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Metal, reggae, rock breton... Quand la musique est bonne (ou pas) à l'entrée des joueurs dans les stades de foot

De la pop suave, du hard-rock qui tache ou un improbable reggae : voilà ce que les supporters réclament pour accompagner leurs joueurs sur la pelouse. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Les joueurs de l'OM saluent leur public lors du match face à Dijon, au Stade Vélodrome, le 6 août 2017. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Quelques minutes avant le coup d'envoi. Les supporters garnissent les travées. Le kop chante à gorge déployée. La pelouse est déserte. On aperçoit les joueurs gravir l'escalier qui relie les vestiaires au terrain. C'est le moment tant attendu. Ce week-end, on n'entendra pas les deux chansons les plus connues, celles de Phil Collins et Van Halen, qui accompagnent le PSG et l'OM, qui se déplacent tous deux à Dijon et à Strasbourg pour le compte de la 9e journée de L1 le week-end du 14 octobre. A moins d'être supporter d'une des équipes qui reçoivent ce week-end, vous n'en connaissez aucune autre ? C'est normal : une bonne musique d'entrée, c'est une savante alchimie entre frissons, gros son et superstition.

Qui ne "jumpe" pas n'est pas marseillais

Même en cherchant bien, il n'y a pas de rapport évident entre le groupe de hard-rock californien Van Halen et l'Olympique de Marseille, mis à part la coupe de cheveux des membres de la formation qui peut rappeller celles de Chris Waddle ou de Rudi Völler, deux légendes des années 1990 du club phocéen. Pourtant, dans l'inconscient collectif, les premières notes de leur tube Jump évoquent immanquablement l'entrée des joueurs au Stade Vélodrome. Cinq cent quarante-quatre passages depuis 1986, qui doivent tout à un hasard. Cette année-là, le speaker du stade n'avait pas vraiment fait une étude de marché au moment de choisir une musique entraînante pour l'entrée des joueurs : "A l’époque, ça marchait bien en radio, explique André Fournel dans le livre Petit manuel musical du football. On a voulu changer, au milieu des années 1990, mais les supporters étaient contre, parce qu’ils sont superstitieux et ils pensaient que les mauvais résultats de l’époque étaient liés au changement de chanson…"

A deux reprises, en 1994 puis en 2014, le club a tenté de changer de disque. Hors de question, ont répondu les supporters. Une chanson aussi identifiable, on n'y touche pas, c'est comme le design et les couleurs du maillot du club. Breakbot en sait quelque chose. Invité à chauffer le public du Parc des Princes avant un PSG-OM en 2013, le DJ a voulu assurer avec du gros son de stade. Pourquoi pas Jump ? Les spectateurs du Parc lui ont réservé une bronca mémorable. Dans un tweet contrit, le disc-jockey (manifestement allergique au ballon rond) avouait "ne pas connaître la connotation de la chanson". La porte d'Auteuil demeure un des derniers endroits où on écoute encore Who Said I Would de Phil Collins dans l'Hexagone. Là encore, la direction qatarienne du PSG a voulu y mettre son grain de sel et dépoussiérer ce rituel en passant Ville Lumière. L'expérience a duré 39 jours avant que le batteur chauve de Genesis reprenne ses droits.

Patrick Sabatier, mieux que le rap américain

Ces deux chansons, avec peut-être la Lensoise, version Sang et Or de la Marseillaise chantée a capella, sont les morceaux d'entrée des joueurs les plus connus du foot français. Interrogés par France Football en 2015, plusieurs joueurs lyonnais confessaient ne pas connaître le morceau qui accompagnait leur sortie du tunnel à domicile. Un cas pas du tout isolé. Dans beaucoup de clubs, on tâtonne.

Nantes a ainsi remisé au grenier la partie instrumentale sirupeuse de Music Was my First Love de John Miles qui a accompagné les joueurs pendant près de trois décennies en 2007. On a ensuite tenté du rap américain, à l'initiative du directeur général du club. Avant de se lancer cette saison dans la musique de film, avec le thème de Requiem for a Dream (une allusion aux ambitions du club ?). L'attaquant de la Maison jaune Fabrice Pancrate avait reconnu dans l'émission CanariPlay de France 3 que le rap se prêtait mal à cette séquence du match et qu'un bon vieux rock, ou même une chanson comme Music Was my First Love "digne d'un générique d'une émission de Patrick Sabatier", s'y prêtait mieux.

