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Foot : Sergio Conceiçao, le coach écorché vif qui a ressuscité le FC Nantes

Les supporters des Canaris ne jurent plus que par un entraîneur au palmarès vierge, mais que la rage de vaincre habite depuis l'enfance.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'entraîneur de Nantes, Sergio Conceiçao, lors du match Nantes-PSG, le 21 janvier 2017. (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Quand Sergio Conceiçao s'installe sur le banc du FC Nantes, les Canaris sont avant-derniers de Ligue 1, les fesses encore rougies et déplumées par un 0-6 encaissé à domicile face à Lyon. Les observateurs glosent sur le choix d'un entraîneur volcanique, au palmarès vierge, recalé à Porto, à Metz et à Marseille, pour sauver un monument du football français en péril. Quatre mois plus tard, son FC Nantes occupe une flatteuse 9e place et peut même rêver d'Europe. Avant le déplacement des Canaris à Saint-Etienne, dimanche 9 avril à 17 heures, franceinfo fait les présentations.

Un héros parti de rien

Contrairement aux coachs portugais qui s'exportent particulièrement bien en Europe (José Mourinho à Manchester United ou Leonardo Jardim à Monaco), Sergio Conceiçao n'a pas fait d'études à rallonge. Sa légitimité, il la doit à son formidable parcours de joueur. Une carrière de globe-trotter européen (Porto, Lazio Rome, Inter Milan, Standard de Liège, Al Qadisiya Koweït, PAOK Salonique...) marquée par une flopée de titres (Coupe des Coupes, Scudetto, Coupe d'Italie, du Portugal...) et quelques coups d'éclat. Le plus mémorable de tous : ce fameux match Allemagne-Portugal du premier tour de l'Euro 2000. Le sélectionneur lusitanien met au repos ses titulaires, aligne l'équipe B. Face à une Mannschaft vieillissante - proche de la date de péremption, diront les mauvaises langues -, Sergio Conceiçao martyrise l'arrière-garde allemande sur son aile, marque les trois buts de la rencontre, et rentre dans les mémoires après un grand pont sur un joueur adverse et le juge de touche. 



Rien n'a jamais été facile pour lui. Petit, il doit parfois marcher deux kilomètres dans un bois sombre à la sortie de l'entraînement, à Coïmbra (Portugal), quand son père ne peut pas l'accompagner avec son scooter. "J'étais déjà fatigué une fois arrivé", se souvient-il dans Ouest-France. N'empêche, il est là tous les jours, même le mardi, "le jour du jogging, où beaucoup d'enfants ne venaient pas". Paulo Costa, son premier entraîneur qui l'a pris sous son aile en lui accordant une bourse, se souvient encore de sa détermination sans faille : "Il avait cette ambition propre à un garçon qui vit au milieu de beaucoup de problèmes financiers et familiaux, confie-t-il à L'Equipe. Le foot, pour lui, c'était le moyen de s'en sortir." Et d'échapper à sa condition modeste. Ses deux parents meurent coup sur coup alors qu'il sort de l'adolescence. Le football devient son unique planche de salut. "Je ne savais pas que les joueurs de foot gagnaient beaucoup d'argent. J'étais motivé par le fait d'être connu."

Genoux et fierté écorchés

Arrivé au sommet, le Portugais n'oublie pas d'où il vient. "Il revenait toujours de l'intersaison avec les genoux écorchés", se souvient le Serbe Sinisa Mihajlovic, qui l'a côtoyé à la Lazio. Chaque été, Sergio le pieux effectue à genoux le pèlerinage à Notre-Dame de Fatima, un site comparable à Lourdes en France situé au centre du Portugal. D'ailleurs, si Sergio avait une baguette magique, il souhaiterait rencontrer Dieu ou le Christ, si le premier n'est pas disponible. "J’ai des questions à [leur] poser !", sourit ce pratiquant assidu qui se prive de viande pendant les quarante jours du carême.

Et ce n'est pas parce qu'on débarque dans un championnat prestigieux pour près de 10 millions d'euros qu'on se fait automatiquement un nom. Pour son premier match en Italie, il inscrit le but de la victoire lors de la Super Coupe (l'équivalent du Trophée des champions en France) sur le terrain de la Juventus. Des journalistes attribuent ce but à Flavio Conceiçao... un milieu défensif brésilien, format armoire à glace, qui joue à La Corogne, en Espagne. "Entre Sergio et Flavio, il y avait une sacrée différence", en sourit encore le Portugais.

En équipe nationale non plus, rien n'est jamais acquis. Sergio Conceiçao cumule 50 sélections, beaucoup en tant que remplaçant. Pour son malheur, il arrive à maturité quand le Brésilien Luis Felipe Scolari prend les rênes de la Seleçao. "Il a réuni les tauliers de l'équipe : Figo, Couto, Rui Costa et moi. Et nous a dit que pour lui la sélection n'était qu'un tremplin vers un grand club européen, fulmine encore Conceiçao. Qui sera progressivement écarté pour un motif futile : "Entre deux joueurs équivalents, il choisissait celui qui était équipé par Nike, avec qui il était sous contrat. J'aurais pu compter bien plus de sélections sans Scolari." Le président de la fédération figure parmi les victimes collatérales de sa colère. Gilberto Madail sera ainsi rebaptisé "Merdail", qui veut dire littéralement "merde", par un Conceiçao en colère. "Il fallait que je mette les pieds dans le plat !"

"Pas facile de travailler avec moi"

Pour ses débuts sur le banc, Conceiçao sait s'entourer en se mettant dans le giron du clan D'Onofrio, qui règne en maître sur le foot belge. Dominique le lance dans le grand bain du coaching en le prenant sous son aile au Standard de Liège. Sergio lui a rendu la pareille en le jetant à la baille lors de vacances communes en Grèce. Le frère, Luciano - celui qui a pris ses jambes à son cou devant les caméras de Cash Investigation - a trempé dans ses transferts via ses sociétés-écrans louches. Et est à l'origine de sa venue chez Doyen Sports, l'un des fonds d'investissement qui régente la carrière de nombreux joueurs. Lors de ses débuts en solo, Conceiçao a même eu Francesco, le fils D'Onofrio, sous ses ordres à Olhanense...

Sa reconversion comme entraîneur à la fin de sa carrière en a surpris plus d'un. A commencer par Conceiçao lui-même : "Ce n'est pas facile de travailler avec moi. Tout ce que je fais, je le fais avec passion." "Je ne l'aurais jamais cru. J'avais tort", reconnaît Mihajlovic. "Il a basculé sur le banc. Les résultats lui donnent raison", constate Didier Deschamps qui loue son caractère et ses méthodes dans le magazine Le Vestiaire nantais. Le coach portugais est déjà venu asticoter un journaliste dans le tunnel du stade ou a déjà été viré par sa direction pour "management trop agressif". Les joueurs de Nantes, qui sont désormais pesés chaque jour, doivent petit-déjeuner au club - des fruits pressés sur place et plus des jus industriels s'il vous plaît - sont rodés à un système où chaque détail compte.

Ne manque qu'un grand coup d'éclat. Ses maintiens acquis avec plusieurs équipes assez faibles au Portugal ne constituent pas un palmarès. Une qualification européenne avec un Nantes moribond aurait une autre allure. Reste à savoir quel défi il lancera à ses joueurs. Après une qualification en finale de la Coupe du Portugal avec Braga en 2015, il avait couru 40 km dans la nuit pour rentrer chez lui...

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