Ligue 1 : tout comprendre à l'explosion des droits TV
• La Ligue 1 fait sauter la banque
Didier Quillot, le directeur général de la Ligue de football professionnel (LFP), peut avoir le sourire. L'attribution des droits TV pour la période 2020-2024 atteint 1,153 milliard d'euros, plus que le milliard initialement prévu. Une somme (folle) qui va probablement grimper puisque deux lots (le trophée des champions, trois multiplex et les barrages de Ligue 1 (lot 5) et les magazines du lundi et jeudi (lot 7)) restent à distribuer.
"On est extrêmement satisfaits. C'est une augmentation significative des revenus que va recevoir le football. Cela va permettre d'accélérer le cercle vertueux que nous avons commencé à créer." (Didier Quillot, LFP)
La remise sur le marché des droits - deux ans avant la fin des contrats - aura été une stratégie payante pour la LFP. Mais aussi et surtout pour les clubs qui vont voir leurs poches se remplir. Au vue de la manne financière qui attend les écuries dans deux ans, les effectifs risquent forts de se renforcer. Et si l'arrivée du Brésilien Neymar l'été dernier n'était que le premier aperçu d'un championnat cinq étoiles demain ?
Cette période faste doit aussi permettre de retenir de jeunes joueurs prometteurs, conscients de l'impact économique et médiatique en plein essor de la Ligue 1. Car cette grande distribution - en hausse de 60% par rapport au précédent appel d'offres - place le championnat de France au 3e rang des divisions européennes (derrière la Premier League anglaise (1,66 milliard) et la Bundesliga (1,16). Oui, une nouvelle ère commence pour le foot français.
• Qui se cache derrière Mediapro, le média espagnol qui a tout raflé ou presque ?
Match du vendredi et du dimanche soir, rencontre à 17 heures le samedi, à 13 heures le dimanche, multiplex dominical (4 matchs)... Mediapro n'est pas loin du carton plein avec la diffusion de huit des 10 affiches de chaque journée de Ligue 1. Le média espagnol, inconnu en France, sera un nouvel acteur du foot français dans deux ans. Filiale d'un géant hispanique de l'audiovisuel - Imagina - Mediapro est sous contrôle chinois depuis février dernier. Le groupe détient les droits de la Liga espagnole et ceux de la Ligue des champions et veut poursuivre son développement en Europe. Mais son avancée dans l'Hexagone a été mise a mal ces dernières heures avec un revers sur les droits de la Serie A italienne, qu'il a acquis en février dernier. La chaîne Sky Italia, principale concurrente, a porté plainte après le non versement d'une garantie d'un milliard d'euros de la part de Mediapro. Une action en justice qui a poussé la Ligue italienne à annuler le contrat avec le groupe espagnol. L'imbroglio n'est pas encore réglé mais fait tâche au moment d'arriver en France...
"Notre appel d'offres est clair, ce qui ne semble pas avoir été le cas de celui de la Serie A. Mediapro respecte notre cahier des charges. Il n'y a donc pas de risques de voir en France ce qui se passe en Italie." (Didier Quillot, LFP)
Dirigé par Jaime Roures, militant indépendantiste catalan, la société "espagnole" Mediapro est très proche des frères Guardiola, Pep et Père. Ce dernier se charge depuis 2013 de la production et de la distribution du contenu audiovisuel de Manchester City et dirige Media Base Sport, une filiale de Mediapro. Il a notamment piloté le rachat du club de Gérone par le City Football Group, actionnaire principal des champions d'Angleterre, en 2017. Depuis, les deux clubs ont multiplié les prêts de jeunes joueurs.
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• Canal +, la fin d'une époque
1984-2020. Si l'acte de décès reste à confirmer (un accord de distribution (sous-licence) avec Mediapro et BeIn est toujours possible et pourrait permettre à Canal de garder la retransmission de certaines parties, NDLR), c'est incontestablement une page qui se tourne pour la chaîne cryptée. Diffuseur historique de la Division 1 de football, Canal + a subi un énorme revers lors de l'attribution des droits TV de la Ligue 1 pour la période 2020-2024. Et a même fait chou blanc volontairement. Aucune offre formulée par "la 4" n'a permis de remporter un lot. Si le président du directoire de Canal + Maxime Saada veut rester optimiste (voir ci-dessous), le coup est rude pour la chaîne, qui a perdu 300 000 abonnés l'an dernier. S'il est difficile d'évaluer combien d'abonnés viennent pour le foot, l'exode devrait tout de même être conséquent...
"Nous ne sommes ni déçus ni inquiets. Nous le serions uniquement si nous avions payé une fortune pour ces droits. Je rappelle que nous les possédons pendant encore deux ans. On est à la mi-temps, au premier round." (Maxime Saada, président du directoire de Canal +)
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• BeIn toujours dans le jeu, Free s'offre les extraits de matchs pour ses réseaux sociaux
De sept à deux matchs. Pour BeIn aussi, l'attribution des droits a fait mal même si elle ne prend pas la même proportion que pour Canal. La chaîne franco-qatarienne garde un match de L1 le samedi à 21 heures et une deuxième rencontre le dimanche à 17 heures. Loin des standards affichés depuis son lancement en juin 2012. BeIn compte sur le Mondial en Russie, puis sur celui au Qatar en 2022 dont elle a aussi les droits, pour ne pas perdre trop d'abonnés. D'autant qu'elle ne peut plus compter dès la saison prochaines sur les Coupes d'Europe, rapatriées dans le giron d'Altice France (SFR).
Mais la vraie surprise vient de l'opérateur télécom Free. La filiale du groupe Iliad, propriété de Xavier Niel, a aligné "moins de 50 millions d'euros par saison" pour s'octroyer le lot comprenant des extraits de match en quasi-direct pour le numérique. Les plus beaux buts - entre autres - auront donc la primauté sur les réseaux sociaux du groupe qui veut dynamiser son offre avant le lancement d'une nouvelle box en septembre.
• Combien faudra-t-il débourser pour regarder toutes les compétitions de football ?
Sur Twitter, la question fait polémique. L'arrivée de Mediapro - qui a promis le lancement d'une nouvelle chaîne d'ici à 2020 - fait craindre le pire pour des bourses déjà bien impactées. SFR Sport, BeIn Sports, Canal +... Aujourd'hui visionner les compétitions de football (Ligue 1, Ligue des champions, Ligue Europa, Coupe du monde etc.) nécessite le passage par une chaîne à péage. Donc des abonnements. Donc une note salée. Et un bac + 8 en analyse de marchés pour comprendre qui a quoi... Le ras-le-bol est latent du côté des téléspectateurs qui préviennent : en cas de facture trop lourde, le streaming n'est jamais loin.
D'autres, comme l'économiste Pierre Rondeau, veulent également profiter de l'occasion pour que les clubs baissent les prix des places pour les supporters. La Fondation Jean-Jaurès veut prévenir d'une nouvelle hausse de la tarification des billets - hausse qu'avait engendrée indirectement le précédent appel d'offres - afin de garder des stades "pour tous" et moins aseptisés. À tous les niveaux, il y a du boulot...
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