Droits TV : après son appel d'offres infructueux, quelle est la marche à suivre pour la LFP ?
• Le choix d'un nouvel appel d'offres peu probable
Après son appel d'offres infructueux, la Ligue de football professionnel (LFP) a annoncé ce lundi dans un communiqué "se laisser 48 heures pour définir les prochaines étapes de la commercialisation de ses droits." Deux solutions s'offrent dorénavant à la LFP : des négociations de gré à gré avec les diffuseurs intéressés, ou relancer un appel d'offres. "Dans un monde idéal, la Ligue pourrait prendre le temps de relancer un appel d'offres après avoir sondé le marché une première fois. Mais les clubs n'ont pas de temps et sont en grande difficulté", nous indique Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges.
Car depuis la défection de Mediapro qui ne paie plus les droits TV, source de revenus principale des clubs de Ligue 1, ces derniers sont cruellement en manque de trésorerie. Et dans les prochaines semaines se profilent les premiers remboursements des prêts contractés pour pallier aux difficultés liées à la crise sanitaire. La LFP, qui reverse les revenus générés par les droits TV aux clubs, n'a pas de temps devant elle. Relancer un appel d'offres après le premier échec de ce lundi semble donc très peu probable. La solution réside donc dans les négociations de gré à gré avec les diffuseurs intéressés.
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• Des négociations de gré à gré qui s'annoncent difficiles
Pour régler rapidement le problème, la Ligue se doit donc d'entamer des négociations informelles, dites de gré à gré, avec les diffuseurs potentiellement intéressés par les droits TV de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Parmi eux, la LFP pourrait donc discuter avec Amazon, DAZN ou Discovery, nouveaux acteurs qui se sont présentés lors de l'appel d'offres, "mais également Canal+ et beIN Sports qui restent des interlocuteurs naturels même si les relations actuelles sont compliquées", comme le précise Christophe Lepetit.
"Quand on passe à des négociations de gré à gré, il n'y a plus de prix de réserve, tout est possible", poursuit l'économiste du CDES. Le problème réside dans le fait que les nouveaux acteurs que sont Amazon, DAZN et Discovery risquent de ne pas adhérer aux lots proposés par la LFP. "Toujours dans un monde idéal, la Ligue pourrait revoir son allotissement pour correspondre davantage aux envies des diffuseurs", précise Christophe Lepetit.
Mais en réalité, la LFP n'a pas le droit de refaçonner les lots proposés lors de l'appel d'offres. "La Ligue ne peut pas modifier les lots sous prétexte qu'elle passe en gré à gré, sans risquer d'être assignée en justice", nous certifie Thierry Granturco, avocat spécialisé dans le monde du sport. Une contrainte qui s'applique également à la durée des droits TV mis en jeu, qui s'étalent sur la période 2021-2024. La partie s'annonce donc très périlleuse pour la Ligue et pour les clubs, "en situation de faiblesse exacerbée par la crise sanitaire", précise l'avocat. La LFP devra éviter toute assignation juridique pour trouver une solution.
• Un casse-tête juridique
Mais pour cela, il faudra passer entre les gouttes. Car en cas d'accord avec Amazon, DAZN ou Discovery sur des lots différents de ceux mis en jeu lors de l'appel d'offres de lundi, la LFP risquerait d'être assignée en justice par un autre diffuseur, comme Canal+. La chaîne cryptée a d'ailleurs déjà assigné la Ligue le 25 janvier dernier pour dénoncer un appel d'offres qu'elle juge "anticoncurrentiel". "Ce n'est pas un terreau favorable à la négociation de gré à gré entre la LFP et Canal, ça n'aide pas à trouver une sortie de crise", indique Christophe Lepetit.
Pourtant, le diffuseur historique de la Ligue 1 apparaît comme la solution à cette situation. Mais les négociations de gré à gré avec Canal pourraient également aboutir à une assignation en justice : en cas d'accord avec la chaîne cryptée, ce qui signifierait probablement la remise du lot 3 de Canal dans les négociations, la Ligue modifierait les lots, et se retrouverait dans le viseur des autres diffuseurs écartés lors de l'appel d'offres. Une solution inextricable, avec un scénario catastrophe - si tant est que le football français puisse encore davantage creuser sa tombe - en ligne de mire : l'annulation par la justice, le 19 février prochain, de l'appel d'offres de ce lundi. Avec, comme conséquence, l'organisation d'un nouvel appel d'offres avec tous les lots en jeu, qui prendrait de longs mois et qui provoquerait l'agonie des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2.
• L'écran noir, c'est possible ?
Alors que la crise s'éternise, Mediapro continue de retransmettre la Ligue 1 et la Ligue 2 sans payer de droits TV depuis des mois. La chaîne Téléfoot a même proposé de continuer la diffusion au-delà du 3 février. Faute de quoi la Ligue 1 ne serait plus disponible à la télévision. Alors que la LFP ne dispose pas de plateforme pour retransmettre les matches, les clubs de Ligue 1 ont l'opportunité de se saisir de leurs droits TV afin de les vendre en les diffusant eux-mêmes. Une mauvaise idée selon Christophe Lepetit : "Les clubs gagnent à conserver une belle mise en valeur. Il ne faudrait pas, sous prétexte qu'il s'agit d'une situation d'urgence, opter pour des solutions qui dégraderaient le produit."
"Je ne suis pas non plus sûr que les clubs disposent des moyens de production pour retransmettre des matches", poursuit l'économiste du CDES. Sans plateforme, et pour ne pas dégrader la qualité d'un produit déjà bien entamé par la crise actuelle, le plus probable semble être "un maintien du statut quo", selon Christophe Lepetit, qui poursuit : "Mediapro devrait continuer à diffuser les matches tant que la situation n'est pas réglée. On est pourtant dans le cas d'un client qui ne paie pas ses fournisseurs, c'est surprenant." Alors que les prochaines semaines s'annoncent très longues à la Ligue, rien ne paraît vraiment plus surprenant dans le monde du football français.
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