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Les commotions cérébrales en tête des risques pour les footballeurs

Oubliez les tacles à la carotide : ces traumatismes crâniens font beaucoup plus de dégâts, mais rares sont ceux qui en parlent.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le joueur allemand Christoph Kramer se cogne au défenseur argentin Marcos Rojo lors de la finale de la Coupe du monde, le 13 juillet 2014, à Rio de Janeiro (Brésil). (NATACHA PISARENKO / SIPA)

On joue la 16e minute du match entre Leicester et Arsenal, dimanche 31 août, en Premier League, le championnat anglais. Sur un duel aérien, le défenseur français des Gunners Laurent Koscielny se fracasse le crâne sur un adversaire. En retombant, il reste au sol. Les soigneurs font leur entrée sur le terrain et l'emmènent aux vestiaires pour le soigner. Quelques minutes plus tard, le joueur revient sur le terrain. Totalement perdu, il n'ose pas disputer un ballon de la tête à son adversaire direct. L'action se termine par un but pour Leicester. A la 26e minute de jeu, il est définitivement remplacé. Mais pourquoi l'avoir laissé jouer malgré un traumatisme crânien ? Parce que, dans le football, personne ne prend cette blessure au sérieux.

L'équivalent d'une collision en voiture à 60 km/h

Une commotion cérébrale, c'est quand votre cerveau se heurte violemment aux parois de votre crâne, entraînant la rupture de nombreuses connexions nerveuses. Un gif, réalisé par Radio Canada, vaut mieux qu'un long discours.

Ce genre de choc est équivalent à celui d'une voiture qui se fracasse dans un mur à 60 km/h. Un seul traumatisme peut encore avoir des conséquences, en terme de capacité de concentration ou de mémoire, trente ans plus tard. Et quand c'est répété, les dégâts peuvent être considérables pour les cellules du cerveau, allant jusqu'à des maladies neurodégénératives. Le site américain MotherJones (en anglais) propose une comparaison édifiante entre le cerveau d'un boxeur et d'une personne lambda.

Outre-Atlantique, les amateurs de sports connaissent bien le problème des commotions cérébrales, très médiatisé par les joueurs de football américain. D'anciens sportifs ont en effet gagné un procès avec à la clef des milliards de dollars d'indemnités pour avoir été sciemment exposés à ce risque.

De nombreuses études montrent que notre football, celui que les Américains appellent le soccer, est aussi dangereux que la lutte pour le cerveau, un peu derrière le hockey sur glace et la crosse. Une autre enquête révèle que les traumatismes crâniens représentent 34% des blessures sur un terrain de foot – et encore, ils ne sont pas tous diagnostiqués. Pire, chez les femmes, le football constitue la deuxième cause de commotions cérébrales.

Des procédures qui ne sont pas respectées

En finale de la Coupe du monde, le milieu allemand Christoph Kramer, victime d'un choc crâne contre crâne avec un adversaire, est quand même revenu sur le terrain, à l'instar de Laurent Koscielny. Il est apparu complètement déboussolé. Son entraîneur a mis une dizaine de minutes à le sortir. Pourquoi ? Parce que personne ne respecte les procédures en vigueur pour détecter une commotion cérébrale.

Parmi les questions posées par le staff médical, un joueur doit mémoriser un mot et le redire cinq minutes plus tard. Et cinq minutes sur le bord de la touche, en laissant son équipe à dix, c'est beaucoup trop long... Que ce soit en finale du Mondial ou lors d'un match amateur. "Peu de temps après le choc, il est venu me voir pour me demander si c'était bien la finale de la Coupe du monde", a raconté l'arbitre du match, Nicola Rizzoli, à La Gazzetta Dello Sport (en italien). "Je lui ai répondu que oui, et il m'a dit : 'Merci, c'est très important pour moi.'" Depuis, Kramer explique n'avoir aucun souvenir du match.

A la Fifa, pourtant, "on ne s'alarme pas"

"On ne s'alarme pas. La situation est la même depuis 16 ans. L'introduction du carton rouge pour punir les coups de coude au visage a permis une baisse des commotions cérébrales", se borne à répondre à USA Today (en anglais) le médecin en chef de la Fifa Jiri Dvorak. Pas question donc d'imposer une batterie de tests sur le bord de la touche comme au rugby (qui permet les changements temporaires).

Pas question de contredire le staff médical d'un club, quand il décide de faire revenir un joueur sur le terrain alors qu'il est encore dans le potage. "Nous faisons confiance aux médecins des équipes", poursuit Dvorak. Sur un incident ayant impliqué HugoLloris, gardien des Bleus et de Tottenham, fin 2013, il n'avait pourtant pas été tendre : "Son club n'aurait jamais dû l'autoriser à reprendre le match."

