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Foot : pourquoi la "Domino's Ligue 2" sonne bizarrement à vos oreilles

La deuxième division française de football a vendu son nom à une chaîne de pizzerias. Si ce dernier écorche les oreilles françaises peu habituées au "naming", la pratique se répand de plus en plus en Europe. Avec une nuance : cela concerne rarement des entreprises alimentaires.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La franchise de pizzerias Domino's Pizza a obtenu les droits de la Ligue 2 pour la période 2016-2020. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Quand la chaîne de pizzerias Domino's a annoncé avoir signé un accord pour accoler son nom à la Ligue 2, jeudi 14 avril, les plaisanteries ont d'abord fusé. Le fait que cette chaîne de pizzas a signé pour quatre saisons, que le club de Margarita (Louis-Dreyfus, la présidente de l'Olympique de Marseille dont le prénom rappelle une fameuse pizza italienne) pourrait la rejoindre la saison prochaine... S'ensuit un sentiment étrange : mise à part la parenthèse Ligue 1 Orange, de 2008 à 2012, jamais un championnat en France n'a porté le nom d'un sponsor. Une exception française... pour combien de temps ?

La France, un des rares pays d'Europe à (un peu) résister au naming

Sur les 54 pays membres de l'UEFA, seuls douze refusent obstinément d'accoler un nom à leur championnat. De façon surprenante, l'Allemagne ou la Suède y résistent, quand la première division luxembourgeoise ou les deux premières divisions andorranes ont trouvé preneurs. A noter que si la Ligue 1 Orange a disparu en France il y a quatre ans, elle existe toujours... en Roumanie, où le championnat de l'élite s'appelle la Liga 1 Orange. Au hit-parade des bizarreries, la première division nord-irlandaise s'appelle... la Danske Bank Premiership. Et la D2 porte le nom du Belfast Telegraph, unique organe de presse écrite à donner son nom à un championnat en Europe.

"Il y a deux stratégies de sponsoring sportif, explique à francetv info Vincent Chaudel, spécialiste du marketing sportif au cabinet Kurt Salmon. Soit sur les évènements, soit sur les acteurs. Sponsoriser un événement, comme le championnat de L2, c'est assez linéaire, non lié aux résultats sportifs. C'est un placement de bon père de famille, un peu comme le Livret A par rapport à un placement boursier, plus risqué, qui consiste à parrainer une équipe ou un sportif."

Les sponsors de championnat ne sont jamais des marques de pizzas

Là où Domino's Pizza surprend, c'est en sponsorisant un championnat. "Pour près de deux Français sur trois, la pizza est le plat indissociable d’une soirée football réussie", argumente le directeur marketing de la chaîne dans le communiqué publié par la Ligue. Dans ce type de partenariat, on retrouve plus volontiers des sociétés de paris en ligne, des entreprises de télécoms ou des banques. Les grands championnats européens sont ainsi parrainés par des institutions bancaires (la Barclay's Premier League en Angleterre, la Liga BBVA en Espagne) ou des sociétés de téléphonie (Serie A TIM en Italie). Les rares sponsors agro-alimentaires sont surtout des brasseurs. Seule exception : Pepsi... qui donne son nom à la première division islandaise. 

Et il n'y a qu'en France que cela prête à sourire, note Vincent Chaudel : "Ce week-end, vous aviez la finale du Rolex Masters 1000 de Monte Carlo, et personne n'y a trouvé à redire."

Signe de cette méfiance : le "naming" de la Ligue 1 n'a toujours pas trouvé preneur, peut-être aussi pour une question de prix. "Grâce aux retombées générées par l'annonce, Domino's [qui devrait verser 1,5 million d'euros chaque année pendant quatre ans] a déjà rentabilisé son investissement pour cette année, poursuit-il. En revanche, ça ne changera pas fondamentalement l'économie de la L2."

... et les sponsors sur les maillots de clubs non plus

Les sponsors alimentaires sont relativement rares dans le football français. L'En Avant Guingamp - qui affiche pas moins de quatre sociétés agro-alimentaires sur son maillot fait figure d'exception en Ligue 1. En Ligue 2, le sponsor alimentaire est un peu plus présent (avec Lactel en énorme sur le maillot de Laval, par exemple), mais aucune marque de pizzas. Dans le foot français, ce sont les collectivités locales qui sont les premiers partenaires des équipes. "C’est un moyen particulièrement efficace pour à la fois marquer son engagement dans la vie locale et communiquer sur les atouts de la région", peut-on lire dans le Livre blanc du sponsoring à l'usage des collectivités locales.

Pour la pizza, synonyme de plateau télé en famille ou entre amis, la communication ne passe habituellement pas par des acteurs institutionnels. Il faut remonter au début des années 2000 pour trouver la trace d'un maillot de l'équipe anglaise de Fulham aux couleurs de Pizza Hut. Concernant Domino's Pizza, nous avons repéré un sponsoring maillot dans le club amateur néerlandais d'Odysseus 91, à Utrecht. On les retrouve beaucoup plus volontiers sur des panneaux au bord du terrain avec le nom et l'adresse des restaurants ou fast-food locaux. Ou alors une publicité dans la presse le jour de la rencontre.

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