A défaut de trouver des musiques qui donnent la chair de poule à leurs supporters, voire aux joueurs adverses, de plus en plus de clubs cherchent à faire couleur locale. Guingamp, puis Montpellier ont ainsi bazardé le Where the Streets Have No Name de U2 pour des chansons de groupes locaux. Rennes, pionnier de la tendance identité bretonne, programme la chanson Keltia du groupe EV au moment de l'entrée des Rouge et Noir sur le terrain, même si deux Finlandais faisaient partie de ce groupe breton. Quelque part logique, "EV" étant l'abréviation d'Etrange Vérité.

Dans ce registre, personne ne fera mieux que Saint-Etienne, qui a longtemps diffusé à ce moment crucial l'inusable Allez les Verts, dont le refrain "Qui c'est les plus forts ? Evidemment, c'est les Verts", est resté dans les mémoires. Une chanson écrite... à Paris par Jacques Bulostin dit Monty "en dix minutes au volant de sa voiture entre la place Maillot et la place de l’Etoile", raconte le journaliste Bernard Lions dans le livre La Légende des Verts par ceux qui l'ont écrite.

A contre-courant, Strasbourg a récemment introduit Three Lions, des Lightning Seeds avec les comédiens David Baddiel et Frank Skinner, pour accompagner l'entrée des joueurs alsaciens sur le pré du stade de la Meineau. Une chanson sortie en 1996 à l'occasion de l'Euro en Angleterre, qui parle surtout... des défaites à répétition de la sélection nationale depuis le sacre mondial de 1966. "On aurait pu entendre des chansons dans toutes les rues, on n'y était presque, on touchait au but, et maintenant..." Depuis son introduction à la Meineau, la gentille ritournelle porte bonheur aux Strasbourgeois, qui enchaînent les montées. 

Le flûtiau porte-bonheur

Il y a forcément beaucoup de superstition autour de ces chansons. De l'autre côté de la Manche, le manager de Preston North End a ainsi estimé qu'Elvis Presley avait une part de responsabilité dans la descente du tout premier club champion d'Angleterre, raconte le Guardian (article en anglais). "Virez moi cette chanson !", avait tonné Paul Simpson, critiquant le slow du King Can't Help Falling In Love, qui commence par ces mots : "Les gens avisés parlent, seuls les idiots courent", qui, selon lui, avait le don de doucher l'enthousiasme des fans. "On a besoin d'un frisson quand les joueurs entrent sur le terrain. Ça doit bouger plus que ça !"

Hélas pour Paul Simpson, sa théorie n'est pas vérifiée. Le club d'Oldham a connu d'improbables résultats en entrant sur l'air de Mouldy Old Dough, du groupe britannique Lieutenant Pigeon, tombé dans l'oubli depuis, sauf dans ce coin de la grande banlieue de Manchester. Et ce, malgré son introduction au flûtiau particulièrement redoutable. Parvenu en Premier League en 1992, le club a changé de musique fétiche. Coïncidence ? Les résultats se sont cassés la figure au fur et à mesure que le club dégringolait dans les divisions inférieures. Rapidement réintégrée dans la playlist du stade, la chanson a été définitivement déprogrammée en 2009, le club, relégué en deuxième division n'ayant plus les moyens de payer les droits pour la diffuser – 4 000 livres, près de 4 500 euros, chaque année tout de même (article en anglais).

Certaines chansons sont-elles dotées de pouvoirs magiques ? Outre-Manche, on y croit dur comme fer. Ainsi, West Bromwich Albion a reprogrammé le reggae The Liquidator d'Harry J. All Stars lors d'un match décisif pour ne pas descendre, raconte le Birmingham Mail (article en anglais). Croyez-le ou pas, mais les Baggies ont sauvé leur peau dans l'élite pour trois petits points. La chanson-talisman est d'ailleurs diffusée par une demi-douzaine de clubs britanniques, de Chelsea à Wycombe, en passant par Yeovil Town, Wolverhampton et St Johnstone. Mis à part pour les premiers nommés, les résultats sont tous sauf magiques.

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