Pascal Garibian : "les arbitres sont souvent admirés"
Aujourd'hui, comment sont perçus les arbitres ?
Pascal Garibian : "Nous avons une étude portant sur 1 000 Français (de 15 ans et plus) disant qu'ils sont 90% à considérer que l'arbitre est un bon représentant de l'autorité positive. Sorti d'un contexte de match, d'un prisme que l'on peut comprendre de supportérisme, les arbitres sont souvent admirés par les gens en général. C'est ce que j'ai personnellement vécu lorsque j'étais arbitre international et c'est ce que je vis aujourd'hui en tant que directeur de l'arbitrage. Et même les footeux car ils savent que c'est un métier difficile mais surtout indispensable. Ils savent, quel que soit le niveau, que leur remise en question, leur analyse de performance, qu'elle soit technique ou managériale, est importante. Arbitrer ce n'est pas que sanctionner, mais le devoir de prendre une décision dans l'intérêt du jeu, de s'effacer derrière l'intérêt du jeu."
La féminisation des arbitres peut-elle être bénéfique au football ?
PG : "Nous travaillons depuis plusieurs saisons à ce que de plus en plus de femmes rejoignent le corps des arbitres. L'année dernière, nos actions ont permis une augmentation de 25% des arbitres féminins dans les territoires. C'est essentiel pour que nous ayons un socle suffisant pour avoir les meilleures arbitres féminines, afin qu'elles accèdent au niveau fédéral, pour le football féminin comme le masculin. Nous avons ainsi accompagné et formé Stéphanie Frappart et son assistante Manuela Nicolosie (qui ont notamment arbitré la Supercoupe d'Europe entre Chelsea et Liverpool, ou encore la finale du Mondial féminin). Ce qui compte, c'est que la qualité arbitrale soit là pour diriger les matches. Et naturellement, il y a une retenue de la part des joueurs masculins vis-à-vis d'une femme arbitre."
Face au phénomène du racisme, que peut faire un arbitre ?
PG : "Les moyens d'actions des arbitres sont ceux prévus par les règlements de la compétition. Elles s'appliquent en lien avec les représentants de l'organisation et il doit faire en sorte que d'éventuels faits discriminatoires soient réprimés. Si ces faits ont un impact dans le déroulement d'un match, ou un impact dans le vécu d'un joueur ou d'une équipe, il y a différentes phases prévues : l'arrêt provisoire d'un match avec l'appel au micro, l'arrêt temporaire, et puis l'éventuel arrêt définitif. Ce qui est important de souligner, c'est que c'est l'affaire de tous. Ce n'est pas que l'affaire des arbitres. La violence ou les incidents dans les stades, et tout ce qui relève de comportement à caractère discriminatoire c'est l'affaire des clubs, des instances, et des arbitres, en lien avec ces dernières."
On a le sentiment que l'on a tardé à prendre en charge ce problème…
PG : "Je vous laisse faire des commentaires en tant qu'observateur. J'ai eu un vécu en tant que président de la commission de discipline de la LFP, et à chaque fois que l'on a eu à connaître ce type de comportements, les instances ont pris des décisions en sanctionnant des responsables. Les choses ont été prises à la mesure des faits reprochés. Il y a des contextes qui font que l'on est peut-être plus à l'écoute qu'à d'autres moments, mais c'est l'évolution de la société. Il y a 15 ou 20 ans, on entendait des choses dans les stades qui aujourd'hui ne pourraient pas s'imaginer."
Dit-on le ou la VAR ?
PG : "Il y a deux choses. Le VAR, c'est en anglais "vidéo assistant referee", vous parlez de l'arbitre assistant qui se trouve devant les écrans. La VAR, on parle de "video assistance referring", l'assistance vidéo à l'arbitrage."
Un arbitre faisant appel à la VAR peut-il voir sa note varier ?
PG : "Ce n'est pas comme cela que ça marche. Si l'on reste sur la L1, tous les matches font l'objet d'observation, d'analyse vidéo, soit d'observateurs de la commission des arbitres, soit de la direction technique de l'arbitrage, et les arbitres à chaque match sont notés. Quand ils se trompent, effectivement, les notes prennent en compte les erreurs, qu'il y ait l'assistance vidéo ou pas. Ce qui est vrai, c'est que même un arbitre qui a recours à l'assistance vidéo et qui se corrige, l'erreur initiale reste impactante pour la note, puisque l'objectif premier c'est que les arbitres se trompent le moins possible, prennent le plus possible de bonnes décisions initiales pour avoir le moins recours à l'assistance vidéo. Et si l'arbitre n'a pas la lucidité de corriger après la VAR, là il est encore impacté dans sa note."
C'est un vrai soutien pour vous ?
PG : "Oui, et c'est vécu comme ça par les arbitres. Les stats de l'année dernière parlent d'elles-mêmes, 70% d'erreurs claires ont été corrigées. Sans la VAR, cela aurait été 100% d'erreurs, avec tout ce que cela implique comme polémiques supplémentaires. L'assistance vidéo n'est pas là pour réarbitrer, mais pour aider efficacement les arbitres à corriger une décision qui, aux yeux de tous, est clairement erronée, incontestable." Quand on prend certains ralentis, ce n'est pas la vérité. Le positionnement naturel d'une main, c'est à vitesse réelle que ça s'analyse. La dangerosité d'un tacle, ce n'est pas uniquement sur un arrêt sur image, mais notamment sur l'intensité, l'excès d'engagement. Les arbitres en charge de la vidéo n'ont pas à décréter si la décision de l'arbitre est juste ou non, ils doivent décider si au regard des images, avec les bons angles et la bonne vitesse, s'ils peuvent aider leur collègue en disant "je t'invite à regarder les images".
On a l'impression quand même qu'il y a plus de polémiques que d'habitude…
PG : "Il y a eu une journée 5 qui a été compliquée. Depuis, les choses sont rentrées dans l'ordre. Mais il s'agit surtout que les gens comprennent que cela n'a jamais été dit que l'assistance vidéo avait vocation a tout réarbitrer, qu'elle avait vocation à ce qu'il y est zéro décision erronée. Un certain nombre sont sujettes à interprétation. Quand on va dans les clubs, il y a des situations où les attaquants ne sont pas d'accord avec les défenseurs. Il y a des situations où l'arbitrage est, et doit rester humain."
La VAR est-elle partie pour durer ?
PG : "Cela ne fait qu'une saison et demie qu'on l'utilise en France. On a plus de 100 ans d'arbitrage sans VAR, laissons-lui le temps de progresser encore, parce que tout n'est pas parfait. Ce ne sont pas les arbitres qui vont décider si on revient en arrière. Interrogez les acteurs, en dehors d'un contexte de match où ils peuvent s'estimer lésés, eux comme le grand public plébiscitent la VAR, même si elle a encore des marges de progression.
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