, n'avez-vous pas peur que les tribunes deviennent des nouveaux foyers de contagion ?
PR : "Ce n’est pas à nous de dire si c’est trop tôt ou trop tard pour reprendre. Si les autorités estiment qu’il y a un risque jusqu’en juin (la LFP envisagerait de reprendre le championnat le 3 ou le 17 juin, ndlr), on va dire que ce n’est pas le moment de reprendre le championnat. C’est quelque chose qui nous paraît logique. Le football reste secondaire, et s’il faut qu’on patiente, on patientera, et on sera d’autant plus nombreux quand le football reprendra. Mais toujours avec des stades pleins, et pas à huis clos."
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