Petr  Cech, un gardien de but pas épargné

"Quand vous jouez gardien, vous savez que vous allez prendre des coups." Petr Cech, le portier de Chelsea, sait de quoi il parle. En 2006, dès la première minute d'un match contre Reading, il reçoit en plein visage le genou de l'attaquant adverse. Le gardien tchèque parvient à ramper tant bien que mal hors du terrain pour être soigné. Il est encore conscient quand les brancardiers le ramènent au vestiaire. Cech perd connaissance dans l'ambulance qui le transporte à l'hôpital. Remarque d'un infirmier : "On dirait une victime d'un accident de la route." Le joueur met plusieurs mois à se remettre de ce choc : "Au début, j'avais du mal à parler et des migraines terribles", se souvient-il dans le Daily Mail (en anglais).

Le gardien de Chelsea Petr Cech est évacué du terrain après une commotion cérébrale, le 14 octobre 2006, lors d'un match à Reading (Royaume-Uni). (ADRIAN DENNIS / AFP)

Depuis, Petr Cech porte un casque. Lors d'une autre collision, en 2008, ce bout de plastique a peut-être sauvé sa carrière : "Ma tête est partie en arrière, comme à la boxe. Je ne sais pas vraiment ce qui s'est passé. Mais j'imagine que mon casque a encaissé le plus gros de l'impact", raconte-t-il alors au Telegraph (en anglais). Ce n'est qu'à la mi-temps, quelques minutes après, que Cech tombe en état de choc : "Je n'arrivais plus à voir correctement. Dès que je me suis assis, j'étais incapable de me relever." 

Petr Cech n'est pas frappé par la malchance, il est juste gardien de but. Un poste à hauts risques. La commission médicale de la Fifa préconise que les gardiens portent quasiment une armure, avec coudières, genouillères et caleçon renforcé. Mais pas de casque.

Certains veulent interdire de faire des têtes chez les jeunes

Mercredi 27 août, aux Etats-Unis, un groupe de mères de joueurs de soccer ont lancé une class action contre la Fifa. Elles réclament l'interdiction de jouer avec la tête avant l'âge de 17 ans. Les plaignantes s'inquiètent d'un possible lien entre frapper le ballon avec le front et perdre sa matière grise. D'après elles, 50 000 têtes blondes ont été victimes de commotions cérébrales aux Etats-Unis, rien que pour l'année 2010.

Le professeur Robert Cantu, de l'université de Boston, abonde en ce sens aussi. Il estime que la Fifa devrait bannir l'usage de la tête pour contrôler le ballon avant l'âge de 14 ans : "Les jeunes ont des têtes disproportionnément grosses par rapport à leur cou. A 5 ans, la tête d'un enfant mesure 90% de sa circonférence adulte, mais le cou ne s'est pas développé à ce point", justifie-t-il dans les colonnes de Scientific American (en anglais).

Et bientôt le port du casque obligatoire ?

Un footballeur qui joue 300 matchs pros fera en moyenne 2 000 têtes dans sa carrière. Sans doute beaucoup plus, en comptant les séances d'entraînement. Autant de micro-chocs qui pourraient s'avérer dommageables sur le long terme. Jusqu'à en mourir ? 

ll existe au moins un cas litigieux. Jeff Astle, un avant-centre qui a bourlingué dans le championnat anglais dans les années 1960-70, est mort en 2002 après avoir vécu ses dernières années dans un état de semi-démence. Derek Robson, le docteur qui lui a fait un scanner du cerveau, explique au Guardian (en anglais) "J'ai trouvé énormément de traces de traumatismes au cerveau, un peu comme pour le cerveau d'un boxeur."

L'attaquant de Manchester United Wayne Rooney porte un bandeau protecteur lors d'un match contre Crystal Palace, le 14 septembre 2013.  (CAL SPORT MEDIA / SIPA)

Dans la ville de Princeton (New Jersey, Etats-Unis), le port du casque est obligatoire pour tous les jeunes qui jouent au foot ou au hockey sur gazon. Aucune étude ne prouve les bienfaits d'une telle protection ou du bandeau renforcé pour le cerveau (comme ci-dessus avec Wayne Rooney). N'empêche, au baseball, on a fini par l'imposer pour le receveur et le batteur. Histoire de ne pas froisser les élégances, la Ligue de baseball américaine a adopté en 2013 un casque ayant la forme d'une casquette...

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